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14 juin 2012 4 14 /06 /juin /2012 07:04

Depuis plusieurs semaines, la presse se fait l'écho des prises de positions d'un collectif d'intellectuels et de chercheurs qui s'est baptisé "La Gauche Populaire". Le site nonfiction.fr et France Culture lui ont ces derniers jours consacré un entretient et une émission pour décrypter les débats que le collectif met sur la place publique. Vous trouverez l'un et l'autre ci-dessous.

nonfiction.fr - mercredi 13 juin 2012 - 15:00

Le débat entre la "Gauche populaire" et les tenants d'une gauche multiculturelle s'est intensifié ces derniers jours. Après des échanges très vifs sur Twitter, Sylvain Bourmeau, directeur adjoint de la rédaction de Libération, et Laurent Bouvet, politologue 1 ont débattu lundi sur France Culture de leurs divergences idéologiques profondes sur l'orientation de la gauche française. Dans le souci de comprendre un clivage apparu au moment où la gauche conquérait à nouveau le pouvoir, nonfiction.fr suivra l'actualité et l'évolution de ce débat. Dans cet entretien, Denis Maillard, un des fondateurs et animateurs de la Gauche populaire, explique le point de vue du collectif sur les rapports entre la gauche et le peuple.

Nonfiction.fr- Qu’est-ce que la gauche populaire ?

Denis Maillard- La Gauche populaire est un groupe informel de citoyens intéressés par les questions politiques ; il s’agit aussi d’intellectuels et de chercheurs, de membres du Parti socialiste ou en rupture avec celui-ci, de chevènementistes, de rescapés du Modem, d’électeurs de Jean-Luc Mélenchon et même de quelques Verts... Ils ont en commun de penser que la gauche ne peut arriver au pouvoir et s’y maintenir qu’en renouant avec les catégories populaires, et à travers elles avec la question sociale. Ils estiment que les défaites de 2002 et 2007 n’étaient pas des accidents de l’histoire mais les épisodes supplémentaires dans une dérive de la gauche institutionnelle. Le collectif est né au cours de l’année 2011 dans un séminaire, organisé par Laurent Bouvet à l’Observatoire de la social-démocratie au sein de la Fondation Jean-Jaurès. Le thème en était la montée des populismes. Nous essayions de comprendre pourquoi l’extrême-droite gagnait du terrain en Europe et l’on sentait qu’en France, l’élection présidentielle approchant, les choses allaient être semblables et que Marine Le Pen risquait de faire un score important. Cette tentative de penser collectivement s’inscrivait, pour Laurent et moi-même, dans la continuité de la collection RéGénération que nous avions fondé en 2003 aux éditions Michalon et où l’on essayait de faire surgir dans le débat politique des réflexions et des auteurs neufs.

La collection s’intéressait déjà à la question sociale et au rapport au peuple ?

C’était plus vaste, mais nous tournions déjà autour de cette problématique. Notre ambition était de comprendre ce qu’il s’était passé à gauche dans les années 1980 : alors que Mitterrand avait été porté au pouvoir sur des questions principalement sociales, à partir de 1982-1983, la gauche avait tourné le dos à cette question pour lui substituer une attention toute sociétale qui allait bien plus loin que ce que la 2ème gauche, le PSU ou la CFDT avaient pu proposer jusqu’ici. Pour le dire en quelques formules, la gauche officielle a choisi dans les années 80 l’agrégation des minorités contre le traditionnel "peuple de gauche" à qui elle n’avait plus grand chose à proposer en matière d’émancipation collective et qui commençait à lui faire politiquement défaut. Ce faisant, elle a substitué à la question du commun celle des identités ; elle a préféré le développement de la société à l’affirmation de la République. Elle a troqué le socialisme contre le multiculturalisme et la question sociale contre la diversité ! Mais ce faisant elle a aussi creusé son tombeau électoral. Jusqu’en 2012. Cette interrogation, née avec la collection RéGénération entre 2003 et 2007, est restée celle de la Gauche populaire. Entre les deux il s’est passé cinq ans durant lesquelles nos intuitions sont devenues des questions essentielles à la veille de la présidentielle de 2012 et nos réponses des clivages au sein même de la gauche ainsi qu’une manière nouvelle d’affronter la droite identitaire. Cinq ans pour que ces réponses soient entendues, face à la montée du Front national de Marine Le Pen.

Comment comptez-vous peser sur le débat politique ?

Pour répondre à cette question, il faut d’abord comprendre comment nous fonctionnons avant de parler de nos objectifs. La Gauche populaire, c’est à la fois un séminaire qui se tient physiquement à la Fondation Jean-Jaurès et, en même temps, l’agrégation d’individus qui, petit à petit, se sont mis à réfléchir ensemble au moyen des réseaux sociaux, notamment Facebook. Aujourd’hui, c’est un peu plus de soixante-dix personnes qui conversent sur les réseaux sociaux, publient leurs travaux à travers notre blog et se retrouvent pour des réunions in real life. Il s’agit donc d’un "intellectuel collectif" issu des réseaux sociaux et qui fonctionne avec les réseaux sociaux : il n'y a pas d’adhésion, pas de chefs, l’organisation est minimale et il n’y a pas non plus de porte-parole, sauf momentané et issu du groupe comme en ce moment avec cet entretien. En revanche, certains travaux nous ont aidé à structurer nos réflexions. Je pense notamment au livre de Laurent Bouvet Le sens du peuple, aux enquêtes d’Alain Mergier et Philippe Guibert 2 auprès des catégories populaires, aux essais de Gaël Brustier et Jean-Philippe Huelin sur le peuple et la droite ou encore aux analyses de Sylvain Crépon 3 comme de Nicolas Lebourg 4 concernant le nouveau Front national, tous membres ou proches de la Gauche populaire. C’est un collectif informel et pluraliste de gens qui ont décidé de penser ensemble – chercheurs, professeurs, sociologues, citoyens, militants politiques… On est "Gauche populaire" par envie, par cooptation ou même par hasard tant nos réflexions rejoignent celles de nombreuses personnes à gauche.

On ne va pas donc "rentrer dans le jeu politique" mais nous rencontrons tous ceux qui ont envie de parler avec nous pour leur faire comprendre qu’il n’y aura pas de réussite gouvernementale si, une fois arrivée au pouvoir, la gauche "oublie" à nouveau les classes populaires. Notre objectif est d’influencer le débat public. Et l’enjeu est de faire en sorte qu’en 2017, on ne retrouve pas Marine Le Pen à 30% au premier tour. Cela demande un patient travail de fond qui allie analyse politique, connaissance sociologique (qui sont les fameux "périurbains" ? Qu’est-ce que le nouveau Front national ? Qu’est-ce que la crise du travail ? etc.) et production intellectuelle. A la rentrée prochaine, nous allons donc poursuivre un nouveau cycle de séminaires vraisemblablement sur la question de "l’insécurité culturelle" et de l’unicité du territoire de la République, des questions d’autant plus prégnantes que le bon score de Marine Le Pen risque de créer une tension entre "la gauche diversitaire" (comme le dit pertinemment la blogueuse Coralie Delaume) et la droite identitaire. Pour échapper à cette opposition stérile, nous les renvoyons.

Pourquoi le nom "Gauche populaire" ? On vous a beaucoup reproché, notamment, la symétrie avec la Droite populaire…

La gauche populaire, c’est une gauche qui n’oublie pas les classes populaires – c’est tout ! Lors d’une réunion, plusieurs noms ont été envisagés et nous avons finalement voté pour retenir celui-là. Nous pensons que les catégories populaires sont le cœur de la promesse de la gauche. Et puis le nom avait commencé à s’imposer à travers le livre Plaidoyer pour une gauche populaire dans lequel plusieurs auteurs de notre groupe ont écrit. Ce qui nous inquiète c’est bien plus que la droite ait pu s’approprier ce terme de "populaire" sans que personne, à gauche, n’en soit gêné. Nous ne faisons que reprendre un drapeau qui nous appartient !

Est-ce que François Hollande a réussi à trouver "le sens du peuple" ? La gauche a-t-elle durablement renoué avec la victoire ou est-ce juste conjoncturel – une victoire par rejet de Nicolas Sarkozy ?

C’est toute la question que nous nous posons. Si l’on regarde les résultats du premier tour, François Hollande arrive légèrement en tête dans le vote ouvrier mais Marine Le Pen réunit quand même un tiers de leurs suffrages. C’est la première fois depuis longtemps qu’un candidat de gauche arrive en tête chez les employés et les ouvriers. On peut donc penser qu’il a retrouvé un certain sens du peuple. En même temps, ce sont chez ces mêmes catégories que l’on trouve la plus forte abstention au second tour. Si François Hollande arrive en tête dans ces catégories le 6 mai, c’est plus par rejet de Nicolas Sarkozy que par véritable adhésion à la gauche. On a cinq ans – il a cinq ans – pour confirmer cette adhésion a minima et c’est là qu’un collectif comme la Gauche populaire peut être intéressant – dans ses analyses, dans sa réflexion. Il n’y a de possibilité de victoire à long terme qu’en restant lié aux classes populaires.

Est-ce que François Hollande vous a personnellement reçu et écouté pendant la campagne ?

Oui, il a écouté – mais il a écouté beaucoup de monde. Il a reçu plusieurs membres de la Gauche populaire. D’ailleurs, nous avons retrouvé, dans le discours du Bourget, le grand discours fondateur de sa campagne, certains éléments que nous avions apportés. Nous avons été une source d’inspiration parmi d’autres…

C’est quoi le peuple ? C’est qui le peuple ?

Dans son livre (Le sens du peuple, Gallimard), Laurent Bouvet a bien montré l’existence et l’articulation de trois peuples matérialisés dans trois documents que nous portons tous sur nous : le peuple national – celui de la carte d’identité ; le peuple politique – celui de la carte d’électeur ; et le peuple social – celui de la carte Vitale avec notre numéro de sécurité sociale. Ce qui nous intéresse, c’est l’articulation entre ces trois peuples. Mais celui qui nous intéresse prioritairement, c’est ce peuple social dont la gauche dit en permanence qu’il est "le peuple de gauche" alors que, depuis la fin des années 1980, il n’adhère plus majoritairement à la gauche. La gauche a encore l’illusion que ce peuple social est son socle électoral alors que, de fait, elle lui a substitué un autre peuple – ce que Terra Nova a essayé de théoriser au printemps dernier : l’alliance de toutes les minorités qui arriveraient, petit à petit, à former une majorité. Sauf que cette coalition ne nous semble pas gagnante et met en danger la République.

Aujourd’hui, la question sociale se repose massivement (chômage, crise européenne, problèmes de mondialisation et de désindustrialisation en France) mais en des termes particuliers : économiques (est-ce que je vais être au chômage, quel est mon pouvoir d’achat ?), sociaux (quel est mon travail, comment s’est-il transformé, comment puis-je en vivre ?) mais aussi culturels, avec cette question d’insécurité culturelle.

C’est quoi, justement, l’insécurité culturelle ?

A côté de l’insécurité économique (les problèmes de chômage, de pouvoir d’achat) et physique (les vols, les agressions), une autre insécurité se fait jour : le monde dans lequel j’étais, dans lequel je pensais pouvoir m’inscrire, le territoire sur lequel je pensais vivre, l’école sur laquelle je croyais pouvoir compter pour éduquer mes enfants, tout ça fait défaut. Le citoyen a un contrat moral avec la République : l’insécurité culturelle, c’est quand celle-ci n’honore plus sa part du contrat, quand les services de proximité – la maternité, le tribunal, l’hôpital – ferment, quand le train ne s’arrête plus à la gare voisine. Ce n’est pas dans les centres-villes que ces choses se ressentent le plus durement. L’insécurité culturelle, ce n’est pas une notion identitaire ! Ce n’est même pas un concept, c’est avant tout une hypothèse pour comprendre une situation nouvelle. Lorsque Libération explique, dans un fameux éditorial intitulé "Enclos" le 27 avril dernier, que les gens qui votent pour Marine Le Pen sont des beaufs racistes terrés derrière l’enclos de leur pavillon, qu’ils ont voulu habiter loin pour ne pas être avec les autres (sous-entendu pour ne pas s’ouvrir à la diversité), c’est ne rien comprendre à ce qui se joue dans une certaine France, invisible depuis des centres-villes protégés des effets les plus ravageurs de la mondialisation. Il ne s’agit pas d’encenser ce mode de vie : le fait de vivre séparés les uns des autres mais sur le mode urbain d’une disponibilité immédiate des services collectifs posent de nombreux problèmes comme il révèle un imaginaire social et politique particulier qui n’est pas forcément le nôtre. Mais il s’agit avant tout, pour nous, d’affirmer que la République n’a qu’un territoire et n’est pas constitué d’un assemblage de fragments territoriaux ignorés ou jaloux les uns des autres, comme elle ne connaît qu’un peuple et non pas une agrégation d’identités.

Est-ce que ce concept – le plus commenté, le plus polémique – est au cœur de la philosophie politique du collectif ? Est-ce la clé de votre analyse de la société ?

Non, ce n’est pas le centre de l’analyse. Le centre, c’est la question de la République. Face à une France travaillée par un chômage de masse qui doute de sa place dans la mondialisation, qui doute que l’Europe, qu’elle avait imaginée comme étant "une France en plus grand", puisse lui assurer cette promesse-là, qui doute également que le futur de ses enfants soit meilleur que son propre présent, qui doute enfin de ses capacités à continuer à être une terre hospitalière – à la fois pour les générations futures et pour les personnes qui arrivent de l’extérieur – face à ça, traditionnellement, il y avait une réponse qui s’appelait la République. La République, c’est l’égalité entre les citoyens, c’est la possibilité de s’élever – notamment par l’école – et aujourd’hui, cette promesse ne fonctionne plus, mise à mal par des forces extérieures – la mondialisation étant l’une de celles-ci. Le cœur de notre réflexion, c’est "comment la gauche peut tenir la 'superbe promesse faite au Tiers-Etat' ", pour reprendre les mots de Mandelstam. La réponse à cette promesse, c’est la République, rien que la République mais toute la République. L’insécurité culturelle est une hypothèse qui nous permet de comprendre pourquoi une certaine catégorie de la population, souvent en périphérie des villes ou dans des zones rurales, vote pour Marine Le Pen et va être tentée par des solutions extrêmes, par le populisme d’extrême-droite. Nous voulons une gauche qui reprend à son compte la question sociale et qui voudra faire de la France une nation du commun dans laquelle tout le monde puisse vivre et où les identités seront apaisées.

Ce constat, pensez-vous qu’il est identique à celui porté par le Front national de Marine Le Pen ?

Non, nous ne parlons pas du même point de vue. Nous parlons d’un point de vue de gauche, pour qui l’égalité, la question sociale et le sort des catégories populaires sont les choses les plus importantes. Car notre discours s’adresse d’abord à la gauche en lui disant : on n’est pas de gauche si l’on commence par se désintéresser de ceux qu’on estime être des beaufs, avec lesquels on a rien en commun et qui ne seraient que des petits blancs racistes. On n’est pas de gauche si l’on s’exonère de tout rapport au peuple. On n’est pas de gauche si l’on ne vit pas sans décence commune. Le constat de Marine Le Pen se fonde au contraire sur un certain nombre de faux postulats et qui ne correspondent pas aux diagnostics portés par la gauche populaire : l’ensemble des problèmes et notamment l’ampleur de la dette proviendraient d’une immigration incontrôlée, la France serait finie, l’Europe une chose détestable, l’euro une bêtise, etc. C’est à partir de ces présupposés qu’elle essaye alors de ramener les gens vers elle. Au prix d’une profonde rupture d’égalité puisque sa solution reste la préférence nationale, même sous une autre appellation. Au contraire de l’extrême droite, tout notre propos est centré sur l'égalité. Qu’est-ce que la gauche ? C’est le camp de l’égalité, c’est le camp de la promesse d’une émancipation à travers l’égalité. C’est à partir de cette position que se déploie notre réflexion. Nous ne partons donc pas des mêmes principes que Marine Le Pen.

Cependant, sur certains points précis, vous dites, aux côtés de Marine Le Pen, que le peuple dans les zones périurbaines est abandonné par la République au profit d’un libéralisme triomphant qui abandonne ceux qui ne seraient pas rentables – vous appelez la République à se réinstaller là où elle n’est plus…

Je suis d’accord avec toute la phrase sauf pour le "aux côtés de…". Nous ne parlons pas de la même République, nous ne parlons pas de la même France ! Nous cherchons à combattre cette droite identitaire avec laquelle nous ne pouvons pas partager grand-chose. En cela, on ne court pas après le Front national, on ne se "lepénise" pas comme certains ont pu le dire et on n’embarque pas non plus la gauche dans je ne sais quel glissement vers la droite…

Qu’en est-il de Jean-Luc Mélenchon ? N’est-il pas, lui aussi, dans cette optique de réinstallation de la République là où elle a abandonné le peuple ?

Mais n’est-il pas dans une vision nostalgique de ce qu’a été ledit "peuple de gauche" ? Sa campagne à Hénin-Beaumont a été assez exemplaire là-dessus : il a fait des meetings sur fond de terril, il a parlé de la mine et réactivé toute cette nostalgie autour d’un peuple de gauche et d’un certain travail alors que l’un et l’autre ont profondément évolué. Les raisons de l'échec de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle, puis à Hénin-Beaumont, mériteront un vrai bilan : l'ouvriérisme nostalgique sans lien avec le contexte économique et les réalités de la mondialisation, notamment en ce qui concerne l'immigration, conduit à un échec dans les milieux populaires : il contribue au score élevé de Marine Le Pen et valide le fait que l'électorat populaire n’adhère pas à cette gauche qui, par ailleurs, se réclame du "peuple". S’il y a une crise d’identité aujourd’hui dans les classes populaires et s’il y a une insécurité, elles touchent aussi le travail ! Des pans entiers de l’industrie ont disparu et se faire photographier sur fond de terril, c’est passer à côté de ce qu’est le travail aujourd’hui, ce n’est que réactiver une mythologie du travail. Une nouvelle économie est née également, avec de nouvelles pénibilités : toute une économie de services avec des travailleurs, souvent pauvres, qui sont considérés comme des employés par la nomenclature de l’INSEE alors qu’ils sont en réalité de vrais ouvriers des services. Je ne crois pas que le Front de Gauche, avec son tropisme du service public, soit en capacité de décrire cette réalité-là, en mal de représentation, aujourd’hui. Qui se préoccupe réellement de ce qu’est la France des classes populaires et de ce qu’est devenu le travail ouvrier et employé ? Ni totalement la gauche ni vraiment Marine Le Pen.

Quelles réponses proposez-vous pour remédier à l’insécurité culturelle ?

On nous fait assez régulièrement le reproche de dresser un constat sans, finalement, apporter de réponses. La Gauche populaire est une réflexion en mouvement. A un moment donné, au cours de l’année 2012, nous avons dit certaines choses qui ont eu de l’écho car ce que nous proposions faisait sens pour les gens. Avant de se précipiter sur les préconisations ou les mesures concrètes, faisons d’abord porter le débat sur les objectifs et les principes. Quand on voit la Une de Libération sur les "cabinets blancs" (le 31 mai dernier), on se dit qu’on a encore du travail à faire pour faire admettre à la gauche que la République, ce n’est pas une société dans laquelle on compte les minorités pour voir si elles sont suffisamment représentées.

Le temps des préconisations viendra. Ce temps est prévu, il arrivera. Notre discours est un discours républicain assez classique : le jour où il sera intériorisé par la gauche, où il sera majoritaire à gauche, nous n’aurons aucun mal à vaincre la droite identitaire ! Car ce que propose la Gauche populaire c’est aussi une nouvelle manière de s’opposer à la droite et à l’extrême droite dont la "barrière d’espèce" semble avoir vécu. En effet, toute une partie de la droite va ou est en train de s’embarquer à la rencontre de Marine Le Pen derrière ces questions d’identité. La mauvaise réponse à gauche serait de leur emboîter le pas en leur répondant symétriquement sur l’impératif de diversité quand la seule réponse, c’est la République ! Mais attention, la Gauche populaire n’est pas un retour des "Républicains des deux rives" qui, pour certains, sont devenus entre-temps des "Républicains des dérives". La Gauche populaire campe résolument à gauche !

Vous me parliez de la Une de Libération sur les "cabinets blancs de la République"… Etes-vous tout de même sensibles à la question de la diversité à la tête de la République ou est-ce que la question ne se pose pas pour la Gauche populaire ?

On peut être sensible aux multiples expressions de racisme ou de discrimination dans la société française et, dans le même temps, dire que l’on n’a pas envie de savoir s’il y a assez de noirs, de femmes, d’homosexuels ou d’arabes au sommet de l’Etat. Ce n’est pas antinomique ! Parce quand on est républicain, on veut ignorer ces choses-là. Le jour où l’on se met à compter s’il y a suffisamment de femmes, de noirs, d’arabes, d’homosexuels, etc. on détricote ce qui fait le commun de la République – il faut tenir bon sur cette question. Sans compter le côté cocasse qui consiste à rendre compte de la situation à partir d’une liste de prénoms ou encore de faire de Fleur Pellerin une représentante de la diversité. Les "cabinets blancs" en disent beaucoup plus sur le verrouillage de l’élite politico-administrative que sur la discrimination de la société française. Si on veut faire honte à la France pour son passé colonial ou son racisme en regardant les cabinets ministériels, on observera bien plus la fermeture de l’élite sur elle-même que ces réalités qui existent par ailleurs. On est donc dans l’idéologie identitaire dont la Gauche populaire souhaite se défier. Il y a trente ans, on aurait dit qu’il n’y avait pas assez de fils d’ouvriers ou d’énarques issus du tour extérieur dans les cabinets – aujourd’hui, on dit qu’il n’y a pas assez de noirs. Mais ce n’est pas le problème ! C’est juste le symptôme de cette substitution du multiculturalisme à la justice sociale dont nous parlions au départ. Le problème est de savoir si la République offre à l’ensemble des Français, grâce à l’école et au travail, de pouvoir vivre une vie décente et d’accéder aux responsabilités auxquelles ils aspirent. La République tient-elle sa promesse vis-à-vis des classes populaires et moyennes qui jouent le jeu de l’école publique ? Rien n’est moins sûr. Leur expérience commune, au contraire, c’est de s’apercevoir qu’en jouant le jeu et qu’en respectant les règles, on n’a pas la récompense de ses efforts, qu’on soit blanc ou noir. Combien d’enfants, à la fin de la troisième, ne pourront pas intégrer un lycée de qualité car ils n’ont pas été dans un collège privé, car leurs parents n’ont pas contourné la carte scolaire et n’avaient pas non plus les moyens de leur offrir des cours particuliers… Donc proclamer ensuite qu’il n’y a pas assez de noirs, de femmes, d’arabes – ça ne veut rien dire ! La République tient-elle encore la promesse de l’égalité et de l’émancipation à travers l’école et le travail ? C’est la seule question qui vaille. La gauche a un quinquennat pour y répondre sous peine de faire de la présidence Hollande une simple parenthèse dans un gigantesque glissement à droite de la société française.

* Propos recueillis par Jules Fournier.

* Le blog de la Gauche populaire.

A lire aussi sur nonfiction.fr :

- L'insécurité culturelle est-elle gauchocompatible ?, par Salomé Frémineur.

- Les critiques du livre de Laurent Bouvet, Le sens du peuple, par Nicolas Leron, et par David Navaro.

- François Kalfon et Laurent Baumel (dir), Plaidoyer pour une gauche populaire, par Fabien Escalona.

Notes :
1 - qui collabore à nonfiction.fr
2 - dont Le descenseur social. Enquête sur les milieux populaires, publié chez Plon en 2006
3 - Enquête au cœur du nouveau Front national, Nouveau Monde, 2012
4 - auteur avec Joseph Beauregard de François Duprat, l'homme qui réinventa l'extrême droite, Denoël, 2012


Le vote FN traduit-il une "insécurité culturelle" des classes populaires ?

pod cast radio france

Comme souvent au lendemain d’une élection, il y a 2 façons d’examiner les résultats. Celle qui consiste à voir le verre à moitié plein, et l’autre, le verre à moitié vide. Ainsi les 13,77 % enregistrés hier par le Front national. Score décevant si l’on se réfère à celui réalisé par Marine Le Pen à la présidentielle. Décevant encore par rapport à son plus haut historique pour ce type d’élection : 14,9 % des voix en 1997 : le parti, alors présidé par Jean-Marie Le Pen, avait réussi à maintenir des candidats au second tour dans 133 circonscriptions : 2 fois plus qu’en 2012.

Bourmeau_Bouvet_France_Culture.jpgSylvain Bourmeau et Laurent Bouvet

M lucchesi©Radio France

Mais avec 13,77 %, le FN creuse l’écart avec ses principaux poursuivants : le Modem, les Verts, le Front de gauche surtout, et semble s’imposer durablement comme la 3e force politique en France.

Avec, peut-être, à la clé une petite poignée de députés. Comment interpréter cet ancrage et cet écart ? Au lendemain du 1er tour de la présidentielle, la Gauche populaire (collectif regroupant des élus et des intellectuels) tentait une explication en inventant un nouveau concept : l’insécurité culturelle, laquelle se manifesterait par « le fait de se sentir menacé de façon diffuse », et d’attribuer cette menace aux autres. Un des symptômes en quelque sorte de la mondialisation et du multiculturalisme. L’insécurité culturelle. Il faut bien dire que cette notion est encore un peu floue. Voire dangereuse pour certains, qui, à gauche également, y voient un signe de « lepénisation des idées », une façon d’accréditer les thèses du Front national. Depuis fin avril, la polémique autour de cette notion est particulièrement vive sur les réseaux sociaux entre ses partisans et ses détracteurs.

Les résultats du dimanche 10 juin 2012 peuvent-ils permettre de les départager ? Le vote FN traduit-il une insécurité culturelle des classes populaires ?

Invité(s) :

Sylvain Bourmeau, directeur adjoint de la rédaction de Libération

Laurent Bouvet, professeur de science politique à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

Lien(s) :

Comment la gauche gérera-t-elle l’insécurité culturelle révélée par le vote Marine Le Pen ? , par Laurent Bouvet Le Monde du 24 avril 2012

«Insécurité culturelle» et différentialisme de gauche, par Valéry Rasplus et Régis Meyran - Libération du 5 juin 2012.

Article de Sylvain Kahn sur son blog Globe pour France Culture - Sylvain Kahn revient sur l'utilisation des expressions "insécurité culturelle" et "insécurité identitaire" dans les médias. Il s'interroge sur la pertinence de ces expressions ainsi que sur l'absence d'explication de ces termes.

Le blog de Laurent Bouvet : Laurent Bouvet exprime ses idées sur la politique au travers d'articles. On peut y retrouver ses articles publiés dans les journaux comme ceux du Monde ou du Huffington Post

Qui défend les classes populaires ? par Olivier FerrandSur le site de Terra nova.

Collectif Gauche Populaire

Le dossier Législatives 2012 de franceculture.fr - Avec notamment une carte interactive de l'ensemble des résultats.

Document(s) :

electre-la-gauche-face-a-ses-electeuirs.jpgPlaidoyer pour une gauche populaire - la gauche face à ses électeurs
        Laurent Baumel - François Kalfon

    Le Bord de l'eau, Latresne (Gironde), 2011

 

 

 

 

bouvet.jpgLe sens du peuple : la gauche, la démocratie et le populisme
        Laurent Bouvet
    Gallimard, 2012

 

 

 

libeBourmereau-copie-2.jpgPierre Bourdieu
        Sylvain Bourmeau Philippe Corcuff, Philippe Adrien, Daniel Buren et al.
    Bibliothèque publique d'information, 2004

 

 

 

 

le_descenseur_social_enquete_sur_les_milieux_populaires201.jpgLe descenseur social - Enquête sur les milieux populaires
        Philippe Guibert - Alain Mergier
    Plon, 2006

 

 

 

9782849412015-0-1104426.jpgFractures françaises : pour une nouvelle géographie sociale
        Christophe Guilluy
    Bourin éditeur, 2010

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7 juin 2012 4 07 /06 /juin /2012 15:06

"En attendant la réunion de l’équipe de campagne du PS à Solférino, elle squatte le bureau de Benoît Hamon, entré au gouvernement. C’est la première secrétaire qui lui a proposé l’un des postes de porte-parole du Parti socialiste pour les législatives. «Martine m’a dit qu’elle voulait valoriser les gens qui travaillent», raconte Charlotte Brun, 35 ans, qui dit ne s’être «jamais posée comme la jeune ou la fille de service». [...]"

Charlotte_Brun_Liberation_07-06-2012.jpg

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12 mai 2012 6 12 /05 /mai /2012 18:34

Par Benoît Hamon et Henri Emmanuelli - 12 mai 2012

Bastille 6 mai

Dimanche, nous avons chanté la victoire attendue depuis tant d’années, chanté une victoire espérée par nombre de nos concitoyens. Après cinq années de reculs sociaux et de remise en cause des valeurs de solidarité qui fondent la République, la France respire. L’élection de François Hollande à la Présidence de la République s’apparente à un immense bol d’air collectif.

C’est ce que nous avons entendu à La Bastille, dans la bouche de ces milliers de jeunes, de toutes les couleurs de la République, qui sont venus exprimer leur joie d’avoir réussi, par leurs suffrages, à changer le cours des choses. Le soulagement est depuis palpable, partout. Dans les yeux de celles et ceux que nous croisons dans la rue. Dans les échanges que nous avons dans le porte à porte qui a repris en vue des législatives. Dans les félicitations des salariés que nous rencontrons dans nos déplacements. Toutes celles et ceux qui ont payé au plein tarif le prix d’une crise dans laquelle ils n’ont aucune responsabilité attendent maintenant le changement.

C’est d’ailleurs bien plus que le seul soulagement d’avoir délogé Nicolas Sarkozy de l’Elysée qui s’exprime. Chacune, et chacun espère que François Hollande prendra des mesures pour changer leur situation. Toutes et tous se réjouissent de voir qu’un bulletin de vote a le pouvoir de décider.

Effacer 5 ans de Sarkozysme prendra du temps

hamon-bureauCette campagne, notamment celle de l’entre deux tours, laissera des traces. La plus visible est celle de l’ampleur prise par le vote Front National dans notre pays. Son explication est multiple : critique des élites, peur de la mondialisation libérale, crainte de perdre son emploi… Mais dans un certain nombre de régions, ce vote reflète aussi une montée inquiétante du repli sur soi, de la peur de l’autre : une montée de la xénophobie et du racisme. Nicolas Sarkozy porte la responsabilité de cet état des lieux de notre pays. Pendant 5 ans, il a affaiblit les protections sociales tout en montant parfois les Français les uns contre les autres, parfois les Français contre les étrangers.

La campagne présidentielle aura agi sur les consciences. En dégradant le vivre ensemble, en stigmatisant des parties de la population, en expliquant à demi-mot que la République ne pouvait accueillir tout le monde. Nicolas Sarkozy a fait monter les peurs et augmenté l’intolérance faisant par là même céder des gardes fous entre l’extrême droite et la droite républicaine.Le résultat en est un électorat de la droite traditionnelle durablement radicalisé, épousant sans complexe des thèses xénophobes.

La gauche devra réparer les dégâts laissés par le Président sortant. Nous allons devoir recoudre le lien social, re-créer une volonté commune à toutes et tous de construire ensemble un pays dans lequel chacun ait sa place.

Le changement, c’est maintenant !

La situation économique et financière de notre pays est difficile : nous le savons. Comment l’oublier : quelques minutes après l’annonce des résultats, les commentateurs « autorisés » nous rappelaient sur tous les plateaux de télévision que la tâche de François Hollande serait ardue et qu’il ne pourrait pas tout faire, tout de suite.

Certes, la situation des finances publiques est délicate. Néanmoins le rôle du politique consiste aussi dans la transformation de l’existant. Etre socialiste, c’est permettre que la souveraineté du peuple s’exerce, c’est faire en sorte que les citoyennes et citoyens décident de leur destin commun.

Notre candidat désormais Président le sait : il a fait campagne sur la nécessité de remettre le monde de la finance à sa place. Redonner le primat au politique, c’est la garantie que les décisions soient prises en fonction de l’intérêt général et pas des intérêts de quelques privilégiés : ceux là même qui ont déclenché la crise et tentent par tous les moyens d’en tirer aujourd’hui des bénéfices.

Un rapport de force inédit pour la gauche !

225px-Emmanuelli.jpgL’élection de dimanche crée une situation politique nouvelle. Elle instaure un rapport de force inédit pour la gauche. Le suffrage universel a décidé qu’il fallait tourner la page de l’austérité et des inégalités pour construire un autre chemin : celui de la croissance et d’une autre répartition des richesses. François Hollande incarne ce rapport de force. Notre tâche va être de s’appuyer sur cette donne nouvelle pour réorienter l’Europe et remettre en France la question sociale au cœur des politiques publiques.

Le premier rendez-vous de la gauche est à Bruxelles : fort des millions de voix qui se sont portées sur sa candidature, François Hollande a engagé le rapport de force pour renégocier le traité Merkel-Sarkozy. Nous devons faire sortir de ce texte ce qui grave l’austérité dans le marbre pour permettre une nouvelle orientation de la construction européenne. Le deuxième rendez-vous est le sommet social : il s’agira de rediscuter de la réforme des retraites imposée par la droite et de garantir des droits pour les salariés. La question des salaires occupera une place centrale dans ce sommet. C’est par l’augmentation des salaires, notamment du SMIC, que nous pourrons agir pour la croissance et pour une autre répartition des richesses créées dans notre pays.

Puis, très vite, il faudra, sur tous les dossiers, tenir les engagements de la campagne et répondre aux aspirations qui s’expriment : accès aux soins, développement durable, égalité femmes – hommes, réforme de la justice, égalité territoriale…

Le rapport de force qui s’engage lors des législatives, doit permettre au Parlement d’être offensif sur l’ensemble de ces sujets.

La tâche est immense. Mais l’espoir soulevé aussi. La force du vote de dimanche dernier doit nous permettre d’y répondre.

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16 mars 2012 5 16 /03 /mars /2012 09:57

Benoit Hamon - Tourner la page

Benoît Hamon sera présent au Salon du Livre, samedi 17 mars, de 16h à 17h pour présenter son ouvrage Tourner la page, édité chez Flammarion.

RDV à partir de 16h, au stand Flammarion (N83) au Salon du Livre de Paris, Porte de Versailles, Pavillon 1, Boulevard Victor, Paris 15ème

Métro : Ligne 12 / Porte de Versailles – Ligne 8 / Balard
Tramway: Ligne T2 & T3, arrêt Porte de Versaille

- – - -

Reprenons la marche du progrès social

Le capitalisme financier a précipité le monde dans la crise. Les marchés, toujours indomptés, multiplient les déflagrations économiques. Le néolibéralisme paralyse la marche du progrès social.

Les pays émergents contestent la suprématie occidentale. Un vent de démocratie souffle sur les pays arabes, et pendant ce temps, en Europe et en France, tout continue comme avant… En dépit de l’impact destructeur de la crise sur nos vies, en dépit des responsabilités des marchés financiers, les élites intellectuelles, politiques, médiatiques et économiques justifient que la facture soit payée par les peuples. Il faudrait sacrifier ce qui subsiste de nos services publics et de nos solidarités. Le discours sur les « contraintes imposées par la mondialisation » sature le débat politique, finissant par convaincre nos concitoyens que le seul choix qui leur reste est d’indiquer dans quel ordre ils acceptent d’abandonner leurs droits.

Pourtant le message des peuples est limpide: ces politiques d’austérité ne sont pas seulement injustes, elles sont illégitimes et inacceptables. Persévérer dans cette voie nourrit un rejet profond de la démocratie et la tentation d’un vote massif en faveur de l’extrême droite. Pour éviter que la politique soit exclusivement la fille de la peur, la gauche doit redonner un sens et un contenu au progrès. Ce livre propose des objectifs et une stratégie pour desserrer l’étau et reprendre la marche du progrès.

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7 mars 2012 3 07 /03 /mars /2012 16:11
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9 février 2012 4 09 /02 /février /2012 14:30

logoGaucheAvenirGauche Avenir a réalisé ce travail de synthèse qui permet de démontrer la proximité des différents partis de gauche à l'orée de la campagne électorale, loin des thèses caricaturales développées par certains (y compris des responsables politiques dans les médias).

Du Front de Gauche à Europe-Ecologie/Les Verts, en passant par le Parti Socialiste, de A comme Agriculture à T comme Travail, 15 thèmes et 76 mesures susceptibles de constituer la base d’une plateforme de  gouvernement pour 2012-2017.

IMG_1956.jpgAprès l’élection du nouveau Président de la République, il faudra définir les bases d’une plateforme de gouvernement pour 2012-2017. C’est elle qui constituera le programme des candidats qui se présenteront aux suffrages des Français lors des élections législatives des 10 et 17 juin.

Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice PS de Paris, Liem Hoang Ngoc, eurodéputé PS, Etienne Butzbach, maire MRC de Belfort, David Cayla, économiste, Alain Lipietz, responsable et économiste EELV, Dany Lang "économiste atterré", le mercredi 8 février 2012, à l'assemblée nationale pour le colloque "Sortie(s) de Crise(es) : par ici !"

Chaque jour, la campagne de l’élection présidentielle met en exergue des différences, des oppositions, des conflits, des programmes présentés comme inconciliables… y compris malheureusement au sein de la gauche. Cette situation est inévitable, dans la mesure où elle permet aux candidats de mieux marquer leurs différences.

Il est cependant essentiel de montrer qu’il existe de fortes convergences programmatiques au sein de la gauche et que, le moment venu, ce sont elles qui faciliteront le rassemblement indispensable à la définition et à la mise en œuvre d’une politique véritablement de gauche.

C’est avec cet objectif que le club Gauche Avenir a analysé les propositions des différents partis de gauche, en s’inspirant également des conclusions des 4 assemblées des gauches qu’il a organisées depuis près d’un an.

Le résultat est impressionnant, puisque ce sont 15 thèmes et 76 mesures qui consti- tuent le socle de ce qui pourra devenir demain la base d’une plateforme d’un gouvernement de gauche pour 2012-2017.

La plateforme ira sans doute plus loin sur certains points, mais l’important est que s’affirme dès à présent une dynamique unitaire pour la victoire et que puissent ainsi s’engager de réelles transformations, à la hauteur des exigences de changement qui montent avec la crise actuelle.

Propositions Communes de la Gauche pour 2012 à télécharger ici

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10 janvier 2012 2 10 /01 /janvier /2012 08:19
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1 décembre 2011 4 01 /12 /décembre /2011 11:26

| Par Martine Orange et La Parisienne Liberee et Antoine Perraud - Mediapart.fr

Nous inaugurons, avec Emmanuel Todd, une série de grands entretiens en vue de la présidentielle. En plus de solliciter l'analyse de personnalités compétentes et légitimes, nous leur demanderons de se muer en force de propositions, exercice auquel se livre donc l'historien, anthropologue et démographe, dans la vidéo ci-dessous.

 

Né en 1951, en marge de l'université française après avoir notamment étudié à Cambridge en Angleterre, Emmanuel Todd apparaît souvent terriblement journaliste à ses pairs et furieusement académique aux yeux de bien des gazetiers...

Il annonça, à 25 ans, la fin de l'Urss au nez et à la barbe des kremlinologues, en se fondant sur l'étude des structures familiales et autres fantaisies – selon les canons alors encore dominants d'un marxisme sourcilleux: La Chute finale (Robert Laffont, 1976). Emmanuel Todd écrivit son fait au sujet des États-Unis d'Amérique, colosse dont il examina scrupuleusement les pieds d'argile, qui en font désormais un facteur de désordre mondial: Après l'Empire (Gallimard, 2002).

Il examina les troubles alors encore à venir dans des sociétés arabo-musulmanes confrontées à leur transition démographique: Le Rendez-Vous des civilisations (avec Youssef Courbage, Le Seuil, 2007).

Le chercheur inventoria par ailleurs les processus ayant favorisé l'émergence de Ségolène Royal et surtout l'arrivée au pouvoir d'un Nicolas Sarkozy en 2007: Après la démocratie (Gallimard, 2008).

Il s'amuse des interviewers qui viennent parfois le voir comme la Pythie sur son trépied. Ses intuitions, servies par un verbe haut, font mouche. Il nous confia ainsi comment François Hollande pourrait connaître un destin politique aux antipodes d'un François Mitterrand, arrivé à l'Élysée «à gauche toute», pour baisser pavillon dès 1983 avec «le tournant de la rigueur». L'actuel candidat socialiste, quasiment centriste en début de course, finira-t-il, crise systémique oblige, en héraut d'une gauche revivifiée?

Pour comprendre le paysage européen et ses enjeux monétaires ou sociaux, voici donc l'homme dont les recherches avaient été détournées au profit de la campagne de Jacques Chirac, en 1995, sur «la fracture sociale»...


Emmanuel Todd: mes quatre mesures... par Mediapart

Craignez-vous que la droite n'acclimate vos idées sur le protectionnisme, du fait de ce «besoin de protection» sur lequel entend jouer Nicolas Sarkozy?

Je ne me suis pas posé la question en ces termes. Je vois plutôt venir une campagne très dure, qui pourrait permettre à la gauche de redevenir la gauche. On voit en effet disparaître une certaine fantaisie (la gauche de la gauche, le trotskisme...), au profit d'une reconfiguration favorisée par une discipline inhabituelle.

En face, la droite existe – par-delà l'insignifiance de Nicolas Sarkozy – à travers deux composantes de son corps électoral, qui se sont énormément rapprochées: l'UMP et le FN. La porosité est désormais patente.

Je m'attends donc à un choc frontal sur le plan idéologique, avec une gauche obligée de s'assumer du fait de la crise, de l'effondrement de la légitimité libre-échangiste «européiste», ou de la faillite des classes dirigeantes. Cette gauche, contrainte d'être plus offensive, devra désigner le véritable ennemi: la nouvelle oligarchie, le nouveau système de pouvoir, les nouveaux rapports de classe.

Cette gauche française, par la force des choses, sera tenue de sortir du béni-oui-oui social-libéral, face à une droite n'ayant rien à proposer et qui ressortira donc les thèmes de l'identité nationale, de l'islam, des Arabes. Cette droite, très liée à ce qu'on appelait jadis «le grand capital financier», cette droite Fouquet's pour dire vite, fera du populisme, jouera sur les peurs et le vieillissement d'un corps électoral, qui n'a jamais été aussi âgé en France.

Alors certes, dans la confusion générale, il est possible que Nicolas Sarkozy demande à son baratineur en chef, Henri Guaino, d'écrire son pipotage habituel de dernière minute, sur le protectionnisme. Il l'avait instrumenté en 2007, comme naguère au profit de Jacques Chirac. Il suffira de rappeler ces précédents pour contrer une telle tromperie sur la marchandise. Mais peut-être avez-vous raison: quelqu'un se trouve sans doute déjà dans les starting-blocks, prêt à raconter n'importe quoi!

Vous ne craignez pas que Sarkozy parvienne à se poser en digue?

Mais il est là depuis cinq ans, il a déjà tout dit sans jamais rien faire! Or le corps électoral comprend, malgré les grands médias tenus par l'argent. Nous sommes encore dans la phase où l'establishment journalistico-communicant s'enivre de son propre isolement: nous n'entendons, sous couvert de politique, que des spécialistes parler entre eux.

Nous verrons bientôt apparaître, dans les sondages, le vote populaire, qui représente encore 50% de la population électorale. Ces gens comprennent ce qui ne va pas, à droite comme à gauche. Ils savent déjà que le propos du président sur leur «protection» relèvera du tour de passe-passe. Pour eux, Sarkozy, c'est le type qui s'est baladé dans les usines en déclarant qu'il allait les sauver mais qui n'en a rien fait!

Cet électorat – j'espère ne pas me comporter ici comme l'establishment en parlant à la place du peuple! – a profondément intériorisé l'impuissance de Sarkozy. Celui-ci n'a pas pu démettre Fillon, ce que n'importe quel président de la Ve République n'aurait jamais supporté. Il a été obligé de reprendre Juppé, ce qui le prive de l'intégralité de la politique étrangère, ce prétendu «domaine réservé».

Voilà quelqu'un toujours présenté comme un personnage fort. Mais il est vacillant, telle est sa réalité psychologique! Il se situe dans un modèle hiérarchique: il se montre fort avec les faibles et faible avec les forts. Il se soumet aux puissants (les États-Unis, la Chine, l'Allemagne) et tape sur les gamins de banlieue ou sur les Roms! Je suis persuadé que les gens le savent.

De plus, une rupture idéologique vient d'intervenir. J'ai été tricard plus d'une décennie sur la question du protectionnisme européen, qui ne pouvait, clamait-on, que faire le jeu du FN. Enfin la primaire socialiste vint! Arnaud Montebourg, qui avait compris avant moi – puisqu'il appelait à une taxation européenne de certains produits dès 1997 alors que je n'ai pigé qu'en 1999 –, a obtenu un succès parmi les classes moyennes (le corps électoral de cette primaire). Nous ne savons pas encore quel sera l'écho de son discours dans les milieux populaires.

Il est donc trop tard pour Nicolas Sarkozy: cette thématique de la protection économique ne peut plus être maniée par la droite. La voilà ancrée à gauche. Pas suffisamment, certes, mais elle ne peut qu'y trouver un écho de plus en plus large du fait de la crise. Le timide concept de «juste échange» débattu dans le PS est dépassé. Sur la question des banques et de la dette publique – sans oublier l'euro –, il faudra une prise de contrôle par l'État pour éviter la panique. Or c'est précisément là que gît le subconscient de la gauche...

«Nous sommes dans une hésitation historique»

Et le FN en embuscade ?

Le FN est certes haut dans les sondages et il peut encore passer à une hauteur supérieure. Mais il existe enfin une possibilité de le voir avalé par une gauche ragaillardie. Tout dépend de la campagne que mènera le PS: nous sommes dans une hésitation historique.

Il y a donc de l'espérance, même si nous nous avançons vers quelque chose de très dur et de très angoissant. Auparavant, nous ne pouvions qu'espérer un élu de droite à peu près civilisé ou un(e) socialiste continuant de faire la même chose. Nous ne sommes plus dans une telle continuité: nous aurons vraiment pire, ou franchement mieux!

Croyez-vous à une rupture ?

Il y aura forcément rupture. Si Nicolas Sarkozy était réélu, après ce qu'il a déjà fait, la France ne serait plus la France. Elle ne se relèverait pas d'un deuxième mandat d'un tel président, qui pourchasse les boucs émissaires en pleine déroute économique. Étant donné son image dans le monde, les Français paieraient une note salée: s'ils votaient mal, ils seraient punis par l'Histoire.

En revanche, la France peut à nouveau émerger comme le pays de l'égalité, capable d'utiliser l'État de façon originale pour mettre à bas les puissances financières. Souvenons-nous des suites de la crise de 1929, quand l'Allemagne produisait Hitler, la Grande-Bretagne des conservateurs asthéniques et l'Amérique Roosevelt: la France a élu le Front populaire...

Voyez-vous une tension entre le capitalisme qui tend à son autodestruction et l'Europe qui s'achemine, malgré tout, vers son autoconstruction?

Je vois tout à fait autre chose! Le champ de force est difficile à analyser, nous percevons uniquement ce qu'il y a de commun au monde développé: la montée de l'inégalité, ainsi que des phénomènes de domination. Chez les Anglo-Saxons, les libertés individuelles sont chevillées au corps. Mais en Europe continentale, existent des manifestations d'autorité politique et de bureaucratisation. Dans la zone euro, ou plutôt dans ses parties faibles (c'est-à-dire toute la zone sauf l'Allemagne!), nous sommes confrontés à une forme d'hybridation: des responsables sont nommés sur pression de Berlin pour relever les finances publiques, après avoir travaillé pour Goldman Sachs. Ils se retrouvent à l'intersection des deux domaines de domination.

Or la France navigue à vue, précisément à cette intersection, avec des élites de droite, dans la tradition catholico-vichyste, très séduites par l'Allemagne et les systèmes autoritaires de l'Europe continentale, tandis que le tempérament de sa population rend la France plus proche des valeurs de liberté anglo-saxonnes. D'où des tensions intéressantes sur le plan historique et anthropologique...

En ce qui concerne la construction européenne, les forces de l'inégalité et de la domination sont dans une forme d'ivresse terminale: exigence d'un service frénétique de la dette publique, appétit de privatisations, soif d'austérité! Bref, encore plus de tout ce qui a été fait! Comme si les élites, qui tiennent un tel discours, étaient aveuglées par les dieux attachés à leur perte: nous pataugeons dans le tragique de l'Histoire...

Cependant, un tel retour au tragique se fait chez nous sur un mode sénile, en raison de notre pyramide des âges: voilà pourquoi vous ne voyez pas une jeunesse européenne envahissant massivement l'espace public, comme dans les pays arabes.

Qu'en est-il de la démocratie en Europe?

Nous découvrons la supercherie suivante: les valeurs européennes étaient censées s'incarner dans un espace de démocratie libérale ayant renoncé aux rapports de force entre les nations, traitées sur un pied d'égalité, quelle que fût leur puissance. C'était une fiction. On savait que le Luxembourg n'avait pas forcément son mot à dire, certes. Mais la Belgique, par exemple, avait réellement voix au chapitre.

Or l'Europe est aujourd'hui devenue le contraire d'un tel mythe fondateur. L'égalité? Nous nous retrouvons avec un système hiérarchique dément: des faibles et des forts (avec un fort absolu: l'Allemagne). Les faibles sont mis au pas et privés de leur système démocratique, tandis que surgit un nouveau personnel venu de Bruxelles, Francfort et Berlin – les trois pôles du système de domination –, sous les applaudissements de Paris, convertie en succursale chargée de faire la claque!

«Il n'y a plus de rapports égalitaires en Europe»

L'Allemagne, revoilà l'ennemi ?

Je sais tout ce que l'Allemagne apporta à l'Europe avant le nazisme – à commencer par la réforme protestante et l'alphabétisation de masse. Ce pays repose sur une culture particulière, centrée sur la famille souche; système à héritier unique un peu autoritaire. D'où son efficacité industrielle, sa position dominante en Europe, mais aussi sa rigidité mentale. L'Allemagne s'est toujours affolée quand elle s'est retrouvée en position dominante. Notamment sous Guillaume II, avant le premier conflit mondial, quand, échappant à la raison bismarkienne, elle se retrouva hégémonique. La situation actuelle se rapproche davantage de cette période wilhelmienne que de la séquence nazie.

Or une telle ivresse de puissance serait facile à contrôler, si les décideurs français étaient normaux: l'Allemagne est vieille, avec 80 millions d'habitants qui peinent à se renouveler; elle n'est plus dans une culture totale; son industrie, somme toute moyenne, hyper exportatrice, certes, est loin du niveau japonais, par exemple, techniquement parlant. Bref, il serait facile de la ramener à la raison. Mais la névrose des classes dirigeantes françaises les pousse à s'agenouiller.

Une telle inaptitude à remettre Berlin à sa place, de la part d'un président de la République atteint de nanisme politique et qui se montre donc incapable d'affronter Angela Merkel, entretient l'Allemagne dans son délire. Délire auquel répond une hostilité incroyable à l'encontre de Berlin, sur tout le continent.

Nous venons d'assister, en Grèce et en Italie, à une interdiction de référendum, à des dépositions de chefs de gouvernement...

Les pays qui viennent d'être mis au pas, la Grèce, l'Italie, bientôt l'Espagne et le Portugal, ce sont des nations dont les traditions démocratiques s'avèrent récentes et fragiles. L'Europe, qui était censée être le continent de la démocratie libérale, est devenue une machine qui l'a cassée dans des régions où elle venait de naître!

Apparemment, l'Allemagne, qui donne le la, possède une démocratie plus saine que la France: les syndicats ouvriers s'y avèrent encore représentatifs, l'extrémisme politique y est moins apparent qu'ailleurs: ça tourne mieux. Angela Merkel ne s'offre pas aux yeux du monde et de son peuple comme un problème inquiétant pour la démocratie, contrairement à l'actuel président de la République française.

Pourtant, si vous examinez la surpuissance économique allemande dans l'espace européen, vous découvrez qu'elle se fit par le biais d'une politique économique égoïste, avec des délocalisations des produits intermédiaires en Europe de l'Est, hors zone euro. Il y a eu outre-Rhin, des années durant, un blocage et une baisse des salaires en s'appuyant sur les mécanismes autoritaires de la culture allemande, au profit d'une politique d'exportation dans la zone euro, où Berlin réalise ses plus gros excédents commerciaux.

Une telle politique effectuée contre ses partenaires fut menée de bout en bout par des coalitions, comprenant souvent le SPD; ce qui remet finalement en cause le principe d'une véritable alternance.

Alors se pose une question en forme de retour cruel de l'Histoire: le facteur central de la dégénérescence de la démocratie dans le système européen, ne serait-ce pas l'Allemagne?...

Des foules, d'Athènes à Madrid, crient déjà au IVe Reich!

Le ras-le-bol s'exprime par des expressions exagérées. Mais si personne ne dit véritablement ce qui se passe, les opprimés ont l'impression d'être niés. Les choses ne sont pas dites au bon niveau, puisque Nicolas Sarkozy lâche sur tout. Il n'y a donc plus de rapports égalitaires en Europe.

Les Allemands ne sont pas foncièrement arrogants. Ils ont lâché beaucoup sur la gestion par la Banque centrale. Certes, pour ce pays à la vision fort peu égalitaire, la communautarisation de la dette semble un obstacle infranchissable. Mais il aurait été possible de le faire plier pendant qu'il était encore temps.

Le jour où l'euro tombera, il sera acté qu'une classe dirigeante entière a été déligitimée. Pour un prix inférieur à celui de 1940! Sans frais militaires! Finalement, je pourrais vous proposer une histoire riante de la France, non pas immédiatement mais un an après la chute de l'euro, alors que les Allemands ne pourront pas y faire face si facilement...

«L'euro (dans le sens monétaire) totalitarisme !»

Croyez-vous à une Europe sans euro ?

Je suis passionné, culturellement, par l'Europe. Or la monnaie unique, dont on voit qu'elle produit actuellement une exaspération sur le continent, était, dès le départ, la négation de l'Europe. J'étais donc contre au départ. J'avais fini par l'accepter, persuadé qu'elle ne pouvait être sauvée que si l'Europe passait au protectionnisme.

Le libre-échange, présenté comme un doux commerce entre les peuples, est en réalité une déclaration de guerre économique de tous à tous. Il crée cet état de jungle, de rapport de force en train de détruire l'Europe. Il aboutit à une hiérarchisation des nations en fonction de leur situation économique.

Du coup, au stade actuel, ma préférence irait vers un sauvetage de l'euro par le protectionnisme européen. Il faudrait donc que la France ait le courage de négocier cette solution avec l'Allemagne. Il faut créer les conditions d'une remontée de la demande sur l'ensemble d'un continent, où l'on cesserait de se jeter les uns sur les autres. L'Europe redeviendrait alors ce qu'elle a cessé d'être: un atout. Ce qui apparaît aujourd'hui comme une faiblesse déstructurante, la diversité anthropologique, referait alors sa force dans un contexte global protégé.

Toutefois, au rythme où va cette crise financière, monétaire, économique, avec une récession programmée par les plans d'austérité, je vois se dessiner une sortie préventive de l'euro. Je donne raison sur ce point à l'économiste Jacques Sapir. Les Allemands se verraient alors contraints d'accepter une restructuration globale, ainsi que le protectionnisme européen.

Mais nous assistons à une absence de débats économiques. On claironne qu'il n'y a pas d'alternative. Cette attitude de déni quant aux solutions possibles trahit la fossilisation mentale du Vieux Continent. Les experts s'époumonent, tel un chœur de vieillards: «Ce n'est pas possible!»

C'est effrayant comme un discours totalitaire imposant la négation de la vie, de la réalité, de l'Histoire, de la capacité à peser sur les choses. Nous avons eu la soumission à la race avec le nazisme, la soumission à une doxa dite socialiste avec les démocraties populaires; il y a désormais une soumission à des plans d'austérité, qui conduisent mécaniquement à la régression.

Voilà bien une pathologie mentale digne de celles qui menèrent au totalitarisme. Le totalitarisme était fondé sur des sociétés dont la jeunesse était encore le ressort. Nous le reproduisons donc dans sa version décrépite: l'euro (dans le sens monétaire) totalitarisme!

Ferons-nous l'économie d'une guerre sur le sol européen, alors que l'équilibre de la terreur semble être passé du domaine nucléaire au domaine financier?

Les menaces de guerre font partie de la panoplie agitée par le système. S'il y a bien quelque chose qui ne menace pas sur ce continent fourbu: c'est la guerre. Personne ne va nous envahir. Le danger vient de la baisse du niveau de vie, de l'implosion des systèmes éducatifs, ou de la destruction des services publics.

Cela dit, des régimes autoritaires sont possibles. En France notamment, où la combinaison de valeurs libérales et égalitaires en tension peut déboucher sur le bonapartisme. Si la baisse du niveau de vie s'accélère et si la gauche n'est pas capable de proposer une alternative avec reprise de contrôle du système financier et restructuration de l'Europe, si la droite reste donc au pouvoir, nous irons à l'évidence vers un régime autoritaire.

Toutes les décisions du président de la République actuel s'inscrivent dans l'établissement d'un tel régime. Cela va de la mainmise sur l'information, à la volonté de fusionner la police et la gendarmerie, alors que ces deux corps séparés de maintien de l'ordre – grande tradition républicaine – s'avèrent l'une des garanties de la démocratie.

Alors, nous connaîtrions la dictature sans la guerre. C'est déjà ça, non?...

Les indignés, c'est ce qui reste quand on a tout perdu?

Les indignés sont peu nombreux dans nos sociétés européennes, où l'âge médian dépasse la quarantaine (40 ans en France, 44 ans en Allemagne), où l'état d'atomisation de la structure sociale freine l'action collective. Je ne crois pas à la puissance des forces de contestation. Nous avons besoin de prises de conscience fortes et non d'un basculement général et révolutionnaire. Je milite pour un retour des élites à la raison, pas pour leur renversement.

Je n'ai rien contre les élites, mais je ne supporte pas qu'elles trahissent leur tâche. La lutte des classes existe et m'apparaît en partie soluble par la négociation. Il y aura toujours des classes supérieures. Celles-ci me sont intolérables lorsqu'elles deviennent folles et irresponsables. Les grandes démocraties reposent sur un système où une partie des élites accepta un tel contrat, au point de passer du côté du peuple. Or nous avons dorénavant des oligarques furieux, qui répondent à la définition d'un marxisme caricatural.

J'ai une conscience égalitaire de petit-bourgeois de gauche et je suis attaché à une forme de moralité sociale: cela ne fait pas de moi un révolutionnaire.

Votre rhétorique enflammée donne pourtant le change...

Oui, j'exprime très violemment des idées très modérées.

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18 novembre 2011 5 18 /11 /novembre /2011 13:57

 logo.jpgLa crise dite des dettes souveraines que connaissent plusieurs États depuis plus d'un an ne cesse de déployer ses conséquences économiques et sociales dramatiques dans l'ensemble des pays de l'Union européenne.

EUSE.jpgElle a aussi des conséquences politiques lourdes de menaces pour la démocratie. En effet, les march és financiers mettent une pression énorme pour imposer le néolibéralisme comme horizon indépassable, à travers des plans d'austérité drastiques, et cela avec la complicité active de la la Commission européenne, de la Banque centrale européenne, des gouvernements de droite (voire sociaux-démocrates) et de leurs relais médiatiques. 

Dernière évolution très inquiétante, l'Italie après la Grèce a été obligée de voir se former un gouvernement dit de techniciens (libéraux) sous la conduite de l'ancien commissaire européen et ancien conseiller de la banque Goldman Sachs, Mario Monti.


Quelque que soit le rejet que suscite fort légitimement Berlusconi, tout gouvernement doit découler d'un mandat du peuple. Or, le gouvernement Monti n'est pas issu d'une majorité politique. Les marchés financiers attendent de lui l'application stricte d'un plan d'austérité, et cela jusqu'à des élections législatives dont la date n'est pas fixée.     

Alors que l'Union Européenne était déjà perçue comme bien peu démocratique, comme l'a montré le passage en force suite au non à la Constitution européenne en France et aux Pays Bas, cette crise fait franchir un pallier supplémentaire à l'étouffement de la souveraineté populaire, à tel point que nous pouvons parler d'oligarchie au sens de confiscation du pouvoir par les élites !

Si durant la prochaine présidentielle la gauche et les socialistes échouent à offrir une réelle alternative, en redonnant le pouvoir au peuple face au marché, le danger de l'extrême droite n'en sera que plus grand.

EmmanuelMaurel2011Pour échanger autour de ce thème, vous êtes ainsi conviés :


Vendredi 25 novembre 2011, 19h15

 Amphi du gymnase Huyghens, 10 rue Huyghens, Paris 14ème, métro Vavin ou Raspail.

 

Quelle souveraineté populaire face au danger de dictature des marchés ?


Intervenant : Emmanuel Maurel, vice-président du Conseil Régional d'Ile de France, chargé de la formation professionnelle, de l'apprentissage et de l'alternance, Secrétaire national du PS à l'Université permanente et aux universités d'été, dirigeant d'Un Monde d'Avance.  

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15 septembre 2011 4 15 /09 /septembre /2011 15:47
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