Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
6 juin 2012 3 06 /06 /juin /2012 07:53

Handicap: la Belgique n'est pas une fatalité

Médiapart - 5 juin 2012

Charlotte Brun - 2010 - Cergy«La présence de nombreux Français en situation de handicap en Belgique témoigne d'une réalité tout à la fois préoccupante – car elle révèle les manquements graves qui existent en France – mais aussi intéressante. Cela peut être une véritable source d’inspiration pour les réformes que nous mènerons en France.» Par Philip Cordery, candidat PS aux élections législatives pour les Français établis au Benelux, et Charlotte Brun, secrétaire nationale du PS aux personnes âgées, handicap et dépendance.

Philip-Cordery.jpgPrès de 7 000 de nos compatriotes sont contraints à l’exil en Belgique. Pourquoi ? Parce que ces citoyens français auraient le tort majeur d’être en situation de handicap. La France de Nicolas Sarkozy ne leur a pas proposé les solutions d’accueil qu’elle s’était pourtant engagée à ouvrir. Avec François Hollande, les choses vont enfin changer.

Ils sont ainsi 6 600 Français en situation de handicap accueillis dans des établissements belges, dont près de la moitié sont de jeunes enfants dans l'enseignement spécialisé. Cette situation d’exil forcé s’est aggravée, ces dernières années, le nombre des personnes accueillies augmentant d’environ 4 % par an. Il ne s’agit pas d’une simple question régionale : seuls 60 % de ces personnes viennent du Nord de la France.

Le manque de places dans les établissements spécialisés, mais aussi les méthodes inappropriées pour la prise en charge des différents handicaps en France, sont les raisons les plus criantes de cet exil.

Au-delà des proximités géographiques et linguistiques, la Belgique possède surtout une tradition d’accompagnement plus pragmatique, moins médicale, davantage axée sur une approche éducative et basée sur l’acquisition de compétences. Les établissements y sont aussi plus petits, plus familiaux, moins segmentés en fonction des âges ou types de handicap. Les personnels sont plus nombreux et polyvalents. En outre, la Belgique peut s’enorgueillir d’une expérience incontestable et de méthodes innovantes vis-à-vis des troubles du développement et de l’autisme notamment. Les familles d’enfants ou d’adultes en situation de handicap accueillis en Belgique apprécient également le fait que leur présence est recherchée et leur implication, encouragée. En bref, l’image du handicap y est différente, globalement plus respectueuse de la personne.

Cet exil par défaillance dans la prise en charge en France révèle ainsi aux familles un certain retard au pays des droits de l’homme. En l’absence d’un changement manifeste dans la politique du handicap, très peu d’entre elles souhaiteraient faire revenir leur proche. Pourtant, ces exils sont bien involontaires et l’éloignement contraint de leurs proches les plus fragiles leur pèse.

Parmi eux, nombreux sont des enfants scolarisés dans des écoles où l’inclusion n’est pas un vain mot. Pourquoi la loi du 11 février 2005 («pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées»), qui réaffirme le droit pour chaque enfant en situation de handicap à être scolarisé dans l’école la plus proche, en milieu scolaire «ordinaire», n’a-elle pas été appliquée ?

Ces installations contraintes en Belgique sont bien une solution par défaut, qui n’est pas toujours idyllique. Les dysfonctionnements et dérives commerciales en France ne peuvent être ignorés. Les facilités des procédures réglementaires permettant l’ouverture de structures en Belgique entraînent la création de très nombreux établissements –n’accueillant pour certains que des Français– à proximité de la frontière. Certains n’ont qu’un agrément (sans subvention) de la part des autorités belges et les contrôles en matière de sécurité ou d’hygiène sont minimaux. Certains de nos compatriotes sont ainsi accueillis dans des conditions indignes.

Cette situation déplorable reflète les carences de notre pays dans l’accueil des personnes en situation de handicap sur notre territoire et l’absence de prise en compte des expatriations forcées.

Pouvons-nous nous satisfaire du fait que les «sans-voix» de notre société demeurent des citoyens de seconde zone ?

Pourquoi Nicolas Sarkozy et son gouvernement, par le truchement de Marie-Anne Montchamp, secrétaire d’Etat aux solidarités et à la cohésion sociale, se sont-ils contenté de signer un accord-cadre de coopération avec le gouvernement de la région wallonne, le 21 décembre 2011, dont le contenu n’est pas à la hauteur des enjeux, au premier rang desquels figure l’accompagnement personnalisé des enfants et adultes en situation de handicap, mental en particulier ? Pourquoi aucune mesure concrète n’avait-t-elle été prise par le précédent gouvernement afin d’enrayer ces départs, ou à tout le moins, de vérifier qu’ils se faisaient dans des conditions décentes ? Cette inaction est difficilement compréhensible.

Par contraste, nous remarquons que l’éducation est l’une des trois priorités du  nouveau président de la République François Hollande, à l’attention des personnes en situation de handicap. Une part significative des 60 000 créations de postes dans l'Education nationale sera ainsi affectée à l'accompagnement des enfants et des adolescents, en milieu scolaire ordinaire comme en établissement spécialisé. Il a également affirmé son engagement aux côtés des familles en garantissant un volet handicap dans chaque loi, ce qui assurera une politique véritablement transversale du handicap.

La présence de nombreux Français en situation de handicap en Belgique témoigne d'une réalité tout à la fois préoccupante –car elle révèle les manquements graves qui existent en France– mais aussi intéressante. Cela peut être une véritable source d’inspiration pour les réformes que nous mènerons en France, avec François Hollande, pour créer une société où chacun ait sa place. Pour cela, il faut donner une majorité au changement.

Partager cet article
Repost0

commentaires