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10 janvier 2013 4 10 /01 /janvier /2013 10:31

La séquence politique qui s'est achevé en Allemagne au 9 Décembre a vu les grands partis allemands – Verts, Union de la CDU et de la CSU, SPD – organiser et mettre en scène dans leurs congres l’investiture de leurs candidats aux élections parlementaires de septembre 2013 prochain.

Dans le même temps, la coalition politique soutenant Angela Merkel à la chancellerie a de nouveau montré son absence de cohérence interne – double parfois d’inimitiés personnelles fortes.

Peer Steinbrück, officiellement investi à Hanovre candidat à la Chancellerie pour le SPD, a finalement très bien résume la situation en disant : “Quoi qu’il arrive, il y aura un changement de coalition en septembre prochain. Il s’agit de décider s’il l’on ne la changera qu’à moitie ou entièrement !

1/ Analyse de l’opinion allemande en Décembre 2012

instituts allensbach Emnid Forsa

Forsch'gr.

Wahlen
GMS

Infratest

Dimap
Résultats 2009
dates 21/11/2012 09/12/2012 12/12/2012 14/12/2012 22/11/2012 22/11/2012 27/09/2009
CDU/CSU 37,5% 40,0% 38,0% 40,0% 37,0% 39,0% 33,8%
SPD 31,0% 31,0% 27,0% 30,0% 26,0% 30,0% 23,0%
die Grünnen 12,5% 14,0% 14,0% 13,0% 16,0% 14,0% 10,7%
FDP (libéraux) 4,0% 4,0% 4,0% 4,0% 4,0% 4,0% 14,6%
die Linke 6,5% 7,0% 8,0% 7,0% 8,0% 7,0% 11,9%
Pirates 4,0% 3,0% 4,0% 3,0% 4,0% 3,0% 2,0%
divers 4,5% 4,0% 5,0% 3,0% 5,0% 3,0% 4,0%

 

 

 

 

 

 


Tous les instituts de sondage allemands capturent depuis maintenant deux mois les mêmes tendances. Des différences existent dans le chiffrage niveau où se trouvent les différents partis, mais le rapport de force est constant depuis deux mois.

L’Union qui regroupe les chrétiens-démocrates d’Angela Merkel (CDU) et les catholiques sociaux bavarois (CSU), reste la première force politique allemande. Les sondages la situent entre 37 et 40% des voix, soit 4 à 7 points au dessus de son résultat de 2009.

Cette position de force apparente est cependant relativisée par la disparition du jeu parlementaire de son allie de coalition, les libéraux centristes du FDP. Tous les sondages les estiment en dessous des 5% nécessaires pour rester au parlement, entre 3 et 4% actuellement. C’est une chute de 10 points par rapport aux 14,6% qui les avaient propulse troisième force politique allemande en 2009, à seulement moins de 9 points du SPD.

La coalition gouvernementale, de 48% des suffrages exprimés et qualifiés pour être représentés au Bundestag en 2009, est donc vue par les sondages à un potentiel parlementaire maximal de 40%.

Cette faiblesse du gouvernement Merkel est confirmée par tous les sondages qualitatifs. 69% des Allemands se disent mécontents de la politique suivie par le gouvernement actuel.

Philipp Rösler, ministre de l’économie et leader – bien faible – du FDP, est le ministre le plus impopulaire du gouvernement.

Seul un facteur explique la progression de l’Union dans l’opinion, c’est l’incroyable popularité d’Angela Merkel. Sa cote personnelle reste au plus haut, avec près de 10 points d’avance sur Peer Steinbrück.

Deux facteurs expliquent cette solidité : l’éthique de travail de Merkel est incontestable, et cela a donne de la crédibilité à l’invention de son image de sauveuse et protectrice des intérêts allemands au cœur de la crise européenne, notamment contre des pays du Sud peints comme corrompus et irréformables.

Cette dimension morale est essentielle : Angela Merkel doit son ascension aux scandales de financement illégaux de la CDU à la fin des années 90, qui a d’abord mis fin à la carrière d’Helmut Kohl puis empêché l’ascension des leaders de l’Ouest de la CDU. Le scandale fin 2011 touchant le président de la république allemand Christian Wulff, poussant à sa démission et à l’élection de l’ancien dissident soutenu par le SPD et les Verts Joachim Gauck, a montré combien l’opinion allemande est sourcilleuse sur ce point.

Angela Merkel est d’une éthique personnelle irréprochable. La mystification consiste à faire croire que cette éthique, automatiquement, rend sa conduite du gouvernement aussi morale. C’est d’ailleurs la contradiction profonde qui menace l’union dans une campagne.

2. Le SPD

steinbruck.jpgMalgré le refus massif de la politique gouvernementale, le SPD n’arrive pas à décoller. Certes, tous les sondages l’estime entre 26% et 30%, soit 3 à 7 points de mieux que la déroute historique de 2009. Cependant, cet étiage stagne. Quoi qu’il arrive, scandale au gouvernement, victoires régionales de la gauche, nomination de Steinbrück, les sondages montrent un encéphalogramme plat.

Un observateur du Spiegel l’a formulé ainsi : tout le monde approuve le programme, applaudit des deux mains certains projets, mais personne n’en a envie, n’a de désir pour le SPD.

Le parti vieillit, et a refusée l’adoption de votes élargis pour la base – sans parler des primaires. Les moins de 30 ans s’éloignent, plus tentés par les Verts et les Pirates.

La nomination de Steinbrück répond d’abord à un souci de donner un visage crédible à une plate-forme politique appréciée mais peu attractive. Le pari était de nommer une personnalité forte, clivante, mais très respectée. Il y eut sans doute une sous-estimation de l’ampleur que prit l’affaire de ses ménages en entreprises – revenus de 1,25 millions d’euros en 3 ans.

Cependant, cette crise a révèle au candidat sa vulnérabilité. De plus, le parti, où l’aile gauche n’avait pas ménagé ses critiques politiques, soutint unanimement Peer une fois la campagne de presse lancée. Cela a surpris non seulement beaucoup d’observateurs, mais Peer lui-même.

La leçon qu’il en tira, c’est que sans SPD il ne pouvait gagner, surtout face à une Merkel qui lutterait sans plate-forme politique, sur son nom.

Deux évènements majeurs démontrent le tournant intégratif de Peer :

A. L’adoption du projet de reforme des retraites reprend quasi intégralement les propositions de l’aile gauche, revenant sur une reforme adoptée sous la Grande Coalition, avec Peer Steinbrück comme ministre des Finances.

B. Le discours de congrès de Peer incluait un hommage sincèrement ému au soutien du parti, mais aussi à Andrea Nahles, ex-leader de l’aile gauche, et secrétaire générale du SPD.

 Le congrès du 9 Décembre lance une campagne sur deux thèmes :

  • Une écriture positive du projet du SPD sous le titre de la Justice Sociale, 
  • Une critique acerbe d’un gouvernement d’une coalition sans vision ni projets, miné par ses contradictions.

Le congrès a été globalement un succès. Au delà du score de 93% des délégués en faveur de Peer, c’est son discours inscrit dans la tradition social-démocrate allemande, très offensif sur la justice, l’égalité homme-femme, le logement, le mariage pour tous, la politique familiale et l’Education, qui a remporté beaucoup de retours positifs dans la presse.

Il est notable que Peer n’a parlé d’Europe que pour critiquer la gestion de la crise désastreuse d’Angela Merkel. Il laisse ce sujet de côté : il est le seul au SPD à ne pas être convaincu par les Eurobonds, et de plus, l’Europe va être l’argument principal de la campagne de Merkel. Il est important pour le SPD non pas d’attaquer frontalement sur ce sujet avec des projets de résolution de la crise actuellement très impopulaires en Allemagne – plus de solidarité, création de minimas sociaux et d’une Europe sociale, gestion solidaire de la dette etc.… L’Europe va être laissée à Merkel – sachant que les Verts vont attaquer fortement sur ce thème, séduisant les électeurs de centre-droit déçus par l’attitude anti-fédérale du FDP.

Peer va construire sa campagne sur des sujets propres au SPD.

L’aile gauche du SPD a même publié des le lendemain un communiqué de presse enthousiaste, avec Hilde Mattheis me disant en marge du congrès : « C’était un discours convenable de Peer. Il nous a suivi sur les retraites, espérons qu’il nous suive aussi sur d’autres points. » Le soutien syndical de Peer Steinbrück est croissant ; son gauchissement, espérons le, persistera aussi après une éventuelle victoire.

Peer a réussi à unir le parti derrière lui. Maintenant, il faut réussir l’élargissement de sa base au delà du parti.

Cela suffira t-il? Cela va dépendre aussi du score des alliés et adversaires de la gauche.

3. Les alliances

Peer Steinbrück l’a dit et répété : avec lui, pas de grande coalition avec Merkel. Mais le parti lui n’exclut rien.

Les alliances naturelles sont cependant à gauche avec les écologistes. Les Verts sont estimés à 14% dans tous les sondages. C’est 3 points de plus qu’en 2009.

Le parti s’était donné une direction compatible pour d’éventuelles alliances avec la CDU, mais la seule tentative régionale a cependant été un échec retentissant. Il semble que l’alliance avec la CDU sert plus le rapport de force avec le SPD qu’autre chose.

Les Linke sortent d’une crise profonde, idéologique et sociale, entrainant une crispation de sa direction. La fixation sur les années Schröder empêche le parti de construire un discours face à la droite et de penser l’Europe de 2012. La faiblesse du parti entraine aussi sa quasi-disparition à l’Ouest, à part dans le fief de Lafontaine en Sarre. Les sondages les situent entre 5 et 7%, loin de leurs 12% de 2009, et à la limite de la participation parlementaire. Une alliance au niveau régional est toujours possible, mais au niveau fédéral difficile.

Les Pirates, nouveaux venus, frôlent avec les 5-6% après un étiage haut à 9%. Inconnus du jeu politique, il est improbable qu’ils participent à une coalition, mais pourraient soutenir une coalition SPD-VERTS minoritaire.

 Les stratégies sont donc claires :

  •  La CDU-CSU va tout miser sur Merkel, avec deux espoirs: soit obtenir seul la majorité absolue, jouable en obtenant 45 % des suffrages, soit forcer une grande coalition.
  • Le SPD va tout miser sur le programme, Steinbrück devant limiter les dégâts de la popularité personnelle de Merkel, pour espérer un score à 32%, suffisant avec des Verts à 14% pour une majorité.
  • Les Verts ont la partie tactique la plus facile, en vidant ce qui reste de l’électorat societalement avancé des libéraux et en essayant d’éviter d’être débordé par les Pirates.

Mathieu Pouydesseau

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