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10 avril 2015 5 10 /04 /avril /2015 12:44

LE MONDE |  | Propos recueillis par 

La motion de la gauche du PS, qui réunit le collectif des frondeurs et les courants de l’aile gauche, a choisi Christian Paul comme premier signataire. Le député de la Nièvre, qui aura notamment derrière lui Benoît Hamon, Emmanuel Maurel et les amis d’Arnaud Montebourg, dirigera une campagne centrée sur la critique des choix économiques de François Hollande et Manuel Valls.

Christian Paul dans Le Monde : « Évitons un congrès de simulacre »

La gauche du PS va partir groupée au congrès à Poitiers, début juin, ce qui n’était pas acquis. Qu’est-ce qui a permis ce rapprochement ?

Christian Paul : Nous avons une conscience commune de l’état des fractures et de délitement du pays. La plus récente est la fracture démocratique qu’aucun discours comptable ne peut réduire. Nous dépassons les courants traditionnels pour faire face à une situation d’une gravité comme la gauche n’en a jamais connue au pouvoir. Il est urgent que les militants socialistes soient conviés à réorienter par leur choix la politique de la fin du quinquennat. Ce rassemblement est une très bonne nouvelle. Je souhaite qu’il soit le signal d’une future majorité possible au PS et d’une gauche qui gagne. Ce rendez-vous ne doit pas être celui de la dispersion ou du déchirement.

 

Allez-vous faire campagne contre la politique économique du gouvernement ?

Un débat de politique économique est nécessaire au sein de la gauche. Il n’est pas médiocre et ne porte pas sur des broutilles, mais sur l’essence même des rôles respectifs des entreprises et de la puissance publique dans la création et la répartition des richesses. Notre objectif est de faire naître une gauche capable d’accompagner la France dans les grandes transformations du XXIe siècle, mais aussi et surtout d’offrir des solutions applicables dans les deux ans qui viennent.

 

Le gouvernement a déjà écarté l’idée d’une inflexion de la ligne économique…

L’épreuve du réel est probante, mais les dogmes ont la vie longue. L’investissement piétine, les capacités de production sont sous-utilisées. Et pour cause, la demande reste en panne ! Le marché ne peut pas tout, pour passer à un nouveau modèle de croissance. Depuis trois ans, les décisions ne sont pas à la mesure de ce que nous avons décrit en arrivant, c’est-à-dire un pays au système productif en panne, aux finances publiques naufragées. Nous n’avons pas mis la France sur le bon chemin en matière d’économie. Il était par exemple hasardeux d’allouer 40 milliards d’euros de baisses des prélèvements sociaux et fiscaux sans contreparties. Un redéploiement s’impose.

 

Les mesures annoncées par Manuel Valls en faveur de l’investissement ne vous conviennent pas ?

Elles vont dans le sens souhaité, mais restent beaucoup trop timides. 10 à 20 % de ce qu’il faudrait faire. Les mots évoluent, mais les actes ne suivent pas. Ce sont des coups d’épingle. Désormais, sans soutien massif et rapide en France et en Europe sur l’investissement privé, les équipements publics et la demande, il n’y aura pas d’issue au chômage de masse. Ça n’a pas d’effet.

 

Quel rôle doit jouer le parti, selon vous, par rapport au gouvernement ?

Les Français décrochent de la gauche. Nous sommes le premier parti de la gauche française, qui doit inspirer la politique du gouvernement, garantir les engagements pris devant nos électeurs, avoir un temps d’avance avec des idées nouvelles.

 

Jean-Christophe Cambadélis, l’actuel patron du PS, ne remplit pas ce rôle ?

Trop souvent depuis trois ans, le Parti socialiste a laissé faire. On ne peut pas le matin se montrer lucide, exigeant, et le soir s’assoupir quand se prennent les décisions. Nous avions élaboré des projets, et ils n’ont pas été défendus au Parlement. Je pense à la réforme fiscale, à la réforme bancaire, ou au travail le dimanche. J’aurais aimé voir le premier secrétaire actuel au premier rang de ces débats. Nous voulons relancer ces propositions. Le PS doit trouver sa juste place entre le Parlement et l’exécutif.

De ce parti dans lequel je milite depuis 1978, j’ai une conception exigeante et chaleureuse. J’ai la mémoire de combats exaltants. Mais nous gâchons le moment historique dans lequel nous sommes, si la méthode et l’orientation choisies excluent une partie de la gauche.

 

Vous aurez face à vous une large motion de la majorité actuelle, avec la bienveillance de l’exécutif. Pensez-vous pouvoir renverser le rapport de force ?

Jean-Christophe Cambadélis doit avoir davantage de difficultés que moi à accorder les points de vue de son côté. J’ai entendu dire que le congrès était déjà joué, que les militants étaient convoqués comme des figurants. Evitons un congrès de simulacre. Ce serait désinvolte à l’égard des Français qui attendent un réveil de la démocratie.

 

Pourquoi Martine Aubry, dont vous êtes personnellement proche, ne rejoint-elle pas votre motion ?

Dans un tel moment, chacun cherche la bonne voie pour être efficace. Je respecterai son choix. Notre rassemblement est constitué de militants qui ont été aux avant-postes quand il a fallu reconstruire le PS.

 

Une partie des Verts et du Front de gauche fait des appels du pied à la gauche du PS pour les rejoindre dans la construction d’une alternative à la majorité actuelle. Est-ce une option ouverte ?

Nous avons un dialogue ouvert avec toute la gauche. Mais ceux qui veulent faire exploser le PS se trompent de cible. Nos adversaires, ce sont la droite et l’extrême droite. Notre mission, c’est de revitaliser le PS. Aujourd’hui, la majorité s’est rétrécie. Elle ne parvient pas à retrouver une base électorale. Ça peut devenir irréversible. On ne réunit pas par l’injonction ou la peur. L’enjeu, c’est de rassembler une « grande gauche » autour d’un projet partagé, dès les régionales.

 

Votre motion est-elle favorable à une primaire à gauche pour 2017 ou considère-t-elle François Hollande comme le candidat naturel des socialistes ?

On a vu à l’UMP comment le retour de Nicolas Sarkozy, le « candidat naturel », s’est mal passé ! Notre objectif, c’est de faire réussir la majorité et le président de la République. Je ne vais pas me battre pour construire un projet pour les deux ans à venir et remettre en cause tous les jours la légitimité de François Hollande. Pour le reste, il a dit lui-même que s’il échouait sur le chômage, cela rendrait difficile sa candidature en 2017. Je trouve que c’est une façon très responsable d’aborder la question de la prochaine élection. Et donc rien n’est tabou.

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