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22 mai 2014 4 22 /05 /mai /2014 18:39

PAR STÉPHANE ALLIÈS - ARTICLE PUBLIÉ PAR MEDIAPART LE JEUDI 22 MAI 2014

Comment, sur le terrain, les socialistes parviennent-ils à mettre en musique le discours anti-austérité de Martin Schulz et la politique de François Hollande ? Esquisse de réponse à La Flèche (Sarthe), où les candidats Emmanuel Maurel, figure de l'aile gauche du PS, et Christophe Rouillon, « fabiusien réaliste », affichent leur « complémentarité ».

La Flèche, de notre envoyé spécial.

Maurel_marche_La_Fleche.pngDepuis trois semaines, la campagne des européennes offre le visage d’un PS tiraillé entre son discours au pouvoir et son discours sur les estrades. Et si elles paraissent surmontées, les contradictions des socialistes se réveillent parfois, sur la forme comme sur le fond.

Sur la forme, comme quand Manuel Valls doit supporter la perfidie d’une Martine Aubry qui, au terme d’un meeting à Lille, fait jouer «une vraie chanson de gauche» (Le chiffon rouge de Michel Fugain) quand celui-ci s’attendait à La Marseillaise (voir ici la vidéo). Ou sur le fond, comme quand Pervenche Bérès plaide en meeting à Évry contre la règle des 3% de déficit public des États-membres, face à un Manuel Valls ne cessant de les réaffirmer. Ou encore quand Martin Schulz fixe des lignes rouges à la négociation du traité transatlantique, loin de la volonté énoncée par Hollande en février de le signer «au plus vite».

Pris dans ce grand écart permanent, comment le PS fait-il campagne, sur le terrain ? Mediapart est allé s’en rendre compte dans le sud de la Sarthe, au coeur d’une circonscription Grand Ouest, qui lui a apporté l’un de ses moins mauvais scores lors des dernières européennes en 2008 (17,3%). À l’ombre d’un Martin Schulz, chef de file des socialistes européens, largement mis en avant et occupant médias, meetings et rencontre avec les ouvriers (lire ici), comment le PS gère-t-il sa double ambivalence, celle de militants et candidats, soutiens et critiques de l’action gouvernementale, faisant campagne contre une austérité que le pouvoir socialiste met en oeuvre ?

À La Flèche, à mi-chemin entre Le Mans et Angers, on retrouve un duo emblématique de cet équilibre fragile. Deux quadras, Christophe Rouillon (47 ans) et Emmanuel Maurel (41 ans). Le premier est un fabiusien réaliste, soutien inébranlable du pouvoir, maire réélu de Coulaines (Sarthe) et membre du comité des régions européennes. Il espérait être premier homme sur la liste, et donc éligible derrière la sortante Isabelle Thomas. Mais le second lui a grillé la politesse, un peu par hasard, au gré des aléas d’une nuit de négociations dans les arcanes de Solférino, dont seul le PS a le secret (lire ici).

Trouver une place à Maurel en tant que chef de file du courant de l’aile gauche PS, ayant réalisé un score surprise (28%) face à Harlem Désir en 2012, ne s’est pas fait sans mal. Son implantation dans la région Ouest (après avoir espéré être un temps tête de liste dans le Sud-Ouest, puis le Centre) s’est heurtée à un refus militant massif dans les fédérations du Finistère et des Côtes-d’Armor. Jugé trop parisien et trop à gauche, deux gros défauts dans le contexte de la colère fiscale d’une partie des bonnets rouges.

Dans la Sarthe aussi, la fédération de Christophe Rouillon, le vote contre Emmanuel Maurel a été massif. Mais au total des votes de l’eurorégion (Bretagne, Pays de la Loire et Poitou-Charentes), sa candidature a finalement été validée.

Désormais, s’ils ne seront pas les meilleurs amis du monde, l’entente est cordiale. Les deux hommes se retrouvent un midi à l’ombre d’un moulin à aube sur les bords du Loir, pour casse-croûter avant d’aller visiter une PME commercialisant des vélos électriques.

«On s’est réparti les rôles et les territoires», explique Maurel, que l’on dit «persona non grata en Bretagne», du fait de la rancoeur militante locale. Ce qu’il réfute au milieu d’une distribution de tracts sur l’important marché de La Flèche. «La semaine dernière, j’étais à Saint-Malo», dit-il, en donnant des gages localistes à ceux qui lui reprochent un parachutage. Vice-président de la région Île-de-France, il dit avoir quitté son Val-d'Oise pour se baser à Nantes le temps de la campagne, et aller «depuis toujours» en vacances dans les Pays de la Loire.

Ancien de Sciences-Po et diplômé en lettres modernes, Emmanuel Maurel assume un socialisme à l’ancienne, davantage branché par le social et l’emploi que par le sociétal et les minorités ou les questions de genre.

Il semble intarissable sur le sujet agricole, et nous apprend même qu’«appeler une vache par son prénom améliore la “tartinabilité” du beurre».

«C’est paradoxal au vu du climat politique, mais la campagne est très sympa, explique cet ancien proche du ministre Jean Poperen. Les militants ont envie d’en découdre, notamment dans les villes qui ont connu des défaites aux municipales». Ici à La Flèche, beaucoup de gens ne sont pas au courant quand on leur tend un tract. Les militants sur place le confirment en soupirant : «On passe notre temps à informer qu’il y a un vote.» Mais Emmanuel Maurel veut y croire. «On parle beaucoup du prix de l’euro, et de sa nécessaire dévaluation, assure-t-il. C’est le vrai problème pour tous les agriculteurs ou les entrepreneurs que l’on rencontre, bien plus que les travailleurs détachés. Sans cette directive, ce serait une vraie jungle…»

Retrouver l'électorat de la primaire

Déprimé par le contexte national, Maurel se revigore sur le terrain. Il a mis son animation nationale de l’aile gauche en “stand-by” depuis le débat sur le plan d’austérité. Même s’il profite de la campagne pour rencontrer un grand nombre de militants. Tout en achetant un miel aux vertus miraculeuses («ça fait gagner les élections ?»), il évoque une campagne qu’il semble affectionner, chaque jour dans un endroit différent. Petites réunions publiques et rencontre avec des représentants de la société civile de gauche, syndicalistes, petits patrons de PME ou associations type Ligue des droits de l'Homme ou Ligue de l'enseignement

À travers ces choix, il y a un objectif électoral assumé : «Si on parvient à retrouver les 2 à 3 millions qui ont voté pour nous à la primaire présidentielle, les militants et les sympathisants socialistes, on peut faire un score respectable – compte-tenu de l’abstention – et participer à une alternance en Europe.» Quand on lui objecte que la dynamique de mobilisation n’est pas franchement la même, au sortir d’élections municipales catastrophiques, il rétorque : «Je pense que ce message a été entendu par le parti, quand même.» Mais admet, aussi : «Bon d’accord, il ne l’a peut-être pas été par François Hollande…»

Avant d’aller organiser une conférence de presse et un meeting avec Élisabeth Guigou, Christophe Rouillon laisse poindre davantage d’optimisme. «Les européennes, c’est quand même plus simple pour nous, lâche-t-il. Là où il faut faire de la triangulation aux municipales, on revient ici aux valeurs, aux bases du clivage gauche/droite.» Pour sa part, il assume une stratégie électorale ignorant les concurrences à gauche, préférant défendre une vision tripartite de l’enjeu électoral. À ses yeux, seul le PS peut endiguer le Front national et l'UMP : «On joue sur la conscientisation et la culpabilisation de notre électorat : “Si vous ne votez pas, le FN sera devant et l'Europe restera conservatrice.” Faudra pas se plaindre après !»

Rouillon l'assure, «on est dans une région très pro-européenne, alors il faut parler concret», et surtout argumenter contre le FN. Il décline : «Aux agriculteurs, on explique qu’avec le FN, les crédits de la PAC seront en baisse. Aux jeunes, on parle des rétablissement des visas que l’extrême droite propose, aux vieux de l’Europe de la paix face au retour aux frontières. Avec l’Ukraine, c’est un message pas si éculé.» Rouillon est garant de la cause pro-européenne, presque a-critique. «L’Europe ne peut pas être un défouloir, martèle-t-il. Il faut arrêter de croire que le chômage se réglera au niveau hexagonal, ou dire que tout se réglera d’un coup. Il faut expliquer que c’est une avancée pas à pas.» Il dit miser beaucoup sur Schulz, et espère qu’il sera «la figure européenne qui manque à la social-démocratie en crise».

Pour le coup, Emmanuel Maurel partage ce point de vue : «Sa campagne et son programme me vont très bien. Il dit ce que je dis depuis deux ans en France.» «L’idéal serait qu’il fasse alliance sur sa gauche, et il commence à le dire publiquement, renchérit-il. Cette logique est la même que ce que je dis au PS…» Il s’accroche à cette perspective, même si l’accord de majorité a beaucoup plus de chances de réunir à nouveau le PSE avec les conservateurs du PPE, voire les libéraux de l’ADLE. Qu’importe, Maurel a envie d’y croire.

«Il y a quand même une différence entre la discipline budgétaire et l’austérité»

Cette ambivalence ne vire-t-elle pas à la schizophrénie, à force de faire campagne sur le terrain en prônant le refus de l’austérité, tout en appartenant au parti qui la met en oeuvre en France ? Christophe Rouillon ne le pense pas. «Il y a quand même une différence entre la discipline budgétaire et l’austérité, dit-il, même si elle est dans l’épaisseur du trait. Avec nous, c’est une rigueur sans sacrifices insupportables.»

À ses yeux, «la relance ne peut pas se faire tout seul en France, sinon on est cuit, mais au niveau européen». Et si Manuel Valls s’est engagé à respecter les 3% de déficit, «il demande dans le même temps un changement de politique monétaire», tranche-t-il.

Pour Emmanuel Maurel, la défense est plus aisée : «Il n’y a aucune schizophrénie chez moi : je suis contre l’austérité en France ET en Europe, et je ne cesse de le dire. Être dans l’aile gauche du PS n’est pas un désavantage dans cette campagne

Les deux candidats veulent convaincre de leur complémentarité. À l’épreuve face au chef d’entreprise rencontré de concert, on peut juger le tandem opérationnel. Les réactions sont rarement les mêmes, face au propos du petit patron. Quand Rouillon approuve les demandes de simplification de la réglementation, s’interroge sur les commandes auprès des collectivités locales et opine à l’évocation des critiques de l’entrepreneur sur le poids des normes de sécurité européennes, Maurel ne dit mot.

En revanche, il tique quand le petit patron cause production des pièces en Chine et coût de la maind’oeuvre, alors que son camarade écoute attentivement. Parfois, le naturel "aile gauche" de Maurel refait surface. Comme quand il s’insurge illico en entendant que «le vrai problème, c’est le droit du travail», «la difficulté à licencier» et «les condamnations au prudhommes». «Attendez, les prudhommes, c’est pas l’Union soviétique, coupe-t-il net. C’est quand même normal que ce ne soit pas anodin de virer des gens. Ça se saurait si les salariés dictaient leurs lois aux patrons dans ce pays…»

Puis, Maurel se fait taquin :

«Et sinon, vous touchez le CICE (crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi) ?
— Oui mais au risque de vous choquer, ce n’est pas ça qui va me faire embaucher.
— Vous ne me choquez pas du tout, au contraire. En tout cas moins que mon co-listier. Pourquoi ?
— Je ne sais pas si ça va pas être retiré, et de toute façon je n’embauche que quand j’ai du travail…
— L’important, c’est le carnet de commandes, en somme ?
— Voilà !»

Fier de son effet, visiblement rodé avec d’autres petits patrons rencontrés auparavant, Maurel conforte sa croyance en une politique de relance et d’investissement, et son rejet du socialisme de l’offre. «Je n’ai jamais caché ni mes opinions ni mes mécontentements, dit-il, mais je suis loyal et je reste attaché à l’intérêt de mon parti

C’est d’ailleurs en vertu de cet attachement au PS que Maurel affiche son aisance sur l’épineux sujet de l’accord transatlantique de libre échange Etats-Unis/Europe : «Je vous rappelle que lors de la convention Europe du PS, les militants ont voté un amendement sur cette question, à 80%, pour suspendre les négociations» (lire ici et ici). Et de se faire bravache : «Si je suis élu, je voterais contre, quoi que les autres disent.» Et de retrouver ses accents de militant inébranlable d’un socialisme historique, refusant de voir le recentrage de son parti, en tout cas se refusant à le juger inéluctable. «Je n’ai pas à quitter mon parti, ce sont eux qui s’éloignent du socialisme», a-t-il ainsi coutume d’expliquer depuis deux ans.

Sur le marché de La Flèche, à une retraitée, comme au chef d’entreprise dans son bureau ensuite, qui lui disent «Je vous dis merde», il a la même réplique automatique, à chaque fois lâchée d’un sourire en coin à la Droopy. «Oui, c’est le mot qui convient.»

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9 mai 2014 5 09 /05 /mai /2014 21:30

Maxime_Lonlas.jpgCirculez, il n'y a rien à voir. Laissez nous faire nos petites affaires tranquillement, et ne venez donc pas "politiser" le débat. Parce que la politisation, c'est vilain ! C'est en substance ce que nous dit Hermann Van Rompuy, l'inexistant président permanent du Conseil européen, issu du PPE.

Maxime Lonlas

Le 10 octobre 2013, lors d'un débat sur l'avenir de l'UE, il a même déclaré : "Vous ne devez pas chercher de solutions quand il n'y a pas de problème. Rechercher des "visages" pour guider l'UE n'est pas une solution". Heureusement, Hermann a une influence sur le processus électoral en cours dans l'Union tout à fait proportionnelle à son image dans la plupart des Etats européens : inexistante. Bref, on a envie de lui répondre qu'il peut en effet circuler, et nous laisser un peu nous, citoyens européens, politiser le débat.

Les conservateurs européens à reculons

Martin_Schulz.jpgA l'origine de cette déclaration de l'ectoplasmique président du Conseil, il y a bien sûr l'investiture de l'Allemand Martin Schulz par le Parti Socialiste Européen en novembre 2013 pour briguer la présidence de la Commission européenne. En cascade, toutes les autres grandes formations européennes ont été obligées de suivre : la gauche européenne a désigné en décembre Alexis Tsipras, leader du parti grec Siriza ; puis les libéraux ont élu le Belge Guy Verhofstadt en janvier ; les Verts européens ont mis un peu de temps mais ont fini par trancher en faveur de Ska Keller, écologiste allemande, contre le Français José Bové ; le PPE enfin, a bien dû s'y mettre, mais vraiment à contrecœur, et a choisi Jean-Claude Juncker, ancien Premier ministre luxembourgeois.

Que les conservateurs européens du PPE choisissent pour candidat à la présidence de la commission un ancien Premier ministre de paradis fiscal n'est guère étonnant. Mais dans cette affaire, l'élément signifiant est que le PPE a dû suivre le mouvement. Il a dû accepter de se doter d'un candidat de sa couleur politique et d'aller à l'encontre de ce petit entre-soi européen (les "milieux autorisés", comme aurait dit Coluche) qui veut que le président de la Commission soit issu de savantes tractations sur lesquelles les citoyens n'ont aucune influence et que le Parlement européen doit valider sans trop discuter.

Certes, politiser le débat ne veut pas automatiquement dire "faire campagne". Juncker lui-même s'en abstient bien volontiers. Il ne faudrait pas que tout cela se voit trop. Il serait bien dommage que la dynamique politique nouvelle que souhaite incarner Schulz se mette à fonctionner... L'ancien Premier ministre luxembourgeois précise même dans une interview au journal Le Monde le 17 mars dernier : "Nous sommes d'accord sur de nombreux points [avec Martin Schulz]." Dans ces conditions, quel sens y a-t-il à faire campagne ?

L'UMP, qui ne compte que sur le rejet du PS pour l'emporter, ne fait d'ailleurs absolument rien pour soutenir son candidat. Divisée entre les fédéralistes tels Lamassoure et les anti comme Wauquiez, sans aucune ligne claire sur la question européenne, elle ne souhaite pas que d'autres paramètres viennent perturber le jeu. Après avoir échoué à soutenir Michel Barnier contre Juncker, Jean-François Copé et ses amis jouent la carte de la discrétion. Il faut dire que Juncker n'est pas un candidat affriolant pour les militants et sympathisants UMP : ambiance technocrate et austéritaire avec paradis fiscal en bonus, ce n'est pas tellement dans l'air du temps...

Bref, dans cette campagne européenne, le PPE et les conservateurs européens y vont, mais à reculons. Et le fait que l'Europe soit dirigée par une Commission marquée à droite depuis maintenant plus de dix ans avec un bilan bien peu fameux est une explication tout à fait incomplète. Car le véritable enjeu n'est pas celui de la seule élection qui vient : il est celui de l'équilibre des institutions européennes et de l'avenir démocratique de l'Union européenne, rien de moins.

Politiser le débat pour infléchir le processus démocratique

Un président de Commission qui se présente comme issu d'un camp politique, cela change tout. Ne soyons bien sûr pas dupes : Martin Schulz, s'il l'emporte, ne va pas s'inventer au lendemain du 25 mai une âme de de grand progressiste. Il reste un social-démocrate très mesuré. Dans l'immédiat, une victoire du PSE ne révolutionnerait pas l'UE, même si le positionnement contre l'austérité à l'échelle européenne et contre un euro fort est salutaire, notamment pour l'état du débat public sur ces questions.

Mais à long terme, cette inflexion du processus démocratique est essentielle. Elle est la condition sine qua non à un avenir politique de l'UE. Il ne s'agit pas d'une question d'incarnation de la politique européenne, d'avoir un visage à aimer ou à détester, mais de montrer qu'en Europe aussi, le débat politique est possible et plusieurs choix s'offrent aux citoyens. Un président de la Commission issu du camp qui remporte les élections européennes est un bon vecteur pour mettre fin à cette idée que la Commission doit être neutre, comme une sorte de représentante de l'intérêt général européen, au dessus du débat politique et des égoïsmes nationaux.

Car c'est bien comme cela qu'a été pensé la Commission durant les débuts de l'Europe communautaire: un organe détaché des débats partisans, permettant de réduire la défiance interétatique et d'adopter des stratégies dépassant les contingences nationales. Sauf que nous ne sommes plus aux débuts, justement, de l'Europe communautaire : l'UE, aujourd'hui, ce sont des milliers et des milliers de pages de règlements, de directives, de traités. C'est aussi et surtout un ensemble de règles économiques libérales, une politique monétaire et un encadrement extrêmement strict des politiques budgétaires des Etats. Cette Union européenne là, puissante dans son impact sur nos vies, ne peut plus rester en dehors du jeu démocratique.

L'équilibre actuel qui, selon le mot de Vivien Schmidt, consiste à avoir au niveau des Etats membres "la politique sans les politiques" ("politics without policies") et au niveau de l'UE "les politiques sans la politique" ("policies without politics") n'est plus tenable. Il n'est surtout plus acceptable ni accepté par les citoyens, depuis quelques années déjà : les Français ont rejeté le projet de Traité constitutionnel européen en 2005, de même que les Néerlandais. L'imposition d'un traité similaire au TCE par voie réglementaire n'a d'ailleurs en rien arrangé l'image anti-démocratique d'une Europe dont les compétences s'élargissent par ailleurs sans cesse.

Que Van Rompuy réduise cette nouveauté à une histoire de "visages" est d'ailleurs éminemment révélateur du combat mené par les forces conservatrices contre l'idée qu'en Europe, les citoyens pourraient peser directement sur les grandes orientations. Les citoyens ne seraient donc pas capables de voter en conscience sur des orientations idéologiques et des propositions politiques ? Ils ne mettraient un bulletin dans l'urne que pour la barbe bien taillée de Schulz où le côté bon vivant de Juncker ? Mépris révélateur s'il en est...

Qu'Angela Merkel refuse toujours de lier de manière organique le résultat des élections au Parlement européen et le candidat qui sera proposé à la présidence de la Commission est tout aussi révélateur : la si puissante cheffe du gouvernement allemand, accepter de s'en laisser compter par un président de la Commission qu'elle n'aura pas choisi ? On rêve...

"There is an alternative !"

Au fond, derrière cette extrême frilosité du camp conservateur européen à toute politisation du débat, il y a deux idées indissociables : le peuple est idiot, et on ne peut pas le laisser mettre son grain de sel dans les choses sérieuses; politiser le débat européen est inutile et dangereux car il n'y a qu'une seule "politique" réellement sérieuse, la politique libéralo-austéritaire actuelle. "There is no alternative", disait Mme Thatcher. Il ne faudrait surtout pas briser ce bel outil qu'est l'actuelle Union européenne pour les conservateurs du PPE : une formidable machine pour imposer aux peuples récalcitrants les mauvaises potions orthodoxes que leurs dirigeants nationaux ont du mal à leur faire avaler...

Martin Schulz et le PSE, en choisissant de présenter un candidat "coloré" politiquement à l'échelle européenne, ont donc jeté la première pierre d'un nouvel équilibre des pouvoir, d'une nouvelle architecture du débat européen, qui permettra à terme aux citoyens de s'en saisir, d'avoir le sentiment que leur vote est utile et qu'il peut peser sur la politique de l'Union. Ce ne sera surement pas pleinement le cas en 2014... Peut-être pas complètement non plus en 2019... Mais en 2024 et pour les élections suivantes ?

Car il ne faut pas sous-estimer l'importance historico-politique de ce type d'inflexions. Quand Philippe Auguste se présente pour la première fois comme Roi de France (Rex franciae) à la fin du XIIe siècle, il pose les bases embryonnaires d'une conscience nationale. C'est l'un des éléments qui permet cinq siècles plus tard au peuple de France, avec la conscience qu'il a d'être français en plus d'être bourguignon ou gascon, de prendre la Bastille et le pouvoir. Martin Schulz, en politisant volontairement le débat européen et en se présentant comme candidat d'un parti européen, permettra peut-être à un peuple européen, avec la conscience qu'il aura d'être européen sans toutefois oublier qu'il est aussi français, grec ou danois, de se saisir du pouvoir à l'échelle de l'Union. Ce ne sera peut-être pas une étape suffisante, mais elle est éminemment nécessaire.

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14 mars 2014 5 14 /03 /mars /2014 23:02

drapeau-ueMaintenant la Gauche relaie l’appel lancé par la gauche du parti travailliste et les syndicats britanniques contre le Traité de libre échange transatlantique. Il est important que les citoyens européens se saisissent de ce sujet alors que les négociations menées par la Commission se déroulent dans l’opacité.

Cet appel peut être signé sur le site (en anglais) http://action.sumofus.org/a/stop-ttip/ :

A l’heure actuelle, l’Europe et les États-Unis négocient un énorme coup de force des entreprises affectant des millions de citoyens européens et américains. Le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (ou TTIP) est qualifié de “traité sur le commerce”. Mais s’il était signé en l’état, le TTIP donnerait aux entreprises le pouvoir de contourner les lois démocratiquement adoptées, de la protection de l’environnement à la sécurité alimentaire, à travers un système de tribunaux secrets auxquels seules les entreprises auraient accès.

logo_sum_of_us.pngLes dirigeants européens sont déjà préoccupés de la façon dont le public peut réagir et s’interrogent sur la conduite à tenir. Sous la pression, l’UE est sur le point de lancer une grande consultation publique sur le TTIP — mais il y a un réel danger que les voix les plus fortes soient celles des grandes multinationales qui en bénéficieront. Nous n’avons pas de temps à perdre pour prouver que c’est le pouvoir du peuple qui doit primer sur celui des multinationales.

Pouvez-vous dire aux dirigeants européens de rejeter le TTIP et de stopper ce coup de force des multinationales ?

Cet appel est l’occasion de rappeler que l’amendement n°10 intitulé Refuser le traité transatlantique déposé par Maintenant la Gauche et UMA lors de la convention Europe du PS a été adopté avec plus de 70% de voix en sa faveur par les militants socialistes en juin 2013. Cet amendement précisait notamment que “d’’autres voies de coopération avec les États–Unis peuvent être promues mais l’accroissement du tout concurrence n’est pas acceptable.”

Le texte final adopté par la convention nationale mentionnait parmi 14 priorité socialistes pour réorienter l’Europe : 11. Mettre en oeuvre un juste échange dans la mondialisation en exigeant le respect des normes fondamentales en matière sanitaire, sociale et environnementale. C’est dans cette perspective que doivent être abordées les négociations commerciales États-Unis/Union européenne. Les socialistes français sont extrêmement réservés sur l’opportunité car les enjeux et les secteurs concernés sont décisifs.

Plusieurs figures des ailes gauche des partis du PSE ont déjà exprimé leur opposition à ce traité. Vous pouvez retrouver ici la position du forum DL 21, l’aile gauche du SPD allemand, avec un texte de sa présidente Hilde Mattheis, députée au Bundestag.  Le forum DL 21 est engagé depuis l’an dernier dans une campagne contre le TTIP qui a rassemblé 432 000 signatures en Allemagne avec un texte très semblable à celui des syndicats britanniques, aussi soutenu par Die Linke, les centrales syndicales et certains membres des Verts allemands.

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11 mars 2014 2 11 /03 /mars /2014 11:30

Lienemann Le FigaroLa commission européenne veut mettre la France sous surveillance renforcée. On croit rêver. Voilà des lustres que nous dénonçons cette absurde système où la commission européenne est transformée en surveillante générale des gouvernements élus, alors même que les peuples n’ont pas pu directement la choisir et moins encore clairement la mandater. En réalité, voilà bien longtemps que c’est la commission européenne, ses choix libéraux que nous aurions dû mettre sous surveillance renforcée.

merkel barrosoSi le gouvernement et le président de la république n’avaient pas fait la grave erreur de faire ratifier le fameux traité Merkozy, et s’en étaient tenu aux engagements de le renégocier, nous aurions une plus grande légitimité à refuser l’absurde choix de l’austérité, de la réduction massive – et à marche forcée- de la dépense publique et la remise en cause de notre modèle social. On aurait pu -et dû- placer comme prioritaire la recherche d’une croissance durable, sociale et environnementale. François Hollande pendant la campagne électorale expliquait qu’il fallait 2% de croissance pour pouvoir réduire les déficits.

Notons d’abord que la plupart des critères que l’on présente comme des dogmes intangibles et sérieux, sont des ratios ramenés au PIB et fixés sans pertinence réelle. Si le PIB diminue ou n’augmente que très faiblement, les efforts faits sur les dépenses publiques peuvent n’avoir  aucun effet sur le fameux ratio dépenses publiques par PIB, pris en compte tant dans le pacte de stabilité que dans le nouveau traité (quasi règle d’or).

Quand on baisse fortement les dépenses publiques, qu’ailleurs la croissance est atone, et, qui plus est, quand nos voisins mènent la même politique de restrictions, alors cela crée un très fort ralentissement de la croissance, un accroissement du chômage. C’est le serpent qui se mord la queue, le PIB baisse, le ratio «dépense publique/PIB» se maintient voire  se détériore.

Le pire est que ce scénario a beau se répéter partout, les libéraux, Mme Merkel et les instances européennes persistent et signent. Pire encore est qu’ils demandent qu’on aille encore plus fort, plus vite.

Les bons élèves de la commission européenne sont les catastrophes de demain. La «vertueuse » Finlande est entrée, cette année, en récession.

Le comble de ce raisonnement est atteint en Finlande où le gouvernement tançait en permanence les pays en difficulté, les pressait d’atteindre coûte que coûte une réduction drastique des dépenses publiques, allait même jusqu’à menacer de refuser de voter les aides aux sauvetages prévus. Mais voilà ces parangons de l’austérité budgétaire touchés par la récession. Car la politique donnée à tous en exemple provoque aujourd’hui une croissance négative (-1,4%)

Si l’on voulait être mauvaise langue, on ferait remarquer à la commission européenne que chaque fois qu’un pays est donné en exemple comme bon élève du pacte de stabilité, ça se finit mal quelques années après. L’Irlande et l’Espagne furent longtemps citées comme modèle car respectant les critères d’endettement, de limitation de la dépense publique. Jusqu’à ce que chacun découvre que tout cela était du vent, fondé sur la bulle immobilière ou  financière.

Et bien en dépit de tout, l’UE continue coute que coute, vaille que vaille, à distribuer les bons et mauvais points en se trompant allègrement. Je l’ai déjà écrit la France ne doit plus tolérer cela et indiquer qu’elle n’a pas l’intention de s’incliner et de suivre une voie qui s’avère partout dangereuse.

UnionEuropeenneNotre problème majeur est bel et bien la croissance, l’activité économique réelle, l’emploi. Là, sont les priorités absolues.

Elles sont contradictoires avec les politiques d’austérité prônées par les instances européennes. Il faut une relance de l’activité qui a besoin tout à la fois d’une politique ciblée de la demande et d’une stratégie industrielle et productive nouvelle. Elle n’a rien à voir avec cette pseudo politique de l’offre fondée sur la baisse – jamais suffisante aux yeux du capital et de la finance – du coût du travail.

Et cette relance a besoin d’investissements publics comme d’un haut niveau de protection sociale, d’un état social mobilisé.

Alors aujourd’hui baisser de 50 milliards la dépense publique est une erreur stratégique majeure et procède d’une sorte de rite sacrificiel pour les marchés ou la commission européenne qui de toute façon demeureront insatisfaits tant que notre pays ne rentrera pas dans leur système généralisé de baisse des salaires, de privatisation en particulier des protections collectives et de valorisation maximale du capital.

Non les dépenses publiques de la France n’ont rien de scandaleuses, nous ne vivons pas au-dessus de nos moyens. Tout simplement notre croissance est étranglée et notre fiscalité demeure très injuste et pas toujours adaptée aux enjeux d’aujourd’hui.

Rétablissons quelques vérités sur les dépenses publiques en France, comparées aux autres pays.

D’abord, nous n’avons pas le record toute catégorie des dépenses publiques en pourcentage du PIB. Il y a au moins le Danemark qui nous dépasse de plus d’un point et demi. Cependant, il est vrai que l’on se trouve à 6,5 points au-dessus de la moyenne européenne. Mais nous n’avons pas à en rougir. Car l’essentiel de cet écart est lié aux dépenses de protection sociale.

euro-manifestationEt là se mêlent deux réalités. L’une est que dans les autres pays on dépense de l’argent pour la santé, la retraite, etc… même si ces dépenses sont privées, elles pèsent sur le pouvoir d’achat des habitants et l’économie du pays. D’ailleurs, dans ces pays où le système n’est pas d’ordre public, l’endettement privé est très élevé (bien plus que dans notre pays). Or pour prendre en compte l’endettement d’un pays, il faut ajouter la dette privée aux dettes publiques et la France, là, n’est que dans la moyenne.

La deuxième réalité est qu’en effet, notre protection sociale à travers en particulier des prestations familiales, des retraites –, constitue un indispensable bouclier – encore insuffisant contre la pauvreté. C’est ainsi que le taux de pauvreté déjà insupportable chez nous est supérieur dans la riche Allemagne !

Et là, il faut savoir si l’économie est au service de l’humain ou si les êtres humains ne sont que les pions d’un système qui vit pour lui-même, et en fait une petite minorité.

Alors cessons nos complexes, nos airs coupables, assumons notre choix de société et donnons-nous les moyens de financer correctement la protection sociale – d’où l’urgence d’une réforme fiscale et des prélèvements- mettons sous la vigilance citoyenne son fonctionnement, son efficacité, car il faut faire mieux et veiller à bien utiliser l’argent cotisé.

Une fois enlevés les coûts de la protection sociale, l’ensemble des dépenses de l’Etat et des collectivités locales représentent 22,4% du PIB soit moins que la moyenne de la zone euro (22,6%).  

Nous dépensons légèrement plus que la moyenne des européens pour l’enseignement. Pour autant, on dépense moins qu’en suède, au Danemark et au Royaume-Uni et soulignons que nous faisons plus d’enfants que nos voisins ce qui évidemment induit des dépenses éducatives. On ne va pas s’en plaindre !

Bien sûr, nous consacrons aussi plus que la plupart de nos partenaires européens pour la défense, toutefois c’est moins qu’au Royaume-Uni Et là, à l’évidence, un débat public, incluant le débat sur le nucléaire militaire s’impose.

Notons que nous consacrons un peu plus d’argent public que les autres pour le logement et les équipements collectifs. Sans doute convient-il de regarder si l’argent va bien aux priorités du pays. S’agissant du logement pendant des années cela n’a pas été le cas.

En revanche, contrairement à ce qui est souvent répété en boucle,  le train de vie de l’Etat n’est pas trop coûteux puisque dans les comparaisons européennes, les dépenses dites services généraux se situent pour la France en dessous de la moyenne européenne (6,4% PIB en France pour 6,8% pour moyenne zone Euro).

Donc tous les raisonnements sur la baisse de la dépense publique, des crédits budgétaires et la réduction du nombre de fonctionnaires sont hors de propos. Qu’on cherche à mieux gérer tous ces crédits pour améliorer l’efficacité, mieux atteindre nos objectifs en particulier de croissance et d’emploi et combattre les gaspillages est un exercice salutaire et normal en démocratie. Mais théoriser la baisse conséquente de ces dépenses est une erreur. Rappelons que la dépense publique n’a jamais aussi faible que ces dernières années, qu’elle ne connait donc nulle dérive, qu’au contraire, elle est déjà soumise à de nombreuses restriction. Elle n’a augmenté en volume que de 1,4% par an en moyenne depuis 2007, contre plus de 2% par an au cours de la période antérieure. Cette hausse ne sera même plus que de 0,9% en 2013 et de 0,5% en 2014 ! Si, depuis le début de la crise, la part des dépenses publiques par rapport au PIB s’est accrue, malgré tous ces efforts de maîtrise, c’est seulement parce que la croissance (au dénominateur) fait défaut. Voilà un des enjeux majeurs du changement indispensable de cap.

drapeaux-europe-280x140Or, s’il est vrai qu’il faut réorganiser l’Etat, améliorer la qualité et l’efficience des services publics – en associant d’ailleurs étroitement les fonctionnaires qui sont souvent les premiers à observer des dysfonctionnements et à proposer de nouvelles pratiques- cela ne peut en aucune façon se faire en réduisant les crédits et les effectifs globaux. Au contraire. Des pans entiers de l’action publique manquent de personnel et en revanche, dans d’autre domaine, des dysfonctionnements évidents doivent cesser.

Fleur Pellerin, à juste titre, indique que nous pouvons gagner beaucoup d’argent avec l’usage du numérique dans l’action publique. Mais avant ces économies, qui seront bienvenues, il faut des investissements et l’austérité les bloquent. Absurde. Des dépenses aujourd’hui font parfois les économies de demain !

Alors ne cédons pas aux injonctions bruxelloises. A propos, la commission européenne a trouvé en quelques jours 11 Milliards pour soutenir l’Ukraine. On peut d’étonner qu’elle ne les a pas trouvé pour concourir à la relance européenne…

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6 mars 2014 4 06 /03 /mars /2014 09:41
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21 janvier 2014 2 21 /01 /janvier /2014 08:43


Emmanuel Maurel candidat aux Européennes par vonews95

Emmanuel Maurel avait évidemment vocation à être tête de liste aux élections européennes dans un mode de scrutin régionalisé et malheureusement inadapté à l'enjeu. Harlem Désir, premier secrétaire du PS, étant tête de liste en Île-de-France, le PS a jugé nécessaire que notre camarade tire la liste dans le Grand Ouest avec Isabelle Thomas. Rappelons qu'il s'agit de représenter les Français au Parlement Européen et non pas des territoires régionaux : nous avons besoin d'Emmanuel Maurel à Bruxelles et Strasbourg pour plaider en faveur de la réorientation sociale et démocratique de la construction européenne.

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26 septembre 2013 4 26 /09 /septembre /2013 06:46

voteallemagne-332x205.jpegLe verdict des urnes est tombé. Après 4 ans de gouvernement Conservateurs-Libéraux, 6 semaines d’une campagne de piètre qualité, et une nuit d’attente de résultats serrés, le directeur de la commission électorale a publié des résultats quasi-définitifs.

Le gouvernement sortant a été battu, mais Merkel triomphe !

Le bloc Union et le SPD sont les deux seuls partis à progresser en voix et en sièges.

Les populistes anti-Euro manquent l’entrée au Bundestag pour 90 000 voix, le FDP libéral le quitte pour la première fois dans son histoire pour 30 000 voix.

La gauche a la majorité absolue en siège, mais nécessite une refondation complète ; le projet SPD-Verts échoue à construire une majorité, le positionnement des Linke et par rapport aux Linke est au cœur de la refondation à venir.

L’Europe peut et doit devenir le marqueur du clivage entre deux visions antinomiques de la société.

Quel que soit l’alliance qui gouvernera – l’Europe sera le champ de bataille. Car toutes les avancées sociales que la gauche souhaitai dans cette campagne – introduction d’un salaire minimum (8,5 € horaire pour le SPD, 10 € pour les Linke) et encadrement des emplois précaires et des mini-jobs, arrêt de la prime aux mères au foyer pour investir dans le système de crèches et assistantes maternelles, réforme des retraites pour abaisser l’age de départ pour les catégories populaires, relance de l’innovation notamment pour la transition énergétique et de la consommation – ont in fine un rôle pour mettre fin aux déséquilibres en Europe.

Les Résultats :

  • BRD_22-09-2013.pngCDU – le parti d’Angela Merkel – 34,1%
  • CSU – son allié catholique bavarois – 7,2%
    • Union CDU-CSU : 41,3% et 311 sièges, soit une progression de 8% et d’une centaine de sièges
  • SPD : 25,7% et 192 sièges, + 2,4% et + 62 sièges
  • Die Linke : 8,4% et 64 sièges, – 3% et – 12 sièges
  • Die Grünen : 8,3% et 63 sièges, – 2,3% et – 6 sièges

Prés de 15% des suffrages ne seront pas représentés au Bundestag :

  • Les libéraux du FDP, alliés au gouvernement d’Angela Merkel, perdent 10 points à 4,7%, et pour 30 000 voix manquant pour atteindre la barre des 5%, tous leurs élus.
  • L’Alternative pour l’Allemagne (AfD), parti populiste anti-Euro, réussit pour sa première élection 4,6% et manque la sensation de peu.
  • Les Pirates, qui avaient réussi à entrer dans 4 parlements régionaux depuis 2011, stagnent au niveau national à 2,2%.
  • Les néo-nazis du NPD enfin réussissent avec 1,4% à atteindre le minimum de 1% requis pour recevoir le financement public des partis.
  • Les divers rassemblent encore prés de 1,5%.

L’analyse politique :

La Droite

Angela Merkel a profondément transformé l’agenda politique de la CDU. D’un parti profondément néolibéral, la CDU s’est déplacé vers le centre, gommant toute position clivante pour apparaître comme le partenaire indispensable à la construction de consensus.

La politique économique de Merkel entre 2009 et 2013 est marqué en Allemagne par le souci d’acheter la paix sociale : pas de réduction des dépenses publiques, et malgré des recettes fiscales bien supérieures aux prévisions, une progression de la dette en 4 ans de 20%.

La CSU est le garant pour satisfaire la clientèle nationale-conservatrice : Prime au maintien des mères au foyer siphonnant les budgets pour le développement des crèches, campagne sur la création de péages autoroutiers réservés «aux étrangers».

L’espace ouvert à droite est béant. Le FDP ne l’a pas compris, et n’en a pas profité. Pire, ses dirigeants n’ont pas compris que leur résultat était dû, en pleine crise financières des banques, à une compétence économique supposée, et non à un message anti-impôts particulièrement simpliste. C’est aussi ce qui a permis l’éclosion de l’Alternative pour l’Allemagne, parti populiste national-libéral, dont le message s’est construit sur une analyse économique de l’Europe et de l’Euro.

L’addition cependant d’un électorat vieillissant anti-impôts, de l’électorat anti-Euro et du NPD montre qu’une alliance populiste sur le modèle FN français, FPÖ autrichien ou Wilders hollandais, a un potentiel à 10-11% en Allemagne.

La gauche :

Le SPD a été traumatisé par la défaite de 2009. L’agenda 2010, notamment sa composante en politique sociale et économique, était une trahison de l’électorat traditionnel du parti et des alliés syndicaux. Cette désaffection n’a pas été compensée par un gain sur l’électorat des classes moyennes et supérieures – le pari social-libéral, la stratégie Terra Nova  pour utiliser une comparaison française, est un échec politique, social et économique.

Sigmar Gabriel, bien qu’issu de l’aile droite, fut un adversaire de Gerhard Schröder au sein du SPD régional de Basse-Saxe. En héritant de la présidence du parti, il comprit que ce dont manquait le SPD était d’une vision stratégique pour se reconstruire. Il en a proposé une au Conseil national de Francfort, ainsi qu’aux congrès de Berlin et de Dresde : Mitte-Linke, Centre-gauche, ce qui pour un SPD qui s’inscrivait dans un «Neue Mitte», Nouveau Centre, est un gauchissement.

Cependant, pour reprendre une autre analogie française, le SPD en 2009 était un «cadavre à la renverse». Si le travail programmatique a permis d’établir l’une des plate-formes politique les plus à gauche du SPD depuis la réunification, la perte de substance militante et l’absence de renouvellement à la direction laissent des déficits structurels difficile à combler.

L’analyse des résultats le montre : le SPD a quasiment disparu de certaines régions, ayant perdu sur place tout relais militant. Passer de 800 000 militants en 1998 à moins de 460 000 en 2013 c’est aussi perdre le maillage du territoire, vivre sur l’engagement de militants dévoués mais vieillissants, se déconnecter des mouvements sociaux et syndicaux par manque de présence locale.

Knut Lambertin, dirigeant syndical DGB et vice-président de l’aile gauche du SPD, me disait dimanche soir : «Gabriel est le seul à avoir cette perspective stratégique. Mais nous sommes dans un état tellement critique, il nous faut plus de 4 ans pour nous reconstruire. Et Gabriel doit rester pour mener ce travail, car il le comprends, il fait ce travail de reconstruction, sections par sections, fédérations par fédérations».

Ce travail sera difficile en entrant dans une grande coalition avec l’Union. L’aile droite la souhaite, persuadée que c’est sa seule chance pour survivre au sein du parti. L’aile gauche y est opposée, et organise une consultation interne sur le sujet des alliances. Hilde Mattheis, réelue députée et leader de l’aile gauche, a déjà demandé ce mardi 24 septembre une consultation de tous les militants, en excluant la Grande Coalition comme l’option naturelle, et s’est déjà déclarée dans la première réunion du nouveau groupe parlementaire SPD – dans lequel l’aile gauche a augmenté sa représentation – prête pour l’option de nouvelles élections anticipées.

Ralf Stegner, un autre porte-parole de l’aile gauche, a déclaré : «Nous devons être une vraie alternative, et non pas la version gentille de la CDU».

Même le président du SPD de Baden-Würtemberg, Niels Schmidt, pourtant connu pour être à l’aile droite, a souligné que sa fédération est «absolument opposé» à une grande coalition.

L’aile gauche avait déjà posé des conditions politiques ambitieuses à tout ralliement à une telle coalition, persuadée que seule l’expression d’un rapport de force assumé avec Merkel pourrai nous permettre d’en sortir vivant. Pour le salarié allemand, la bonne nouvelle serai ici la mise en place du salaire minimum dés cette législature.

Cependant, le consensus au sein du parti est plutôt à rester dans l’opposition, laissant Merkel gouverner en minorité, et construisant un projet de nouvelle majorité – éventuellement avec les Linke et les Verts – capable de prendre le relais à tout moment.

Le danger ici serait de voir Merkel refuser une telle voie, et tenter de forcer de nouvelles élections en novembre-décembre, recherchant une majorité absolue seule.

Les verts ont aussi porté l’Agenda 2010. C’est souvent oublié, mais Schröder a toujours gouverné au sein d’une coalition avec les écologistes. Ceux-ci ont continué une évolution économique libérale, se ralliant aux politiques de l’offre. La contradiction de leur positionnement et de leur électorat cependant est intenable à terme. Le projet commun entre une aile gauche issue des combats étudiants post-68 et une aile droite enracinée dans le discours anti-nucléaire rural du Sud de l’Allemagne a toujours été la sortie du nucléaire. Les écologistes issus du mouvement citoyen en Allemagne de l’Est ayant conduit à la chute du Mur ont de plus, dû à leurs biographies, une aversion profonde pour l’étatisme et pour les Linke, héritier du parti qui les poursuivit. Ces contradictions sont apparues dés 2011, avec des résultats électoraux brillants gâchés par des scissions dans les groupes écologiques régionaux. La réponse en 2013 fut un gauchissement du programme, avec notamment une réforme fiscale et le recentrage du discours sur la réussite de la transition écologique.

Cependant, dans un contexte où tant la CDU de Merkel que le SPD se gauchissaient dans leur positionnement de campagne, et où l’électorat du centre s’éloignait du FDP, les Verts n’ont pas su offrir une plate-forme crédible et alternative au projet libéral. Une violente campagne sur le passé des Verts, notamment du porte-parole et vice-président Jürgen Trittin, qui fut attaché de presse d’une liste Verte à un congrès début des années 80 défendant les relations sexuelles entre un adulte et un enfant consentant, leur a donné le coup de grâce médiatique.

Le médiocre résultat, perdant 2 points par rapport à 2009, mais surtout finissant derrière les Linke et à presque 8 points des sondages de l’été 2011, les plonge dans une profonde crise de leadership, de positionnement, de programme. C’est la raison principale pour laquelle un projet de majorité de gouvernement à gauche est improbable, de même que la raison pour laquelle Angela Merkel ne souhaite pas gouverner avec eux mais plutôt avec le SPD.

Les Linke sortent affaiblis en voix et en sièges des élections, et pourtant, ils en sortent renforcés sur la scène politique. Malgré des contradictions aussi profondes qu’au sein des Verts, notamment entre l’aile syndicaliste issue des scissions du SPD en Allemagne de l’Ouest, violemment opposée au moindre compromis avec le SPD, et l’aile ex-communiste issue du PDS est-allemand, dominée par des pragmatiques ayant déjà gouverné avec le SPD au sein d’exécutifs régionaux, le parti a réussi à s’établir comme incontournable pour construire l’alternative à Angela Merkel.

Le principal défi est analogue à celui du Front de gauche : faut-il accepter de soutenir un gouvernement dominé par des figures sociales-libérales pour obtenir des avancées sociales, ou bien refuser la compromission de la participation gouvernementale ? Le parti a t-il vocation à gouverner ou à articuler une position tribunitienne ? Ce sont des débats aussi vieux que le mouvement socialiste, aussi pertinents en Allemagne qu’en France.

Beaucoup de Linke espèrent la reconduction d’une Grande Coalition pour pouvoir attaquer le SPD et grossir à son prix. D’autres espèrent que le SPD fera le choix de rester dans l’opposition pour créer les ponts nécessaires à la construction d’un projet de majorité plurielle. Cette ambivalence rends cependant la constitution dés 2013 d’un gouvernement d’union de la gauche très difficile.

L’Europe :

Le nouveau paysage politique allemand renforce en apparence Angela Merkel. Cependant, parce qu’elle n’a plus de majorité, parce qu’elle n’a pas de pression de son aile droite à redouter, elle en deviens plus vulnérable en Europe.

Le SPD ne la soutiendra plus sur l’Europe. La campagne a montré que Steinbrück gagnait des points en attaquant Merkel sur l’Europe. Le sucés du parti anti-euro AfD, qui frôle les 5% nécessaires à une représentation parlementaire, est aussi un signal fort. La bataille politique va se gagner sur le front européen, qui conditionne d’ailleurs tous les autres fronts sociaux et économiques.

Ce serai le moment idéal pour le PSE de lancer une offensive pour un plan de relance européen. Angela Merkel ne peut plus utiliser l’argument d’une majorité faible en Conseil, le SPD pouvant lui donner une large majorité sur des positions de gauche uniquement.

Conclusion :

Le gouvernement sortant a été sorti, la chancelière triomphe, mais ce pourrai être une victoire à la Pyrrhus.

La clarification est cependant particulièrement saine pour la gauche : sans union de TOUTES les gauches, il n’y a pas de perspective de majorité en Allemagne. C’est la nouvelle feuille de route, et c’est le SPD qui va porter l’historique responsabilité de structurer et rendre possible cette alternative.

Espérons que le SPD saura aussi se renouveler, structurellement et personnellement, pour conduire la Gauche allemande et européenne dans ce chemin.

C’est aussi une bonne nouvelle pour nous : la voie Schröder est définitivement enterrée. La Gauche allemande est dans l’état de la gauche française en 1993, avant la constitution du projet de majorité plurielle.

C’est donc une chance unique de voir la gauche européenne retrouver son identité et sa mission historique qui s’ouvre aujourd’hui.

Mathieu Pouydesseau
Bureau Fédéral et Conseil Fédéral FFE (section de Berlin)
Mandataire Maintenant la Gauche FFE
Membre de Forum DL21 (SPD)
Initiateur de l’appel Pour une autre Europe

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23 septembre 2013 1 23 /09 /septembre /2013 07:22

L'Allemagne sort avec une clarification nécessaire de ce scrutin.

Il y a la droite, réduite à l'Union de Merkel, et son refus du salaire minimum, sa politique archaïque à l'égard des femmes, sa conception prédatrice de l'Europe, et la gauche, encore désunie, encore occupée par des débats et des blessures du passé.

Die Linke a continué à manger du socdem au petit déjeuner (Ils ont fait harz IV remplaçant ils ont tue Rosa Luxembourg), et oubliaient de gagner leurs électeurs (-3%) alors que son programme politique est bien plus proche de celui des ailes gauches du PS que du Parti de Gauche. Les Verts se sont noyés dans une perspective uniquement bourgeoise ("nous, le meilleur FDP", -3%), le SPD avec un programme un peu gauchi mais un personnel encore très social-libéral (+3%, le programme a compensé le malus Steinbrück), Merkel avalait les libéraux, et en se déplaçant à gauche ouvrait certes un flanc sur sa droite, mais maitrisant le tempo, pas assez pour qu'il lui en coûte (AfD, le parti anti-euro à 4,8%) - cette fois.

Soit nous réussissons l'unité de la gauche, soit nous allons voir l'électorat populaire passé aux populistes, nous condamnant à des compromis boiteux, en position de faiblesse, avec les conservateurs.

C'est la stratégie de la droite européenne: retourner les populistes contre la gauche, pour siphonner la clientèle, en profitant que cette gauche là n'assume plus depuis 25 ans son identité politique.

Nous devons réorienter avec conviction notre action, ou c'est l'extrême-droite qui nous emportera.

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17 juin 2013 1 17 /06 /juin /2013 09:55
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14 juin 2013 5 14 /06 /juin /2013 13:32

article maurelChers Camarades,

Je tenais d’abord à remercier tous les camarades de Maintenant la gauche qui se sont mobilisés, à l’occasion de la convention Europe, pour faire vivre le débat dans les sections et les fédérations. La tenue de cette convention était une de nos exigences lors du congrès de Toulouse. Nous avons contribué à réveiller le parti dans un contexte peu favorable à la mobilisation.

La force de conviction des camarades qui ont défendu nos amendements (ceux que nous proposions seuls et ceux en commun avec les camarades d’Un monde d avance) a permis un vote majoritaire en faveur des thèses que nous avions déjà défendues dans notre motion déposée au dernier congrès : suspension du pacte de stabilité qui condamne l’Europe à l’austérité, refus du traité transatlantique et du libre échange généralisé qui menace notre industrie, plaidoyer pour une autre politique monétaire au service de la croissance et l’emploi, rédaction d’un traité social.

Nous sommes fiers d’avoir contribué à faire évoluer la ligne du parti sur les questions européennes. Et nous sommes satisfaits du compromis politique issu de la commission des résolutions, qui permet une sortie par le haut à l’issue d’une semaine agitée.

Oui, une sortie par le haut, parce que c’est ce que nous avons toujours souhaité.

Nous avons, dès vendredi matin, contesté un mode de calcul farfelu visant à éliminer nos amendements, contredisant les règles élémentaires de notre démocratie interne. Mais nous nous sommes également mobilisés pour que ce débat indispensable sur la procédure n’occulte pas le débat sur le fond.

Le texte issu de la commission des résolutions valide l’aspiration majoritaire des militants à une réorientation profonde de la construction européenne, et c’est là l’essentiel. Il s’agit évidemment d’un compromis : les revendications que nous portons seuls (notamment dans les amendements 4 et 13, qui ont réalisé un excellent score) n’y sont pas reprises totalement. Mais nous considérons que le mandat contenant les « 14 priorités des socialistes français », rédigé à notre demande, permettra de défendre, au sein du PSE, le point de vue des militants de notre parti. Il constitue une base solide qui rend possible une campagne offensive face  la droite et l’extrême droite lors des prochaines élections européennes.

923246 10200866643682452 1406494041 nChers Camarades, il est normal que chacun donne son interprétation de cette convention, de son déroulement et de ses résultats. Je vous demande de ne pas réagir aux provocations d’où qu’elles viennent. Nous sommes « à l’aise dans nos baskets ». Notre ligne de conduite a été fidèle à celle qui est la nôtre depuis le congrès. Fermeté dans les convictions, clarté dans le discours, constance dans nos analyses, sens du parti, souci du rassemblement des socialistes et de la gauche.

Emmanuel MAUREL

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