28 mars 2011
Mes chers camarades,
Permettez à un militant de longue date d’éducation populaire membre du parti socialiste depuis 1971 et de la place où je suis DAC et directeur du Festival Théâtral du Val-d'Oise, président des FRANCAS du Val-d’Oise qui à travers le prisme de son analyse de « cultureux » de réagir face à la situation que nous sommes en train de vivre.
Je vous demande l’autorisation de faire une intervention un peu plus longue que d’habitude, d’une part par ce que je n’ai pas pris la parole depuis très longtemps mais aussi que j’en ressens l’urgence, dans ma famille. Prenez cette intervention comme une sorte de cri d’alarme ou d’angoisse. D’un militant qui se désespère d’une telle situation et de son parti.
Aussi, je vous adresse à vous mes camarades, cette lettre ouverte.
En effet, cette nette victoire « en pourcentage » de la gauche, sur le plan national est ternie par notre échec dans notre département où nous perdons dans les quartiers populaires notamment d’Argenteuil mais aussi à cause de nos divisions ce qui est un comble. Toute fois, cette victoire s’obtient face à une abstention redoutable et à une montée du front national non moins dangereuse et l’effondrement des partis républicains de droite qui globalement ne représentent plus un rempart démocratique entre la gauche et les partis d’extrême droite…
Je souhaiterais attirer votre attention sur certains points de fonds qui me semblent essentiels.
En un mot sur des valeurs de gauches sur lesquelles j’en suis sur, il nous faut revenir et réifier au premier plan avant qu’il ne soit trop tard et notamment dans notre programme.
Car la prochaine fois où nous serons au pouvoir, ce que j’espère proche, comme vous tous ici, si nous devions par malheur décevoir, il ne faudra, alors, pas s’étonner que le recours « aux enfants de Marine » soit devenu une évidence pour bon nombre de nos citoyens.
Tous perdus dans les affaires, les compromissions, nous complaisant dans les eaux tièdes sans la moindre saveur et couleur, nourrissant les manques de perspectives, d’espoirs et oui n’en déplaise à d’aucun, je n’ai pas peur de l’employer : de rêve d’une société meilleure, plus juste, plus égalitaire. Nous allons au casse-pipe.
Car que constatons nous à l’analyse des résultats de ces dernières élections que sur les territoires où monte populisme de droite comme de gauche, les communautarismes, là ou interviennent de plus en plus les religieux radicaux, évangélistes de tous poils, là ou l’économie parallèle fleurit sur ces terreaux de banlieues comme des mauvaises herbes.
Car ces terrains qui semblent en friche sont des terrains fertiles si on prend la peine de les valoriser.
Certes ils sont confrontés aux difficultés d’intégration de leurs jeunesses, au chômage, à l’exclusion, au repli identitaire, à des processus douloureux d’acculturation.
Territoires qui du coup font de plus en plus peur ou les problèmes sont certes les plus criant, lieu d’abandon des services publics de non droit républicain.
Mais ce sont aussi sur ces territoires aussi où l’on communique le plus mal.
C’est sur ces territoires et parallèlement dans ceux qui en ont le plus peur que les taux d’abstention sont les plus grands et où paradoxalement le front national est le plus fort ! D’où la montée de cette vague bleue dans des zones improbables et absolument pas touchées par ces problématiques.
Ce constat est malheureusement vrai, chez nous, là sur nos territoires, à nos portes. A nous citoyens quelque soit nos origines ce constat devraient nous mobiliser en revisitant nos valeurs de classes notamment dans notre parti qui reste essentiellement un parti de cadres moyens et supérieurs et de retraités ! Plus enclin à se répartir des postes de notables qu’à se poser de vraies questions.
Or, le plus souvent et en croyant bien faire « le politique », nous même, avons voulu gérer en direct la formation du citoyen.
« Vous allez voir ce que vous allez voir » !
Mais parallèlement nous devenions de moins en moins crédibles, noyés dans nos affaires, nos divisions, nos divers échecs de gestion, nos promesses non tenues, ou pris dans nos conflits d’égo, et parfois de surcroît avec l’aide, objective, de conseillers qui refusent d’écouter les gens de terrain persuadés qu’ils ont raison contre tous et que eux savent. L’ensemble de ces raisons nous rendant le plus souvent aveugles !
Certain, chacun d’entre nous, d’être porteur, dans chacune de nos chapelles de « la Vérité ».
En oubliant même dans cette instance de discuter réellement et sérieusement de ces grands enjeux car à quel moment avons-nous pris le temps nécessaire de l’aborder, depuis 15 ans que je la fréquente cette famille « valdoisienne » qui me tient à cœur, mes camarades jamais !
Pour moi mes camarades nous avons abandonné les valeurs « d’éducation populaires » considérées comme ringardes, inutiles, voire superfétatoires. Toutes ces grandes valeurs, la formation du citoyen dès la plus jeune enfance, l’intergénérationnel, mais surtout les pratiques et les outils permettant la construction du citoyen portant jugement, capable de discernement.
Nous avons jeté l’eau de la baignoire avec notre bébé, en confondant les méthodes d’approche et les contenus qui bien sur, eux avaient vieillis, voire qui étaient périmés. Nous avons noyé ces valeurs dans un magma de langage pseudo participatif.
Or parallèlement, au moment où toutes les idéologies s'effondrent, où tous nos vieux paradigmes sont remis en cause, il peut sembler paradoxal d'affirmer que la culture, faisant par ailleurs parti intégrante de l’éducation au sens large, devient l'élément fondamental de la connaissance réciproque qui fait tomber les préjugés et rend possible l'échange. Ce n'est qu'à travers du pluralisme des formes d'expression que l'on peut espérer approcher l'imaginaire collectif.
En effet, face à l'attitude et à la pensée, d’un bon nombre de nos principaux leaders (de droite comme de gauche) économistes, scientistes, technocrates à la vision réductrice, néo libéral, voire uniquement comptable, mais le plus souvent tout simplement raisonnable, en un mot gestionnaire et qui prévaut souvent jusqu'à maintenant, nous avons laissé faire !
Concrètement nous avons laisser s’imposer la vision d’un monde rationaliste, résumée par le philosophe Bertrand Russell, et bien cette vision qui porte en elle les germes d'un pessimisme désabusé qui ne manque pas de sévir ! Comme il nous est facile de le constater à ce jour !
Au contraire mes camarades de gauche cela va de soit mais c’est mieux en le disant, nous devrions défendre coûte que coûte et en entrant en résistance, de plus, l’attitude disais-je, beaucoup plus positive et qui néanmoins émerge, vaille que vaille, de la cosmologie contemporaine, bien plus mobilisatrice en politique, en culture, en art comme en science… Celle qui nous inciterait plutôt à considérer la nature comme une ascension incessante vers les hauts sommets de la complexité et non les simplifications démagogiques et populistes qui ont trop souvent cours.
Aussi, sans surestimer l'importance du culturel dans la dynamique économique et sociale d'une ville ou d'un territoire départemental je constate notamment du poste que j’occupe que la demande sociale à l'égard de la culture est trop forte pour qu'elle puisse être considérée comme accessoire dans nos politique territoriale et dans nos conceptions de changement social.
La démocratisation de la culture constitue à la fois un enjeu d’avenir, mais aussi un facteur puissant d’accès à la citoyenneté.
En effet, la diffusion de ces éclatements de formes, de cultures, cette multiplication de diversité d’expressions semble se nourrir dans une nouvelle éthique, une rigueur où la liberté que prend avec les règles celui qui les connaît bien est sans commune mesure avec le laisser-aller de celui qui les ignore.
Camarades, je réaffirme une nouvelle fois devant vous qu’il est clair et surtout dans ce contexte, mais malheureusement il me semble que pas assez d’entre nous en soient convaincu, qu’en raison de l’effondrement de nos certitudes, la Culture est devenue l’un des derniers points tangibles de la construction de l’individu et de sa citoyenneté.
En effet le dialogue avec l’autre et avec soi-même, provoqué par la fréquentation des œuvres et de leur pratique sont des “ colloques singuliers ” qui concourent à l’intelligence de soi et de l’autre, au monde.
En effet, être citoyen actif, c’est avoir une capacité de vigilance, donc un esprit critique, une liberté de pensée, une aptitude à s’exprimer, à trouver sa place, à se bâtir des repères et un système de valeurs respectant les fondements de la démocratie.
Pour cela, il faut être acteur de son existence sur la base d’une identité solidement construite.
Oui je réaffirme que le problème actuel et auquel nous avons à faire face a une dimension culturelle essentielle et que nous l’avons par trop abandonnée.
Oui la dimension culturelle, d’éducation populaire, les pratiques artistiques et le rapport à l’Art, en participant à la construction du sujet libre, permettent à chacun de s’inscrire dans la vie de la cité pour y exercer ses droits et ses devoirs, car en fin de compte, cette jeunesse constitue un atout formidable pour la collectivité, si les conditions de son émancipation sont réunies.
Certes la culture et l’art sont libres, insoumis, ils sont paroles singulières et diverses, ils sont l’expression de l’Autre dans ses multiples singularités, interprétant le monde à travers des regards différents qui nous touchent, nous bousculent, nous décentrent, mettent en jeu nos croyances, nos opinions, nous altèrent et nous révèlent à nous-mêmes, nous libérant des “ assignations à résidence ” de la pensée.
Ainsi, les rencontres avec l’autre, dans leurs diversités contribuent à construire nos identités. La notion d’identité étant comprise alors, non comme une attitude de repli identitaire, mais comme un mouvement psychique ouvert, toujours en mouvement, avec une distance critique toujours à reprendre, une capacité d’aller vers l’inconnu pour se construire une identité singulière.
Camarades réaffirmons que :
- La démocratisation culturelle et son développement dans un souci d’éducation populaire doit se nourrir d’une très haute exigence de qualité artistique et culturelle.
- L'affirmation de la nécessité d’un "service public culturel" en direction de tous les publics et notamment des plus défavorisés.
- Le souci de faire échapper les créateurs, les institutions, la création en général à une logique strictement marchande.
- La reconnaissance du nécessaire pluralisme culturel, de la richesse des diversités culturelles et des identités présentes sur notre département dans une conception laïque.
Facteur indispensable à la réussite de l'insertion des différents groupes mais en évitant toute politique favorisant la mise en place d’un “ communautarisme ”.
- La nécessité de faire participer d’une manière intergénérationnelle la population de tous les quartiers.
- Le rappel de la priorité “ Jeunesse ” de cette action qui est d’ailleurs à mener dès la plus petite enfance.
- Le souhait que l'École (au sens large), soit un lieu de liaison décisif à l’ensemble de ces politiques.
Concrètement à la politique actuelle priorisons enfin un véritable plan « Marshall »de la culture dans nos banlieues. Au lieu de l’abandon des politiques de la ville comme actuellement. Celles-ci étant considérées bien évidemment comme bien trop cher par ce même front national et leurs faire-valoir car ils ont bien évidemment peur de donner les outils d’analyse et de compréhension au peuple dont pourtant ils se réclament. Départementalement, rééquilibrons notamment d’une manière urgente l’est du département par rapport au reste de celui-ci en travaillant au service et au côté des populations les plus en difficultés.
Camarades tous les signaux sont au rouge il est urgent d’agir et de se ressaisir et peut être d’écouter les militants sur le terrain.
Bernard Mathonnat
membre de la commission fédérale de contrôle financier du PS95