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27 juin 2018 3 27 /06 /juin /2018 08:07
Résolution de la fédération du Val-d'Oise du Parti socialiste contre la privatisation d'ADP
Privatisation du Groupe ADP : une décision à courte vue néfaste pour l’intérêt général et le Val d’Oise

résolution adoptée à l'unanimité lors du conseil fédéral du lundi 25 juin 2018 à Fosses

Au travers de son projet de loi, dit PACTE, présenté le 18 juin dernier le gouvernement souhaite lancer une vague de privatisations. Sont d’ores et déjà annoncées celle de la Française des Jeux, d’Engie et du Groupe ADP.

Au-delà des considérants idéologiques que sous-tend ce projet de loi, il résulte de la nécessité pour l’actuel Président de la République et sa majorité LREM de tenter de sortir de son impasse budgétaire. En effet ils ont fait le choix d’une politique en faveur des plus riches (ISF, Exit Tax et Flat Tax), d’assumer une promesse de campagne sous-estimée (26 milliards contre 10) et non financée concernant la taxe d’habitation, et ce en promettant un retour à l’équilibre budgétaire en 2022 dans un environnement international instable.

Dès lors, ce pouvoir fait un choix double. Celui d’utiliser son rabot contre les retraités, les jeunes, les services publics, les associations et les retraités…sans oublier les aides sociales. Celui de vendre notre patrimoine, celui de tous les Français.

Par ailleurs, notre département est impacté par la décision de privatisation du Groupe ADP où il est implanté. Il s’agit donc après de nombreux investissements publics qui ont fait de cette entreprise un fleuron international en expansion de privatiser les recettes et des actifs stratégiques.

Rappelons par ailleurs, que le Groupe ADP est en situation de monopole et dès lors ne justifie en rien cette décision de privatisation. Privatiser des entreprises comme ADP qui versent des dividendes chaque année, c’est vendre des bijoux de famille qui sont la propriété des Français.

Rappelons également que le Groupe ADP joue un rôle essentiel pour tout un pan de notre économique, notamment l’aéronautique et le tourisme. Cette privatisation, c’est le signe d’un renoncement. Celui d’une stratégie économique et industrielle.

Rappelons encore les enjeux de sécurité et de protection que l’aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle, frontière avec le monde.

Rappelons toujours que cette décision unilatérale et sans associer les collectivités territoriales peut avoir un impact conséquent sur les enjeux d’aménagement de territoire, de réserves foncières, de transports publics, d’emplois, de formation et de combat pour la réduction des nuisances sur le territoire Valdoisien et Francilien.

Rappelons enfin l’objectif commun des départements franciliens, que nous partageons, de « conserver durablement une dimension publique importante au contrôle de ces infrastructures essentielles pour le développement » de la Région métropole.

Nous appelons donc les parlementaires du département du Val d’Oise à s’opposer à la privatisation du Groupe ADP.

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7 septembre 2016 3 07 /09 /septembre /2016 08:44
TAFTA-CETA : two sides of the same coin ?

TAFTA-CETA : two sides of the same coin ?

L’optimisme feint de la Commission européenne – toujours officiellement confiante quant à une conclusion des négociations fin 2016 – ne trompait plus grand-monde. Par la voix de Matthias Fekl puis de François Hollande, la France semble avoir définitivement porté un coup de grâce au funeste projet d’Accord commercial entre l’Union européenne et les USA. Le TTIP/TAFTA est en état de mort clinique. C’est une victoire pour ceux qui, comme moi, considèrent que le projet d’accord, tel qu’il était négocié, risquait de déposséder les États de leurs capacités à réglementer et à protéger, et ce faisant, contenait davantage de dangers que d’opportunités pour les travailleurs et consommateurs européens.

Maintenant que les négociations TAFTA sont nettement – et apparemment définitivement – dans l’impasse, le débat doit se déplacer vers un autre accord transatlantique dont les négociations, elles, sont définitivement conclues. L’Accord économique et commercial global (AECG/CETA) avec le Canada est encore largement méconnu du grand public mais son entrée en vigueur est bien moins hypothétique que celle du TAFTA. Pour l’instant, deux sons de cloche se font entendre : pour les uns, le CETA serait un « anti-TAFTA » ; pour les autres, il s’agit du « petit frère du TAFTA ».

Après examen attentif de l’accord, il semble bien que l’accord UE-CETA réponde à un agenda tout aussi libéral que celui qui a dicté les négociations de son grand frère états-unien. Certaines dispositions contenues dans le CETA – notamment sur le commerce des services – vont bien-delà de tout ce qui a été envisagé dans le TAFTA. Ce n’est pas un hasard si l’accord a été négocié par l’ancien commissaire De Gucht – un idéologue notoire – avec le gouvernement conservateur de Stephen Harper, dans une opacité plus importante que le TAFTA. Le mandat de négociation a ainsi été rendu public… après la conclusion de l’accord ! Gardons-nous enfin de tout manichéisme : il s’agit d’un accord qui bénéficiera également aux multinationales américaines, puisque 40 000 d’entre elles possèdent des filiales au Canada.

Dès lors, il est tentant de se demander si le CETA et le TAFTA ne sont que deux faces de la même stratégie de dérégulation et d’harmonisation par le bas de la Commission européenne. C’est la question à laquelle nous tenterons de répondre lors de la conférence « CETA, TTIP, two sides of the same coin » que nous avons organisé mardi 6 septembre 2016 dans le cadre du Progressive Caucus, un espace de discussion entre députés européens de gauche* (http://www.unravellingceta.eu/press-release-progressive-members-european-parliament-come-together-unravel-ceta/).

Emmanuel Maurel

* Dans ce même cadre, nous avons lancé la campagne « Unravelling CETA » (« Décortiquer le CETA ») et créé un site en 6 langues pour informer les citoyens européens sur le contenu de l’accord UE-Canada.
Le site ici : http://www.unravellingceta.eu/?lang=fr
La page facebook de la campagne, là : https://www.facebook.com/unravellingCETA/?fref=ts

Emmanuel Maurel concluait mardi 6 septembre au Parlement européen la réunion du Progressive Caucus sur le TAFTA et le CETA, deux faces de la même pièces

Emmanuel Maurel concluait mardi 6 septembre au Parlement européen la réunion du Progressive Caucus sur le TAFTA et le CETA, deux faces de la même pièces

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8 juillet 2016 5 08 /07 /juillet /2016 10:32
#CETA : la libéralisation comme unique réponse à la crise agricole

Publié le 7 juillet 2016, par Emmanuel Maurel, député S&D

La Commission européenne vient de qualifier l’Accord UE-Canada (le « CETA ») d’« accord mixte ». Ce revirement, inattendu, est avant tout le fruit de la mobilisation grandissante de ceux (société civile, parlementaires européens, gouvernements et parlements nationaux) qui ont mis en garde Jean-Claude Juncker contre toute tentative de passage en force. L’entrée en vigueur du CETA dépendra de la double-ratification du Parlement européen et des parlements nationaux, mais pourra être mis en œuvre à titre provisoire avant le vote de ces derniers.

Les débats procéduraux désormais derrière nous, il est temps de s’intéresser à ce que contient véritablement l’accord CETA, présenté par beaucoup comme un « anti-TAFTA ». Définitivement conclu depuis le 29 février dernier. Il devrait être signé par les États membres de l’Union européenne en octobre, puis soumis à la ratification des assemblées, Parlement européen en tête.

L’accord UE-Canada découle en réalité de la même logique que le TAFTA : il ne s’agit pas uniquement de démanteler les droits de douanes et les barrières au commerce, mais également d’harmoniser les normes des deux côtés de l’Atlantique. C’est également ce que l’on appelle « un accord vivant », qui va enclencher une dynamique permanente de coopération réglementaire entre l’UE et le Canada.

Par ailleurs, le CETA devrait entrer en vigueur dans le contexte que tout le monde connaît – celui d’une profonde crise de l’agriculture française, à la fois conjoncturelle et structurelle, imputable à plusieurs facteurs. D’un côté, la crise de surproduction mène à une chute des prix dans un certain nombre de secteurs, comme le secteur laitier. De l’autre, l’orientation combinée de la PAC et de la politique commerciale de l’UE soumet l’agriculture européenne à une dérégulation et une libéralisation excessives – sur les plans interne comme externe.
Le CETA ne constitue en aucun cas une solution à cette double-crise. Au contraire, il ne peut que renforcer les tendances actuelles et affaiblir le modèle agricole français, l’agriculture familiale et paysanne.

La Commission ne sait prôner que la libéralisation et la dérégulation

Libéraliser davantage le marché européen, au plan interne comme au plan externe, est l’unique solution proposée par la Commission européenne à la crise agricole. Ce n’est pas nouveau : l’exécutif européen – soutenu par bon nombre d’États membres – a pour seule obsession d’augmenter les exportations, fût-ce au détriment du marché intérieur européen.

C’est encore et toujours cette logique qui préside au démantèlement des droits de douane sur les produits agricoles prévu dans le CETA. Côté européen, les droits de douane seront éliminés sur 92.2% des lignes tarifaires agricoles, et même sur 93.8% d’entre elles sept ans après l’entrée en vigueur de l’accord. Le marché européen sera totalement ouvert aux produits laitiers canadiens, sans droits de douane. Même si les importations occasionnées par cette nouvelle ouverture représenteront une portion négligeable – moins de 1% des importations européennes en provenance du Canada concernent le lait et les produits laitiers – le signal envoyé aux professionnels de la filière n’est pas le bon, alors que les prix dégringolent sur le marché intérieur et que le Canada a, de son côté, relativement préservé son secteur laitier dans la négociation.

Les droits de douane seront supprimés sur 8 000 tonnes de maïs doux et 100 000 tonnes de blé canadiens. Mais surtout, le Canada va pouvoir exporter en Europe 65 000 tonnes de bœuf et 75 000 tonnes de porc supplémentaires par an. Même si la Canada a, pour l’instant, des difficultés à remplir ses quotas d’exportation, ces nouveaux contingents seront effectifs 7 ans après l’entrée en vigueur de l’accord, et les autorités canadiennes auront largement le temps de bâtir des filières sans hormone (pour le bœuf) et sans ractopamine (pour le porc) uniquement destinées à l’exportation. Elles ont évidemment prévu de le faire.

Les secteurs bovin et porcin sont pourtant des secteurs agricoles sensibles et ces nouveaux contingents, même s’ils paraissent modestes, peuvent entraîner des bouleversements considérables pour des filières entières. Or, aucun mécanisme de sauvegarde n’est prévu pour suspendre le volet agricole du CETA en cas de déséquilibre sur le marché européen. Le Parlement wallon, dans une récente résolution, avait appelé à l’introduction dans le CETA d’une clause dite « d’exception agricole » permettant de mettre en pause l’accord en cas de difficulté d’absorption du marché européen. La Commission a choisi une logique complètement inverse : le CETA prévoit une clause « standstill » (ou « statu quo ») qui rend toute limitation des quotas d’exportation impossible.

Le CETA ou la victoire annoncée de l’agriculture intensive

Les modèles agricoles européen et canadien vont entrer en opposition frontale, ce dont peu dans les institutions européennes semblent s’émouvoir. On pourrait en effet penser que le modèle agricole canadien est plus proche du modèle européen que du modèle américain. C’était peut-être le cas il y a quelques décennies mais, désormais, c’est tout le contraire. La conclusion de l’ALENA (la grande zone de libre-échange nord-américaine), au milieu des années 1990, a complètement transformé les structures agricoles et industrielles canadiennes, les calquant sur le format états-unien.

Les standards environnementaux et sanitaires du Canada se sont affaissés. Par exemple, les normes applicables aux produits chimiques sont bien mois protectrices que les normes européennes fixées par le règlement REACh ; il en va de même pour les règles applicables à l’utilisation des hormones de croissance dans l’agriculture d’élevage. Le principe de précaution est, par ailleurs, étranger aux Canadiens, qui sont désormais les troisièmes exportateurs mondiaux d’OGM.

De manière plus générale, les Canadiens ont récemment bouleversé leurs techniques d’élevage et de culture. La production agricole s’est concentrée entre les mains de grandes firmes agro-industrielles. Ce pays de petits fermiers s’est transformé en champion de l’élevage intensif, avec des standards minimaux en matière de bien-être animal. Les cultures céréalières sont à 50% destinées à l’exportation, à des prix ultra-compétitifs.
Dans ce contexte, le risque n’est pas tant que le CETA aligne les normes européennes sur les normes canadiennes – cette possibilité existe néanmoins – mais surtout que deux modèles très différents entrent en confrontation directe, avec pour seul arbitre le niveau de compétitivité-prix des deux continents.

À ce jeu, comment les modèles d’élevage familial et respectueux de l’environnement pourraient rivaliser avec les feedlots (fermes industrielles) canadiens, capables d’effectuer des économies d’échelle inégalables ? Et surtout, voulons-nous vraiment faire entrer en rivalité ces deux modèles ? La crise actuelle nous oblige à repenser notre politique commerciale : ne devrions-nous pas plutôt nous distancier de cette course à l’exportation pour parier sur la compétitivité hors-prix, sur une agriculture de qualité, rémunératrice, fondée sur la proximité et les circuits courts ? Ce sont des questions que nous devrions tous nous poser.

Des normes européennes sanctuarisées ?

À ce stade, même avec le texte du CETA sous les yeux, il est difficile de savoir si les normes européennes seront entièrement sauvegardées. La Commission européenne s’est en tout cas engagée à ce que les négociations n’affaiblissent aucune réglementation sanitaire européenne.

Toutefois, si on se penche attentivement sur le Chapitre 5 du CETA, consacré aux mesures sanitaires et phytosanitaires, on s’aperçoit que la logique prédominante est celle de la reconnaissance mutuelle, fondée sur des données « objectives » donc scientifiques. Il est permis de se demander si une telle approche est compatible avec le principe de précaution, principe qui n’est d’ailleurs mentionné dans aucun chapitre du CETA.

Ce qui est certain, en revanche, c’est que le CETA a été conçu pour être un « accord vivant » : il prévoit un forum de coopération réglementaire, ouvert aux autorités canadiennes et européennes pour qu’elles s’accordent sur de futures mesures d’harmonisation. Le principal risque est que ce processus dissuade les parties de légiférer en matière sanitaire ou environnementale, par crainte de faire diverger les législations respectives. C’est ce qu’on appelle le « chill effect ». Sans parler d’OGM, de bœuf aux hormones ou de porc à la ractopamine, on peut se demander si l’Union européenne bénéficiera d’une liberté totale pour renforcer – si elle le décide ! – ses législations sur les pesticides ou les perturbateurs endocriniens.

Au-delà de ce forum de coopération réglementaire, l’un des points durs du CETA concerne le nouveau système de règlement des différends entre investisseurs et États. L’ICS a remplacé l’ancien système d’ISDS, mais continue de sérieusement entraver le droit des États à légiférer. Des multinationales, au titre de leurs « attentes légitimes » et au nom d’un « traitement juste et équitable », pourront poursuivre des États, à qui il incombera de prouver que leurs décisions ne sont pas « arbitraires » ou « manifestement excessives », y compris en matière de protection de la santé ou de l’environnement. Selon une coalition d’ONG, l’offensive de Philip Morris poursuivant l’Australie ou l’Uruguay pour leurs politiques anti-tabac aurait été parfaitement possible dans le cadre du CETA.

Des appellations d’origine (partiellement) protégées

Les promoteurs du CETA estiment que le traité instaurera nouvelles règles pour encadrer une mondialisation qui ne serait plus uniquement synonyme de mise en concurrence généralisée. Ils se réfèrent pour cela à la protection des appellations d’origine (AO), prévue dans le chapitre 20 du traité. C’est en effet un élément clef de ce que le Secrétaire d’État français au commerce, Matthias Fekl, appelle la « diplomatie des terroirs », un instrument de promotion de la qualité et de la compétitivité hors prix de l’agriculture française et, de plus, un moyen de soutenir concrètement les petits producteurs. En matière commerciale, c’est un « intérêt offensif » de l’Union européenne, car il s’agit de protéger des labels et d’empêcher leur utilisation abusive dans des pays qui ne reconnaissent que des marques.

Dans le CETA, le résultat est correct, mais pas totalement satisfaisant. 145 indications géographiques – dont 42 AOC et AOP françaises – sont protégées, comme le roquefort, le jambon de Bayonne ou le pruneau d’Agen. Toutefois ce chiffre représente uniquement 10% des 1400 « IG » recensées au niveau intra-européen. Sur les 42 indications géographiques françaises, certaines manquent à la liste. Plusieurs fromages basques, par exemple, ne seront pas protégés dans le CETA, alors même qu’ils sont présents sur le marché canadien (comme l’Ossau-Iraty). Par ailleurs, plusieurs d’entre elles ne bénéficient pas d’une protection totale : l’IG « canard à foie gras du Périgord » est officiellement protégée, mais coexistera avec la marque déposée canadienne « foie gras » sur le marché canadien.

Ces maigres satisfactions sont bien insuffisantes pour masquer la nature profondément déstabilisatrice du CETA. Tout indique en effet que l’Accord avec le Canada ne constitue en aucun cas un anti-TAFTA : CETA et TAFTA sont deux faces de la même stratégie libérale de la Commission européenne, plus que jamais persuadée que la dérégulation est la condition du retour de la croissance. En vérité, non seulement le CETA s’est négocié au prix d’un renoncement démocratique et d’une fragilisation de nos normes, mais il ferait également entrer en collision frontale deux modèles agricoles radicalement opposés.

Nous n’y avons pas intérêt.

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7 juillet 2016 4 07 /07 /juillet /2016 16:32
Gérard Sebaoun, député socialiste du Val-d'Oise, sur le plateau de LCP-AN le 7 juillet 2016 au matin

Gérard Sebaoun, député socialiste du Val-d'Oise, sur le plateau de LCP-AN le 7 juillet 2016 au matin

Gérard Sebaoun était ce jeudi 7 juillet l’invité de Politique Matin sur LCP. Il a notamment été interrogé sur la loi travail, l’utilisation du 49.3 par le Gouvernement et la motion de censure, le décès de Michel ROCARD…

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22 juin 2016 3 22 /06 /juin /2016 13:20

communiqué de presse de députés socialistes, communistes et écologistes - 22 juin 2016

La décision du Premier Ministre  d’interdire la manifestation du jeudi 23 juin contre la loi Travail est une inacceptable atteinte à la liberté de manifester.

L’épuisement des forces de l’ordre, dans les circonstances actuelles, pour assurer la sécurité des Français ne saurait justifier d’empêcher celles et ceux qui le souhaitent de manifester pacifiquement leur opposition à la loi Travail. Les violences inacceptables des casseurs, intervenues en marge des manifestations précédentes, ne sauraient justifier un tel recul de la démocratie dans notre République.

Au contraire, il faut plus que jamais garantir le respect des droits et libertés fondamentales. Depuis 1962, jamais un Gouvernement n’avait osé prendre une telle décision. Une décision d’autant plus inquiétante qu’elle porte sur un sujet aussi essentiel et emblématique que le droit des salariés.

Il est désormais urgent de sortir par le haut de cette impasse, dans le respect du dialogue, sans caricature des positions des uns et des autres.

C’est dans cet esprit constructif que nous avons invité la semaine dernière les syndicats de salariés (CFDT, Unsa, FO, CFTC, UNEF, CGT, CFE-CGC, FSU).

De ces échanges a émergé une profonde volonté de démocratie et de dialogue. La réponse de l’exécutif à cette volonté d’ouverture a donc été le choix d’une escalade autoritaire d’autant plus irresponsable que l’on connaît la profondeur de la crise démocratique que traverse notre société. 

Nous parlementaires, porteurs de nos écharpes, serons présents demain solidairement aux côtés des organisations syndicales dans les conditions qu’elles auront choisies.

Pouria Amirshahi, Marie-George Buffet, Fanélie Carrey-Conte, André Chassaigne, Pascal Cherki, Marc Dolez, Cécile Duflot, Jacqueline Fraysse, Benoît Hamon, Jérôme Lambert, Christian Paul, Philippe Noguès et Jean-Louis Roumegas

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22 juin 2016 3 22 /06 /juin /2016 10:21

«Je considère, et je pèse vraiment mes mots, que c'est une faute historique. C'est la première fois depuis 1958 qu'un gouvernement interdit une manifestation syndicale», a jugé Christian Paul, député socialiste de la Nièvre et premier signataire de la motion B du Parti Socialiste, sur iTélé. «Nous étions à deux doigts de trouver un accord sur la loi travail, et c'est le moment que le gouvernement a choisi pour interdire la manifestation. Interdire la liberté de manifester, à Paris, en 2016...»

Idem du côté du député frondeur de Paris, Pascal Cherki, qui a fait allusion aux débats sur le projet de révision constitutionnelle pour dénoncer l'attitude de l'exécutif : «Le gouvernement invente maintenant la déchéance de manifestation contre les syndicats. Pitoyable et dangereux !», a-t-il posté sur Twitter

Sur Facebook, le député européen Emmanuel Maurel dénonce également l'hyprocrisie et l'irresponsabilité de l'exécutif : «Envie de m'adresser aux camarades qui cautionnent peu ou prou, et souvent de bonne foi, ce qui se passe depuis 6 mois : honnêtement, la droite aurait proposé la déchéance de nationalité, réformé le code du travail à coup de 49-3, interdit de manifester, qu'auraient dit les socialistes, Francois Hollande en tête ?»

Christian Paul à La Rochelle, le 27 août 2015 - crédits photo : Sébastien Soriano / Le Figaro

Christian Paul à La Rochelle, le 27 août 2015 - crédits photo : Sébastien Soriano / Le Figaro

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17 juin 2016 5 17 /06 /juin /2016 11:28
TAFTA / Chine / Europe : retrouvez l'entretien d'Emmanuel Maurel dans "L'arène nue"

Retrouvez ci-dessous l’interview en deux parties donnée par Emmanuel Maurel à Coralie Delaume, consacrée au Traité transatlantique (TAFTA) - A retrouver sur le blog "L'Arène Nue" de Coralie Delaume

Commençons par un sujet qui inquiète et mobilise de plus en plus de monde : le TAFTA. On croyait en avoir fini avec le risque de voir se mettre en place des juridictions arbitrales privées, l’un des éléments les plus controversés des négociations transatlantiques. Or Le Monde affirme avoir eu accès à des documents prouvant que la France est à l’avant-garde de la promotion de ces tribunaux. Pourtant, le gouvernement français n’a de cesse de dire publiquement qu’ils ne sont « ni utiles, ni nécessaires ». Y a-t-il un double discours de la France sur ce point ? 

Non, ce n’est pas le cas. Il est vrai que dans le cadre du TAFTA – mais également du CETA, l’accord de libre-échange avec la Canada qui doit être ratifié par le Parlement européen avant la fin de l’année – était prévu un système qui s’appelle l’ISDS (Investor-State Dispute Settlement), qui a vocation à régler les différends entre les entreprises et les États dans le cadre de juridictions d’arbitrage privées. Il faut savoir que de tels mécanismes existent depuis les années 1950, et dans tous les accords de libre-échange. Aujourd’hui, il existe environ 3000 ISDS dans le monde, et la France en a signé plusieurs centaines.

Ces structures ont été mises en place au début car lorsqu’on passait des accords avec des pays en voie de développement, on craignait beaucoup – surtout les investisseurs – les effets de l’insécurité juridique qui y régnait. Les changements politiques intempestifs pouvaient rendre l’environnement économique très instable.

Mais cela n’est plus adapté, pour deux raisons. D’abord parce que la mise en œuvre du droit commercial a globalement progressé partout. Ensuite et surtout parce qu’existent désormais des multinationales avec des forces de frappe considérables, qui se sont servi de ces ISDS pour attaquer les États et demander des sommes folles à la moindre évolution des politiques publiques. L’exemple le plus connu et le plus caricatural est celui de Philip Morris attaquant l’Australie ou l’Uruguay parce que les autorités de ces pays avaient décidé de passer au paquet neutre pour l’Australie (ce qui obligeait le cigarettier à retirer son logo de ses paquets), ou d’accompagner les messages sanitaires d’avertissements illustrés sur les paquets pour l’Uruguay…

En somme, avec ce système d’ISDS, un État qui veut mettre en place une législation, y compris pour des raisons de santé publique comme dans votre exemple, peut être attaqué en justice….

Oui. Avec ce type d’outils, une entreprise installée dans un État suite à un traité de libre-échange et qui s’estime lésée par un changement de la législation peut attaquer l’État en question et demander réparation. Il existe ainsi de nombreux arbitres internationaux privés – le plus souvent des avocats d’affaire rémunérés à prix d’or – mis en place par des traités de libre-échange, et qui rendent leurs jugements partout dans le monde.

Ce qui a changé dans la période récente, c’est que les multinationales se sont mises à réclamer des sommes considérables, suite à des décisions parfaitement démocratiques. Par exemple, lorsque des gouvernements de gauche, en Amérique de Sud, décident de nationaliser l’exploitation des hydrocarbures, de grandes compagnies pétrolières conduisent des offensives très dures, arguant qu’on les privait à la fois de profits immédiats et de profits à venir.

Or quand on négocie le TAFTA avec les États-Unis, on sait très bien quels interlocuteurs on a en face. Ce sont toutes les plus grandes entreprises mondiales, avec des batteries d’avocats excessivement procéduriers, et un rapport à la justice privée très spécifique.

Et ces entreprises pourraient très bien attaquer la France si une loi, une politique publique, venait à leur déplaire ?

C’est bien sûr une possibilité. C’est pourquoi le Secrétaire d’État au commerce extérieur Matthias Fekl, après une très forte mobilisation de l’opinion publique, des ONG et des parlementaires européens, a convenu que la perspective d’un ISDS était inacceptable. En plus c’est inutile : les États-Unis sont quand même un État moderne, avec une justice commerciale qui fonctionne ! On travaille donc désormais à imaginer un nouveau mécanisme de règlement des conflits, qui offre la possibilité d’un appel, et des juges qui soient plus impartiaux.

Qu’en est-il de la révélation du Monde, alors ?

Ce n’en est pas vraiment une. De nombreux traités de libre-échange ont été signés dans les années 1990, notamment avec les pays d’Europe centrale et orientale qui n’étaient pas encore dans l’Union. À présent que ces pays ont intégré le marché intérieur européen, la Commission s’est engagée dans une démarche d’abrogation des accords bilatéraux intra-européens qui contiennent des ISDS. Les États-membres ont été appelés à se prononcer, mais rien n’est encore décidé.

Ce que Le Monde a révélé, c’est ce qu’on appelle un « non-papier ». Il s’agit d’une sorte de brouillon émis par des technos. Lorsqu’ils commencent à discuter, ils couchent sur un document toutes les hypothèses envisageables, mais ce n’est absolument pas décisionnel. Il serait faux de considérer qu’il s’agit là de la position officielle de la France, et que le gouvernement tient sur cette affaire d’ISDS un double discours.

On entend de plus en plus souvent parler du TAFTA dans les médias alors que ce n’était pas le cas au début. Le sujet intéresse. Pour autant, cet accord a-t-il vraiment des chances d’être conclu ? Par ailleurs, qui des américains ou des européens le souhaite le plus ? On prête aux États-Unis un goût prononcé pour le libéralisme économique, mais en l’occurrence, on dirait que c’est surtout l’Europe qui souhaite l’accord.

Le TAFTA est plutôt une idée européenne en effet, en tout cas au départ. C’est la Commission Barroso qui a ouvert ce débat, en partant du constat d’une croissance faible et d’un niveau de chômage élevé, et parce que les économistes de la Commission sont incapables d’imaginer autre chose que de la dérégulation pour y remédier. Ils ont donc recherché quel était le grand marché qui pourrait tirer la croissance européenne, et dont le modèle serait proche du nôtre. La Commission s’est naturellement tournée vers les États-Unis, d’autant que José Manuel Barroso est lui-même un atlantiste éperdu.

Le problème dans cette histoire, c’est qu’il y a très peu de barrières douanières entre les États-Unis et l’Europe. Le TAFTA est en quelque sorte un traité de libre-échange « nouvelle génération ». La vraie question n’y est plus celle de l’abaissement des tarifs douaniers mais celle de l’harmonisation des normes.

Le TAFTA est donc une idée européenne. Et les États-Unis, qu’on-t-ils à gagner dans l’affaire ?

C’est très simple. L’idée les a enthousiasmés car Obama tente de mettre en place une stratégie « en pinces » dirigée contre la Chine.

L’émergence rapide de la Chine, la perspective qu’elle puisse un jour imposer ses normes commerciales partout inquiète légitimement les États-Unis. Ils cherchent à la prendre en tenailles. Pour ce faire, ils ont d’abord signé le traité transpacifique (TPP : Trans-Pacific Partnership) avec une douzaine de pays. Dans un second temps, ils espèrent signer le traité transatlantique avec l’Europe. La grande idée géopolitique d’Obama, c’est de coincer ainsi la Chine entre deux entités commerciales puissantes.

L’accord transpacifique est donc signé depuis le mois de février …

Il est signé mais pas encore ratifié, pour la bonne raison qu’Obama ne dispose pas de la majorité nécessaire au Sénat. Les sénateurs du Midwest, et plus généralement ceux des États américains producteurs de viande bovine, considèrent que l’accord est insuffisant, et offre trop peu de possibilités d’exportation de viande.

Par ailleurs, les candidats à la présidentielle américaine, que ce soit Trump, Sanders ou même Clinton, émettent de forts doutes sur le bien-fondé de cet accord…. Bref, l’administration Obama rencontre des difficultés avec le TPP qui était pourtant sa priorité, bien plus que le TAFTA.

Lequel n’est donc pas prêt de voir le jour, donc.

On est en certes au 13ème round de négociations, mais il est vrai que ça n’avance guère. Cela tient au contenu du projet d’accord. Il contient d’une part des perspectives d’harmonisation des normes techniques (uniformisation des prises électriques, des pare-chocs de voitures, etc), qui peuvent tout à fait se justifier et qui permettraient de lever certains obstacles à l’échange.

Mais il contient aussi des points bloquants. Certaines questions posent problème, parce qu’elles sont existentielles pour les États-Unis, et relèvent en même temps des « intérêts offensifs » de l’Europe. Je pense notamment à la question des marchés publics américains.

Contrairement à ce que l’on entend souvent, les États-Unis ne sont pas un pays plus libéral ou libre-échangiste que les autres. Ils sont avant tout pragmatiques. Dans ce cadre, leurs marchés publics demeurent très peu ouverts comparés aux marchés publics européens, qui le sont à 95 %. Quand des appels d’offre ont lieu, que ce soit au niveau fédéral ou au niveau des États fédérés, une grosse portion est réservée aux entreprises locales en vertu du Buy American ActC’est un vieux texte (1933) mais il est encore en vigueur. Or « l’intérêt offensif » de l’Europe, dans ce cadre, c’est que les entreprises européennes puissent avoir accès aux grands marchés publics américains. Ça, les Américains s’y refusent.

Ils sont donc très protectionnistes !
Ils sont soucieux de leurs intérêts, et se donnent les moyens de les faire prévaloir. L’Europe, c’est précisément le contraire. Exemple assez significatif du fonctionnement de l’Union européenne aujourd’hui : l’affaire des panneaux photovoltaïques. Au début des années 2000, les Européens commencent à mettre en place une industrie photovoltaïque, qui marche très bien. L’Europe représente 70% des nouvelles installations photovoltaïques en 2011 et encore 59% en 2012. Puis arrivent les Chinois, qui inondent le marché avec des panneaux à très bas coûts. Les Européens tergiversent, lancent une enquête pour savoir s’il convient ou pas d’appliquer des mesures antidumping. L’affaire prend dix-huit mois. A la fin, c’est bien simple : il n’y a plus de photovoltaïque européen. Toute cette industrie a coulé.

Aux État-Unis, une chose pareille n’est pas concevable. Quand on y soupçonne une situation de concurrence déloyale, les enquêtes durent deux mois. Au terme de la procédure et si le dumping est avéré, la mise en place de taxes est immédiate. Des taxes douanières qui peuvent croître brutalement de 200, 250, parfois 300 %.

Vous dites que les États-Unis sont pragmatiques. L’Union européenne, elle, est donc engluée dans l’idéologie ?

Ce n’est pas nouveau. Le libre-échange poussé à l’extrême est dans l’ADN de la construction européenne. Et nos industries en ont énormément souffert. Un débat a lieu en ce moment au sein de l’UE sur la modernisation de nos instruments de défense commerciale, et sur la question de savoir si l’on ne pourrait pas durcir nos mécanismes antidumping. Mais un certain nombre d’État membres, tels la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas, dont l’économie est historiquement très extravertie, y rechignent vivement.

Revenons au TAFTA, et à ces négociations qui avancent peu. Vous avez évoqué la question des marchés publics américains comme point bloquant majeur. Quels sont les autres ?

L’autre point d’achoppement relève des « intérêts défensifs » de l’UE. Il s’agit de la question des indications géographiques. En Europe, nous avons beaucoup de produits d’appellation d’origine contrôlée ou protégée. Pour nous, un produit est lié à un territoire et à un savoir-faire particulier : la feta, le parmesan, le roquefort ne peuvent pas être produits partout. Au États-Unis, cette logique est inexistante. On y fabrique du brie dans le Wisconsin et du parmesan dans le Midwest sans aucun problème. Or si l’on accepte d’entrer dans leur logique, cela représente un danger considérable pour certaines de nos productions.

Enfin, parmi les points bloquants figure la question de l’harmonisation des normes, notamment alimentaires et sanitaires. Les Européens ont beaucoup à craindre de l’harmonisation des premières avec celles des États-Unis. On sait par exemple que les Américains nourrissent tout leur bétail au OGM, lavent leurs poulets au chlore etc. Mais il existe aussi des réticentes dans l’autre sens. Par exemple, les États-Unis demandent aux Européens d’être moins laxistes sur la fabrication des cosmétiques, qu’ils considèrent pour leur part comme des produits pharmaceutiques et qu’ils surveillent de très près.

Au final, on ne peut être certain que le TAFTA aboutira. Si tout se déroulait normalement, la ratification n’interviendrait pas, de toute façon, avant 2019 ou 2020. Les rounds de négociation sont très longs car des sujets d’une très grande diversité et technicité sont abordés. Une fois un éventuel pré-accord conclu, la phase de relecture juridique puis de traduction durera au moins un an. Viendra ensuite la phase de ratification par l’Union européenne et par les États-membres.

Les États seront donc consultés ? Les Parlements nationaux voteront ?

Oui car le TAFTA est en principe conçu pour être un accord mixte, qui devra faire l’objet d’une double ratification. Ce n’est pas le cas de tous les accords, et les traités sont sur ce point quelque peu ambigus. Le Traité sur le fonctionnement de l’Union (TFUE) indique que c’est au Parlement européen de ratifier les accords de libre-échange. C’est d’ailleurs un progrès considérable introduit par le traité de Lisbonne. Le Parlement a désormais le droit de vie ou de mort sur ce type d’accords. Avant, c’est le Conseil qui les validait à la suite de débats a minima.

Le traité précise ensuite que certains domaines peuvent être de la compétence exclusive de l’Union, cependant que d’autres relèvent d’une compétence partagée avec les États. Dans le second cas, le niveau de ratification est double. Ce sera très vraisemblablement le cas pour le TAFTA.

Retrouvez la deuxième partie de l’interview donnée par Emmanuel Maurel à Coralie Delaume - A retrouver sur L’arène nue, le bog de Coralie Delaume

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Les États seront donc consultés au sujet du TAFTA ? Les Parlements nationaux voteront-ils ?

Oui car le TAFTA est en principe conçu pour être un accord mixte, qui devra faire l’objet d’une double ratification. Ce n’est pas le cas de tous les accords, et les traités sont sur ce point quelque peu ambigus. Le Traité sur le fonctionnement de l’Union (TFUE) indique que c’est au Parlement européen de ratifier les accords de libre-échange. C’est d’ailleurs un progrès considérable introduit par le traité de Lisbonne. Le Parlement a désormais le droit de vie ou de mort sur ce type d’accords. Avant, c’est le Conseil qui les validait à la suite de débats a minima.

Le traité précise ensuite que certains domaines peuvent être de la compétence exclusive de l’Union, cependant que d’autres relèvent d’une compétence partagée avec les États. Dans le second cas, le niveau de ratification est double. Ce sera très vraisemblablement le cas pour le TAFTA.

N’est-ce pas également le cas pour le petit frère du TAFTA, l’accord de libre-échange avec le Canada appelé CETA ?

Première chose : il n’est pas sûr que le CETA soit le petit frère du TAFTA. Certains – le gouvernement français notamment – considèrent au contraire que c’est l’anti-TAFTA. Pour plusieurs raisons. Les Canadiens sont allés assez loin dans l’ouverture de leurs marchés publics. Ils reconnaissent une partie des indications géographiques européennes (AOP, AOC). Au titre du règlement des différends, ils ont accepté un mécanisme qui n’est pas l’ISDS mais l’ICS (Investment Court System). Il s’agit de cette autre forme de juridiction que j’évoquais tout à l’heure, qui se compose de véritables juges et non plus d’avocats d’affaire, et qui prévoit des possibilités de faire appel.

Cela dit, la logique de l’ICS demeure semblable à celle de l’ISDS : les investisseurs étrangers – contrairement aux investisseurs nationaux – sont en mesure de chercher réparation auprès d’un Tribunal ad hoc pour des décisions prises démocratiquement par des États souverains, dont les systèmes juridiques sont parfaitement fonctionnels. Il ne faut donc pas surestimer la rupture introduite par le nouveau système ICS. Une étude menée par une coalition d’ONG aboutit d’ailleurs à la conclusion qu’aucune de ces nouvelles dispositions n’aurait empêché Philip Morris de poursuivre l’Australie ou l’Uruguay pour leur politique de santé publique.

En somme, c’est loin d’être parfait et des zones d’ombre existent. Pour autant, il y a bien moins de débats et de mobilisation contre le CETA que contre le TAFTA. On peut d’ailleurs le regretter dans la mesure où la ratification du CETA par le Parlement européen doit intervenir dès la fin de l’année 2016….

Oui mais il n’est pas certain que les États-membres le ratifient. Il semble par exemple que la Belgique, notamment parce que la Wallonie s’y oppose, aura du mal à procéder à la ratification….

Oui, mais se pose alors une question. Y aura-t-il une mise application provisoire du traité avant la ratification par les Parlement nationaux ? Il faut savoir que les textes autorisent cela. Un accord ratifié par le Parlement et par le Conseil européens peut être appliqué provisoirement jusqu’à ce que tous les tous États aient achevé de se prononcer.

C’est d’ailleurs ce qui s’est produit avec l’accord UE-Ukraine. Les Pays-Bas ont organisé un référendum d’initiative populaire le 6 avril dernier. Le « non » l’a emporté à 60 %. Mais l’accord était déjà en application. On recherche donc à présent une manière juridiquement acceptable de montrer que la plupart des domaines couverts par l’accord relèvent de la compétence exclusive de l’Union, afin de pouvoir continuer à l’appliquer. Tout en essayant de prendre en compte…dans une certaine mesure le résultat du vote Hollandais….

Qui peut décider d’une éventuelle mise en application provisoire ?

La Commission émet une proposition, qui doit être validée par les États membres. Parmi les autres acteurs qui peuvent être amenés à trancher ce type de questions figure notamment la Cour de justice de l’Union (CJUE) qui, quoiqu’on en entende très peu parler, a toujours eu un rôle décisif dans la construction européenne, notamment dans l’élaboration de l’arsenal idéologique. Au cours des dix dernières années, c’est la Cour qui a donné l’impulsion essentielle quand aux évolutions de l’UE, en particulier sur les questions économiques et sociales.

Et au niveau du Parlement européen, comment cela se passe-t-il ?

Le CETA, c’est évident, n’y fait pas l’objet de la même émotion que le TAFTA. Pour de nombreuses raisons. C’est un accord de moindre envergure. Le Canada n’est pas un partenaire de la même importance que les États-Unis. Et dans le cas français, il existe, ce n’est un secret pour personne, une sympathie particulière pour le Canada. Enfin, les entreprises canadiennes sont moins impressionnantes que les mastodontes étasuniennes. Bref, en termes de taille critique, les deux projets d’accord n’ont rien à voir.

On gagnerait toutefois à être un peu prudent. Je suis en train de lire le CETA, qui représente tout de même 2000 pages rédigées en anglais. A titre personnel, je considère qu’il demeure des problèmes liés à cet accord. Selon moi, les clauses « cliquet » ou « statu quo » ne sont pas acceptables en l’état. Et je ne suis pas sûr du tout de voter ce texte.

Qui d’autre peut refuser de le voter ? Plus généralement, qui défend quoi au sein du Parlement européen ? Les clivages sont-il davantage saillants entre les différentes familles politiques ? Entre les différents pays ?

C’est très variable. Il existe en effet des clivages politiques et des clivages nationaux. Pour faire vite, la gauche non social-démocrate est généralement hostile aux traités de libre-échange. Pareil pour l’extrême-droite. Ceux-là voteront contre le CETA et, plus tard, contre le TAFTA. La gauche social-démocrate, elle, est traversée par un clivage. Dans certains pays – et là, on en revient aux grilles de lecture nationales – les sociaux-démocrates sont très favorables au livre-échange. C’est le cas notamment des Scandinaves ou des Néerlandais et, dans une certaine mesure, des Italiens ou des Anglais. A l’inverse, les Français ou les Belges, les Portugais ou les Grecs, par exemple, sont plus réticents.

Concernant les droites, elles sont également divisées. Une partie de la droite française est par exemple franchement hostile au TAFTA. L’ancien ministre Jean Arthuis est l’un des principaux opposants de droite à l’accord. Mais ça aussi, c’est une singularité nationale : la France a un rapport de défiance vis-à-vis du libre-échange.

Et l’Allemagne, que défend-elle ? Elle a un poids prépondérant au sein du Parlement européen…

Oui, incontestablement elle domine. Quant à ses prises de position, elles dépendent beaucoup des sujets. Sur le TAFTA, des manifestations monstre se sont tenues : 300 000 personnes à Berlin, 90 000 personnes à Hanovre il y a encore un mois. La société civile est très mobilisée. Quant au gouvernement allemand, il est ambigu, ne serait-ce que parce qu’il s’agit d’une grande coalition. Angela Merkel est plutôt favorable au TAFTA. Le SPD est divisé. Il est en tout cas hostile aux ISDS dont nous parlions tout à l’heure.

En tout état de cause, si l’on veut résumer de manière globale l’attitude du Parlement européen, je dirais qu’il penche globalement en faveur du CETA et en défaveur du TAFTA.

Outre le TAFTA et le CETA, une autre projet d’accord est en préparation, qui touche cette fois le commerce des services. Il s’agit du TISA (Trade in Services Agreement), en vue duquel les négociations ont débuté en 2013, mais dont on entend jamais parler. De quoi s’agit-il exactement ?

Auparavant, il existait des négociations qui se tenaient dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce. C’était le « cycle de Doha », débuté en 2001. Mais depuis lors, l’OMC est complètement bloquée, d’abord parce qu’elle compte tous les pays du monde, ensuite parce qu’un certains nombre de grands pays comme l’Inde, par exemple, se montrent très protectionnistes. Ils refusent d’entrer dans le cadre d’une approche multilatérale.

Face à ce blocage complet, une cinquantenaire de pays, les 28 de l’Union européenne et d’autres (États-Unis, Canada, Australie, Colombie, Mexique, Chili, Japon etc.), ont décidé d’avancer de leur côté sur la question des services. Ils ont expliqué leur démarche en affirmant qu’il n’existait plus d’accord sur les services depuis les années 1990, et que les choses avaient considérablement évolué depuis suite à la révolution numérique, l’explosion du e-commerce, etc.

Ces cinquante pays se sont autodésignés comme « les amis des services », et ont débuté des négociations sur la libéralisation de commerce des services…. dans une indifférence générale et une opacité complète. Au départ, ils se rencontraient en Suisse, dans les locaux de l’ambassade d’Australie, puis dans ceux de l’OMC. Le 26 mai a débuté le dix-huitième round de négociations.

Que recouvre exactement le domaine des services ?

C’est très vaste. Ce peut être les services à la personne, les services financiers, et même ceux apparentés à des services publics comme la santé ou l’éducation.

Chose préoccupante avec le TISA : nous, parlementaires européens, n’avons accès qu’à très peu de documents de négociation. On peut consulter des résumés de ce qui s’est dit pendant les réunions, et éventuellement l’ordre du jour. On sait donc que les choses avancent. Par ailleurs, grâce aux fuites WikiLeaks, on a pu connaître les positions des différentes parties, savoir ce sur quoi chaque État est prêt à négocier. On sait par exemple que la Turquie a proposé une vaste libéralisation du domaine des services hospitaliers. Ou que le Canada souhaite libéraliser certains services liés à l’environnement : égouts, assainissement, traitement des ordures ménagères.

Concrètement… ça signifie qu’une entreprise étrangère pourrait venir entretenir les égouts en France ?

Si ce domaine de négociation est retenu comme devant être effectivement discuté et s’il y a un accord à la fin, c’est en effet possible.

Mais en réalité, le véritable point dur avec le TISA réside dans les clauses « statu quo » et « cliquet », qui posent quant à elle des problèmes démocratiques considérables. S’il y a un enjeu à appréhender, c’est bien celui-ci. Ces clauses conduisent à affirmer ceci : si, au terme des négociations, on aboutit à la libéralisation d’un secteur, si un gouvernement arrive après dans l’un des gouvernements signataires et qu’il décide de revenir sur la libéralisation intervenue avant son arrivée au pouvoir, et bien…. il ne le peut pas ! Les négociations TISA prévoient une irréversibilité du processus de libéralisation. Cette demande provenant au départ de multinationales voulant s’assurer une sécurité de leurs investissements, est totalement contraire à l’esprit de la démocratie.

Mais comment peut-on empêcher, dans les faits, un gouvernement démocratiquement élu de dénoncer un traité signé par ses prédécesseurs ?

On le peut en prévoyant que si l’accord est dénoncé, les parties auront droit à réparation. En tout état de cause, le Parlement européen a voté une résolution il y a quelques semaines pour exprimer son refus de ces clauses, et sa volonté de protéger les services publics.

Mais la Commission européenne, dans un document qui n’est pas public mais qui est parvenu aux parlementaires, nous a expliqué qu’il était impossible de revenir sur le principe des clauses en question puisque toutes les parties qui négocient se sont engagées à les promouvoir.

C’est pourquoi je considère pour ma part que le TISA est une question explosive. En réalité, il est plus dangereux que le TAFTA, même si bien moins connu.

Je suppose que c’est la Commission européenne qui négocie au nom des 28. Comment les eurodéputés sont ils informés ?

C’est un problème que certains d’entre nous ont soulevé en 2014, immédiatement après les élections européennes. On s’est rendu compte assez vite, concernant le TAFTA à l’époque, qu’on n’avait accès à aucun document de négociation. On a littéralement dû harceler la Commission pour obtenir de la transparence au sujet d’un texte qu’on va pourtant nous demander de ratifier !

La première victoire que nous avons obtenue – avec l’aide de certaines ONG – a consisté à pouvoir consulter un certain nombre de documents dans des pièces sécurisées. Mais dans des conditions assez étranges, comme on peut le voir sur la vidéo ci-dessous, et avec interdiction de divulguer quoique ce soit. Le ministre Matthias Fekl lui-même, lorsqu’il voulait consulter certains documents, devait se rendre à l’ambassade américaine dans une sale sécurisée…

Depuis, à force de protestations et de reportages, nous, membres de la commission « commerce international » du Parlement européen, avons obtenu de pouvoir accéder à la plupart des documents via un système Intranet sécurisé. On ne peut pas les révéler mais on peut les lire. Ceci dit, une grande difficulté demeure. Je vous disais tout à l’heure que le CETA, l’accord avec le Canada, fait environ 2000 pages. Mais le TAFTA…. ce sont des milliers de pages rédigées dans un anglais ultra technique. Et sur des sujets dont certains nécessiteraient une expertise très poussée. Exemple parmi mille autres : à titre personnel, je ne connais strictement rien à la question des graisses industrielles. La vérité c’est que pour pouvoir travailler correctement, il faudrait que chaque eurodéputé dispose d’une batterie d’experts. L’accès aux documents, c’est déjà pas mal. Mais il faudrait un travail de fond colossal pour pouvoir se prononcer sérieusement sur ce traité.

On parle donc là d’une transparence accrue sur le TAFTA. Qu’en est-il du TISA ?

La transparence est bien moindre. Je sais au moins que les négociations avancent lentement, et qu’on aboutira sans doute à un accord a minima. Pour autant, il est regrettable que personne n’en parle. Cela tient au fait que tout le monde s’est focalisé sur le TAFTA et que le temps médiatique ne permet pas de courir plusieurs lièvres à la fois…. Je ne désespère pas que l’opinion s’y intéresse davantage au fur et à mesure que les négociations vont avancer.

De toute façon, au delà du TISA, au delà même du TAFTA, il existe un sujet plus urgent encore : le statut d’économie de la marché qui pourrait être octroyé à la Chine.

Encore un sujet mal connu. Quels sont les enjeux ?

C’est simple. En 2001, la Chine a adhéré à l’Organisation mondiale du commerce. Or son Protocole d’adhésion accorde à la Chine un statut dérogatoire qui lui donne 15 ans – si elle se réforme suffisamment – pour accéder au statut d’économie de marché. Pour y parvenir, il faut tout de même remplir cinq critères. Et si c’est le cas, on ne peut plus se voir opposer un certain nombre de mesures antidumping.

Depuis 15 ans, l’Europe n’a élaboré aucune stratégie. Alors que la Chine passe son temps à faire du dumping, à contrôler ses prix, à subventionner ses entreprises, à bloquer l’accès des entreprises étrangères à ses marchés.

Ce sont en sommes les protectionnistes les plus performants du monde…

Ils le sont, oui. Et comme très peu de pays se protègent autant, ils n’hésitent pas à inonder les marchés étrangers de leurs produits. Or si l’on ne fait rien, d’ici la fin de l’année, plus aucune barrière antidumping ne pourra leur être opposée. Là, ce sont des millions d’emplois industriels qui sont menacés en Europe à court terme. J’insiste : des millions d’emplois.

On parlait tout à l’heure des panneaux photovoltaïques mais on peut évoquer aussi l’exemple de l’acier. La Chine possède dans ce domaine des excédents considérables. Elle vend donc son acier deux fois moins cher que l’acier européen. Évidemment, sans réaction de notre part, l’acier européen est condamné d’ici la fin de l’année. Les États-Unis ou le Canada sont très fermes par rapport à la Chine. L’Union européenne, comme à son habitude, tergiverse et agit peu. La Commission n’a pris à ce jour aucune position sur la question. Certains – Juncker, Moscovici – ont vu le danger. En revanche les commissaires d’Europe du Nord sont furieusement libre-échangistes et ne veulent pas lever le petit doigt. Certains usent de cet argument étourdissant : « accorder le statut d’économie de marché à la Chine, c’est la meilleure garantie pour qu’elle se réforme »…..

Au Conseil, beaucoup de pays sont conscients qu’on est là face à un vrai risque mais d’après mes informations, aucun pays ne veut prendre position publiquement par crainte des représailles commerciales chinoises. Silence radio, donc. Mais au prix de la mort programmée de pans entiers de l’industrie européenne.

Il faudrait donc une mobilisation européenne de très grande ampleur. Pour l’instant, c’est le cas seulement en Italie. Pas du tout en France en revanche. A Parlement européen, Édouard Martin et moi-même sommes parvenus à faire voter une résolution très ferme, mais qui ne fait pas spécialement réagir les États membres.

Quid des Allemands ? On a vu que leur société civile était très mobilisée contre le TAFTA….

Ce n’est pas le cas sur la Chine. L’Allemagne est très prudente en ce domaine car elle échange beaucoup avec ce pays. Elle considère qu’elle peut sans doute y gagner encore des parts de marché pour ses industries de pointe.
Un dernier point que je souhaite évoquer et qui n’est pas sans lien avec la question chinoise : se tient actuellement au Conseil une réflexion sur « la modernisation des instruments de défense commerciale ». Il s’agit de réfléchir à la manière dont on pourrait, à l’instar des américains, raccourcir le délai des enquêtes sur les pratiques de dumping ou durcir les sanctions. Là, on est parvenu – et le gouvernement français y est pour beaucoup – à un texte commun France-Allemagne. On se heurte toutefois à une opposition très ferme du Royaume-Uni, des Pays-Bas ou des pays de l’Est. Une bataille essentielle se joue là, et on en verra le résultat dans six mois.

Au bout du compte, toutes ces questions de commerce international sont très révélatrices de ce qu’est l’Europe, des rapports de force qui y règnent, de la manière dont elle se construit…

Absolument. La question posée par ces dossiers est celle de savoir si l’Europe est en capacité de se défendre, et surtout… si elle le veut. Et si elle veut se doter d’une véritable politique commerciale, qui permette l’échange mais également la protection de savoir-faire, d’industries, de travailleurs ou de consommateurs.

Si elle renonce à cela, elle demeurera une vaste zone de libre échange complètement dépolitisée, et deviendra assez vite l’idiote du village planétaire. Pour l’heure, alors tous les autres pays se protègent et font preuve de pragmatisme, seule l’UE demeure aveuglée par l’idéologie. Cela tient à la prévalence des vues de certains pays historiquement libre-échangistes, mais aussi au défaut de volonté politique des pays qui ont encore une industrie à protéger : Italie, France, Allemagne.

Les réponses apportées à la problématique commerciale induisent toute une conception de l’Europe, et je pense qu’il est temps que les grands États se décident enfin à indiquer une direction : celle d’une politique commerciale volontariste. D’ailleurs, la mobilisation de l’opinion y aiderait.

Coralie Delaume, essayiste et journaliste, animatrice du blog "l'arène nue"

Coralie Delaume, essayiste et journaliste, animatrice du blog "l'arène nue"

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14 juin 2016 2 14 /06 /juin /2016 15:19

Les 26 mai et 9 juin 2016, la Haute Autorité Ethique du Parti Socialiste (HAE) s'est réunie pour délibérer à la demande du Premier secrétaire du PS, suite à la tentative de dépôt d'une motion de censure de gauche par une vingtaine de députés socialistes après le recours par le gouvernement à l'article 49 alinéa 3 de la constitution pour faire adopter sans vote le projet de loi El Khomri.

Les résultats de la délibérations que vous pourrez lire en détail plus bas sont particulièrement alambiqués, mais contrairement à ce qu'en a raconté la presse, ils ne sont pas défavorables aux députés concernés.

En effet, la HAE indique qu'elle n'a reçu aucune réponse aux demandes d’informations complémentaires qu'elle avait formulées, relatives aux conditions d’adoption de la position du Parti socialiste, qui ont été adressées le 26 mai, d’une part, au Premier Secrétaire pour ce qui concerne le vote en bureau du Parti socialiste, et, d’autre part, à la Secrétaire générale du groupe SRC à l’Assemblée Nationale, Madame Pascale Charlotte, pour ce qui concerne la réunion, le 10 mai, du groupe SRC à l’Assemblée nationale lors du vote interne relatif au projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s (ci-après « loi Travail »). Il y a donc eu volonté de la direction du PS et du groupe parlementaire de ne surtout pas répondre à des demandes car celles-ci leur auraient été défavorables.

Par ailleurs, la HAE rappelle qu'elle n’est dotée d’aucun pouvoir juridictionnel ni même disciplinaire, qu’elle n’est pas davantage habilitée à prononcer de sanctions.

Selon elle, cette tentative de dépôt d’une motion de censure doit s’interpréter comme un acte symbolique dont la mesure de la portée politique n’appartient pas à la HAE.

Elle rappellent que les députés mis en cause en appellent à leur éthique de conviction en faisant valoir, notamment, que, d’une part, aucune délibération collective ne peut leur être opposée, la réunion du groupe SRC le 10 mai n’ayant été précédée d’aucun ordre du jour, de sorte que seuls 84 des 290 membres du groupe ont pris part au vote ; que, d’autre part, le projet de loi n’a fait l’objet d’aucun vote par le bureau du Parti socialiste ; qu’enfin, la disposition du projet de loi Travail qui a principalement motivé la tentative de dépôt de motion de censure, à savoir l’article 2, est contraire au texte de la motion majoritaire adoptée au Congrès de Poitiers en juin 2015. Or n’ayant jamais reçu de la part du groupe et de la direction du PS les réponses aux questions complémentaires qu'elle leur avait adressé (normal ils ne pouvaient pas argumenter du contraire), la HAE n'avait donc d’autre choix que de s’en tenir à la version relatée dans les courriers des députés mis en cause.

La HAE rappelle sa préoccupaton majeure concernant l’éthique de délibération, seule à même d’être valablement opposée à ceux qui n’adhèrent pas à la décision prise ; elle considère donc que cette éthique de délibération n'a pas été respectée par le groupe parlementaire et la direction du PS : "les conditions dans lesquelles le groupe SRC a délibéré sur le projet de loi Travail ne sont pas étrangères aux dysfonctionnements qui ont suivi (...) ; il conviendrait donc que des mesures soient prises pour que les délibérations puissent à l’avenir se dérouler dans de meilleures conditions."

La Haute Autorité Ethique formule donc l'avis suivant :
1°/ La liberté de vote des parlementaires, qui est au fondement du système représentatif et de la séparation des pouvoirs, doit être préservée ;
2°/ La signature d’une motion de censure à l’initiative de députés du groupe majoritaire est un acte politique contraire au principe de solidarité et à la règle de l’unité de vote énoncés à l’article 5.4.3 des statuts du Parti socialiste. Il appartient éventuellement aux instances compétentes prévues à l’article 4.3.2 des statuts d’en tirer les conséquences qu’elles estiment utiles ;
3°/ La tentative de motion de censure ne doit pas être considérée comme une motion de censure.

La Haute Autorité Ethique recommande que :
4°/ Les conditions de la délibération collective au sein des différents organes du Parti socialiste soient améliorées pour permettre l’élaboration d’une position incontestable et éviter que de tels problèmes surgissent à nouveau, notamment grâce à la fixation d’un ordre du jour plus précis.

* * *

L'avis de la HAE

Avis de la Haute Autorité Ethique

Vu la Constitution de la République française, notamment ses articles 27 et 49 ;

Vu les statuts du Parti socialiste et le règlement intérieur du Parti socialiste ;

Vu la lettre en date du 12 mai 2016 du Premier secrétaire du Parti socialiste Jean-Christophe Cambadelis adressée à la Haute Autorité Ethique par laquelle, conformément à l’article 6.6 des statuts, il demande à celle-ci, dont il rappelle qu’elle est « garante de l’éthique des socialistes », d’« éclairer par son avis le Conseil national » à propos de la tentative de dépôt d’une motion de censure le 11 mai par 25 députés membres du Parti socialiste ;

Vu la tenue d’un Conseil national le 18 juin prochain ;

Vu les demandes d’explications sollicitées par la Haute Autorité Ethique par courrier individuel adressé le 18 mai aux 25 députés mis en cause ;

Vu les trois lettres en réponse, respectivement datées des 19 mai pour les députés Alexis Bachelay et Yann Galut, 23 mai pour la députée Isabelle Bruneau et 23 mai aussi, par lettre commune, pour les autres députés ;

Vu l’absence de réponse donnée aux demandes d’informations complémentaires formulées par la Haute Autorité Ethique relatives aux conditions d’adoption de la position du Parti socialiste, qui ont été adressées le 26 mai, d’une part, au Premier Secrétaire pour ce qui concerne le vote en bureau du Parti socialiste, et, d’autre part, à la Secrétaire générale du groupe SRC à l’Assemblée Nationale, Madame Pascale Charlotte, pour ce qui concerne la réunion, le 10 mai, du groupe SRC à l’Assemblée nationale lors du vote interne relatif au projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s (ci-après « loi Travail ») ;

La Haute Autorité Ethique ayant délibéré les 26 mai et 9 juin 2016 ;

Considérant qu’il convient, à titre liminaire, de rappeler que la Haute Autorité Ethique n’est dotée d’aucun pouvoir juridictionnel ni même disciplinaire, qu’elle n’est pas davantage habilitée à prononcer de sanctions ;

Considérant qu’il entre dans les missions de la Haute Autorité Ethique de formuler des avis ou des recommandations sur la régularité des procédures et l’éthique des règles de fonctionnement observées par les instances comme par les membres du Parti socialiste et que c’est d’ailleurs bien à ce titre qu’elle a été saisie par le Premier secrétaire du Parti socialiste ;

Considérant que la question dont la Haute Autorité Ethique est saisie relève d’une articulation entre éthique de conviction et éthique de responsabilité, et qu’à ce titre elle se déclare compétente ;

Considérant que, au titre de la première, les parlementaires agissent suivant leurs convictions personnelles ; qu’au titre de la seconde, les parlementaires doivent se soumettre aux consignes du Parti auquel ils ont librement choisi de s’affilier ;

Considérant que la contestation dont la Haute Autorité Ethique est saisie relève aussi d’une articulation entre le principe du mandat représentatif et le principe de solidarité interne au groupe SRC, et plus précisément du rapprochement du principe de valeur constitutionnelle de la liberté de vote des parlementaires avec les principes fixés aux articles 5.4.1 et 5.4.3 des statuts du Parti socialiste relatifs à l’unité de vote au sein du groupe socialiste et à la solidarité entre les membres dudit groupe ;

Considérant que la liberté fondamentale de vote des parlementaires, qui est au fondement du système représentatif et de la séparation des pouvoirs, s’accomplit non seulement dans l’exercice de la compétence législative mais également dans celui de la compétence de contrôle du pouvoir exécutif ;

Considérant que, si le principe de liberté de vote ne saurait être entravé, un manquement au principe de solidarité peut légitimement se voir reprocher aux parlementaires par les organes compétents du Parti socialiste ;

Considérant que le dépôt d’une motion de censure, loin d’être un acte anodin, est au contraire, dans l’échelle des actes parlementaires, l’un des plus graves ;

Considérant qu’il ne s’agit pas d’un vote favorable ou défavorable à un projet ou à une proposition de loi, mais bien d’une volonté de renverser un gouvernement ;

Considérant que, selon la Constitution, une motion de censure est notamment possible lorsqu’un gouvernement choisit la procédure prévue à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution pour faire adopter une loi ; qu’elle n’est recevable que si elle est signée par un dixième au moins des membres de l’Assemblée nationale ;

Considérant que, traditionnellement et par nature, la motion de censure est donc en principe déposée par l’opposition ;

Considérant que, en l’espèce, et de manière inédite, ce sont des députés du groupe majoritaire à qui il est reproché d’avoir pris l’initiative de vouloir déposer une motion de

censure ;

Considérant qu’il y a là un manquement évident au principe de solidarité sus-évoqué ;

Considérant cependant que la Haute Autorité Ethique relève que la tentative de dépôt d’une motion de censure a avorté, faute d’avoir réuni un nombre suffisant de signatures pour être déposée puisqu’elle n’a recueilli que 56 signatures sur les 58 requises et n’a pu être mise aux voix ;

Considérant en outre que, quand bien même elle aurait réuni ce nombre minimum suffisant, elle n’avait en pratique aucune chance d’aboutir pour la raison que, d’une part, ces députés avaient bien précisé qu’ils ne mêleraient pas leur voix à celles de l’opposition et que, d’autre part, même si l’opposition les avait rejoints, et à supposer qu’aucune des voix de l’opposition n’ait manqué, cela n’aurait pas suffi à obtenir la majorité absolue requise pour renverser le gouvernement, sauf à rallier d’autres députés de gauche ;

Considérant donc que cette tentative de dépôt d’une motion de censure doit s’interpréter comme un acte symbolique dont la mesure de la portée politique n’appartient pas à la Haute Autorité Ethique ;

Considérant que, dans leurs explications, les députés mis en cause en appellent à leur éthique de conviction en faisant valoir, notamment, que, d’une part, aucune délibération collective ne peut leur être opposée, la réunion du groupe SRC le 10 mai n’ayant été précédée d’aucun ordre du jour, de sorte que seuls 84 des 290 membres dudit groupe ont pris part au vote ; que, d’autre part, le projet de loi n’a fait l’objet d’aucun vote par le bureau du Parti socialiste ; qu’enfin, la disposition du projet de loi Travail qui a principalement motivé la tentative de dépôt de motion de censure, à savoir l’article 2, est contraire au texte de la motion majoritaire adoptée au Congrès de Poitiers en juin 2015 ;

Considérant que, faute de réponse apportée à ses demandes d’informations, il n’a pas été possible à la Haute Autorité Ethique de reconstituer de manière contradictoire les conditions de déroulement du vote au sein du groupe SRC du 10 mai, celle-ci n’ayant donc d’autre choix que de s’en tenir à la version relatée dans les courriers des députés mis en cause ;

Considérant que, conformément à ses avis antérieurs, la Haute Autorité Ethique est particulièrement attentive à l’éthique de délibération, seule à même d’être valablement opposée à ceux qui n’adhèrent pas à la décision prise ;

Considérant par conséquent que les conditions dans lesquelles le groupe SRC a délibéré sur le projet de loi Travail ne sont pas étrangères aux dysfonctionnements qui ont suivi ;

Considérant toutefois que cette explication est à relativiser car la signature d’une motion de censure contre un gouvernement issu de sa propre majorité n’exige pas qu’une délibération préalable ait rappelé qu’elle était un acte hostile à ce gouvernement ;

Considérant qu’il conviendrait donc que des mesures soient prises pour que les délibérations puissent à l’avenir se dérouler dans de meilleures conditions.

En conséquence, à l’unanimité moins deux abstentions, la Haute Autorité Ethique

est d’avis que :

1°/ La liberté de vote des parlementaires, qui est au fondement du système représentatif et de la séparation des pouvoirs, doit être préservée ;

2°/ La signature d’une motion de censure à l’initiative de députés du groupe majoritaire est un acte politique contraire au principe de solidarité et à la règle de l’unité de vote énoncés à l’article 5.4.3 des statuts du Parti socialiste. Il appartient éventuellement aux instances compétentes prévues à l’article 4.3.2 des statuts d’en tirer les conséquences qu’elles estiment utiles ;

3°/ La tentative de motion de censure ne doit pas être considérée comme une motion de censure.

La Haute Autorité Ethique recommande que :

4°/ Les conditions de la délibération collective au sein des différents organes du Parti socialiste soient améliorées pour permettre l’élaboration d’une position incontestable et éviter que de tels problèmes surgissent à nouveau, notamment grâce à la fixation d’un ordre du jour plus précis.

A Paris, le 13 juin 2016,

Retour sur la décision de la Haute Autorité Ethique du Parti Socialiste concernant la motion de censure de gauche
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13 juin 2016 1 13 /06 /juin /2016 13:04

ElKhomri2Le projet de loi porté par Myriam El Khomri, ministre du travail et du dialogue social, commencera à être examiné en séance au Sénat lundi 13 juin 2016 à partir de 16h.

Les sénateurs débattront durant plus de 10 jours, c'est l'occasion de proposer les moyens de sortir de l'impasse dans lequel le gouvernement a plongé le pays en présentant une loi qui implique de graves reculs pour les droits des salariés, sans que les points positifs qui y figurent (Compte personnalisé d'activité, droit à la déconnexion, lutte contre le travail détaché illégal) ne puissent en rien compenser et justifier ces régressions.

Le débat au sénat se fera dans un cadre particulier, puisque la droite sénatoriale a - en commission des affaires sociales, le mercredi 1er juin - profondément modifié le texte qui lui avait été transmis par le gouvernement (celui réputé adopté après le recours au 49.3). Non seulement la majorité sénatoriale a réintroduit dans le projet de loi des mesures qui figuraient dans l'avant projet de loi (limitation de l'appréciation des licenciements au périmètre national, référendum d'entreprise à l'initiative du patronat, etc.), mais elle a également introduit d'autres dispositions rétrogrades comme celle de laisser à la négociation d'entreprise la définition de la durée hebdomadaire de référence du temps de travail, en fixant cette durée par défaut (en l'absence d'accord) à 39 heures, donc mettant ainsi fin aux 35 heures.

Les sénateurs socialistes vont donc pour l'essentiel s'attacher à revenir sur le texte et dénoncer des régressions supplémentaires. Cependant, chacun sait que le projet de loi en lui-même, sans même avoir été dévoyé par la droite sénatoriale, est contestable sur ses points essentiels, générant ainsi légitimement un conflit social durable dans le pays.

Puisque l’objectif de la loi est de consolider la démocratie sociale, il serait nécessaire de retirer de cette loi les articles les plus contestés et de les renvoyer les à la négociation entre partenaires sociaux. C'est cette logique que Marie-Noëlle Lienemann compte proposer dans les débats du sénat et qui l'a amené à présenter et cosigner une cinquantaine d'amendements avec plusieurs de ses collègues sénatrices et sénateurs socialistes.

Parmi les points les plus cruciaux, et sans doute ceux qui devraient à coup sûr être soumis à une négociation sociale approfondie, se trouvent des articles dont nous proposons la suppression :  l’ article 2 (qui engage une  inversion  hiérarchies des normes), l’article  11 (possibilité de modifier le contrat de travail des salariés, de leur demander des efforts supplémentaires  au motif du développement l’activité de l’entreprise), l'article 30 (facilitation des licenciements économiques qui peuvent avoir lieu en cas de simple baisse des commandes ou du chiffre d’affaire , et ce sur un temps réduit) ; l'article 41 (permet de modifier le contrat de travail d'un salarié suite au transfert de la propriété de l'entreprise, en contradiction avec la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne - mesure dénoncée par TOUS les syndicats) ; et à l’article 10, il est proposé la suppression du référendum convoqué par des syndicats représentants une minorité des salariés ou par le patron sur l’adoption d’un accord qui est rejeté par des syndicats représentants la majorité de ceux-ci.

Les sénateurs socialistes, proches de nos analyses, feront un travail de conviction pour tenter de faire entendre ces arguments de raison à leurs collègues socialistes ; cependant, la plupart d'entre eux suivront l'avis du gouvernement. Malgré ce constat politique, le groupe socialiste & républicain du sénat a souhaité reprendre et soutenir plusieurs amendements proposés par Marie-Noëlle Lienemann et ses amis :

  • article 2 - alinéa 38 : assurer un préavis de 15 jours pour la définition des astreintes ;
  • article 7 - alinéa 22 : garantir aux salariés la pérennité d’une couverture conventionnelle, tout en s’inscrivant dans une perspective de nouvelle négociation en vue de la conclusion d’une nouvelle convention ou d’un nouvel accord ;
  • article 7 - suppression de l'alinéa 34 : empêcher qu'un signataire d'un accord d'entreprise (en l'occurrence le patronat) puisse interdire la publication de cet accord ;
  • article 18 - suppression des alinéas 1 à 3 : ne pas faire supporter aux Comités d'entreprise le coût de la formation des délégués du personnel ;
  • article 25 - après alinéa 4 : associer les Comités d'entreprise et les CHSCT à l'élaboration de la charte d'utilisation des outils numériques (droit à la déconnexion) ;
  • article 44 - alinéa 58 : renforcer le droit d'alerte du médecin du travail...

Vous trouverez ci-dessous la totalité des amendements évoqués dans cette note.

Amendements au PjL El Khomri déposés et cosignés par M.-N. Lienemann

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1 juin 2016 3 01 /06 /juin /2016 17:09

Le 26 mai 2016, l’Assemblée nationale examinait une proposition de loi du député Charroux (PCF) visant à encadrer les rémunérations dans les entreprises. Gérard Sebaoun est intervenu en discussion générale du texte au sujet de la rémunération des dirigeants d’entreprises :


Encadrement des rémunérations des dirigeants d... par gerardsebaoun

Gérard Sebaoun a déposé et défendu 6 amendements dans l’hémicycle dont 3 ont été adoptés. Ils concernent :

  • la suppression de la décote de 20 % sur le prix d’attribution des stock-options aux dirigeants, devenues des instruments de rémunération différée au détriment de leur objet initial, qui était de motiver les cadres dirigeants à assurer le succès de leur entreprise.
  • le lissage des prix d’attribution des stock-options, par un calcul portant sur le cours moyen observé sur une période de 130 séances de bourse (environ six mois) au lieu de vingt (moins d’un mois)
  • l’interdiction d’une part de l’attribution de stock-options et d’autre part l’attribution gratuite d’actions aux dirigeants de sociétés dès lors que ces dernières bénéficient des aides publiques précitées. Cette disposition vise à éviter que les dirigeants de société bénéficient indirectement des résultats positifs de l’intervention publique.

La proposition de loi Charroux a été adoptée en première lecture le 26 mai et est actuellement transmise au Sénat.

Gérard Sebaoun, député socialiste, en séance le 26 mai 2016

Gérard Sebaoun, député socialiste, en séance le 26 mai 2016

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