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12 mars 2020 4 12 /03 /mars /2020 09:12
LE CORONAVIRUS ET LA BATAILLE CULTURELLE

Les places financières mondiales se sont effondrées en ce début mars. Une telle violence des baisses d’indices, de l’ordre de 20% en quelques séances, n’avait plus été observée depuis le krach de 2008. Plusieurs facteurs se sont conjugués pour aboutir à ce désastre : des anticipations de croissance moroses, l’arrêt de l’activité en Chine pour cause de coronavirus et un vif désaccord entre Saoudiens et Russes sur la production de pétrole.

Chronologiquement, c’est ce dernier facteur qui a précipité la chute. L’Arabie Saoudite était plutôt encline à réduire la production et soutenir ainsi les cours du baril. La Russie se disait pour sa part qu’un baril durablement sous les 40 dollars pourrait détruire l’industrie américaine du pétrole de schiste (dont le seuil de rentabilité se situe au-delà des 50 dollars). C’est le point de vue de cette dernière qui a finalement prévalu. Mais les cours du pétrole étaient déjà bas, reflétant la faiblesse de l’économie réelle, dès avant l’impact du coronavirus. La gestion de la maladie par la Chine n’a fait qu’aggraver une situation latente de surproduction – et donc de survalorisation des cours de bourse.

A présent, on ne peut que redouter les effets dévastateurs de la crise financière sur la sphère productive. Les banques vont essuyer des pertes colossales et réduire encore davantage l’accès des entreprises au crédit (investissements et surtout trésorerie). De l’autre côté, le coronavirus entraîne non seulement des ruptures d’approvisionnement mais aussi des reports voire des annulations pures et simples d’événements, de transports, de voyages touristiques et professionnels, etc. Ce premier trimestre 2020 subit donc à la fois un choc d’offre et un choc de demande. Tout (en tout cas beaucoup) dépend maintenant de la vitesse de récupération de la Chine, atelier du monde.

Si l’Empire du Milieu se remet en marche d’ici quelques semaines, peut-être que l’économie repartira. Mais ça n’est qu’un « peut-être » car pour de très nombreuses entreprises et secteurs d’activité, « quelques semaines » veut dire une éternité. Faute de clients, de pièces détachées et de crédit, des milliers d’entreprises pourraient avoir entretemps déposé leur bilan.

Mis à part les mesures conjoncturelles que prendront les gouvernements pour atténuer ces chocs (inondation de liquidités sur les marchés, dégrèvements fiscaux et sociaux, voire même des relances budgétaires), la grande question que pose évidemment cette crise est celle de notre dépendance matérielle à la Chine. La consommation mondiale et notamment occidentale, s’appuie sur une production dont la chaîne de valeur remonte presque toujours 

là-bas. Hormis quelques niches de type armement ou centrales nucléaires, toute notre industrie contient du Made in China. Si la Chine s’effondre, nous ne pouvons plus produire de voitures, d’avions, d’appareils électroniques, de machines, de médicaments, ni même de vêtements ou de maisons.

C’est si vrai que l’effet le plus catalyseur, intellectuellement, du coronavirus a été de convertir des amoureux de la mondialisation heureuse comme Thierry Breton ou Bruno Le Maire aux vertus de la souveraineté économique. C’est à peine s’il faut se pincer, pour être sûrs de bien les entendre expliquer aujourd’hui le contraire de ce qu’ils nous infligeaient hier. Ils prononcent le mot « relocalisation ». Ils ne font plus des sauts de dix mètres sur leur chaise lorsqu’on leur suggère que le concept de « démondialisation » n’est pas si stupide, ni soviétique, ni vénézuélien que tous les idéologues néolibéraux nous l’enseignaient jusqu’il y a deux mois. On commence à se dire que passer des accords de libre-échange avec l’Australie pour lui acheter du bœuf ou la Nouvelle-Zélande pour lui acheter du lait, n’est pas forcément d’une rationalité économique évidente.

Même l’Union européenne bruisse de ces réflexions sacrilèges – lesquelles ne sont certes pas encore parvenues au cerveau du Commissaire au Commerce international (ce qui s’explique sans doute par la lenteur des influx nerveux chez les dinosaures). Même l’Allemagne (!!!!) convient que la règle d’or budgétaire est un peu trop rigide.

Nous assistons donc aux prémices d’une victoire culturelle. Les faits nous donnent raison. La tension extrême dans laquelle se déploient les flux économiques et financiers mondiaux est en train de se rompre, nous laissant momentanément à poil, et honteux – par exemple de devoir compter sur la Chine pour fournir l’Italie en appareils de réanimation médicale, ou Sanofi en principes actifs médicamenteux.

Tout cela, toutes ces innombrables choses qui nous permettent de vivre dans un confort à peine imaginable pour les humains d’il y a un siècle et demi, nous pouvons le produire nous-mêmes, chez nous. Sans supprimer la mondialisation, nous pouvons et nous devons rapatrier des industries et les compétences, les savoir-faire et les salaires qui vont avec. Le coronavirus vient de nous montrer que la démondialisation n’est pas qu’une question idéologique, ni même principalement sociale; c’est une question de survie.

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17 mai 2018 4 17 /05 /mai /2018 12:49
Luiz Inacio Lula da Silva, le 16 janvier lors d'un débat public dans un théâtre de Rio de Janeiro. Photo Mauro Pimentel. AFP

Luiz Inacio Lula da Silva, le 16 janvier lors d'un débat public dans un théâtre de Rio de Janeiro. Photo Mauro Pimentel. AFP

Libération — Par Un collectif de personnalités politiques — 

 

A quelques mois des élections présidentielles brésiliennes, des parlementaires dénoncent le «simulacre de procès» et «l'incarcération arbitraire» dont est victime l'ancien président, qui représente pourtant une alternative sérieuse dans un pays en crise.

 

Nous, élus de diverses sensibilités politiques, sommes particulièrement inquiets de l’incarcération arbitraire de l’ancien président du Brésil Luiz Inácio Lula da Silva, emprisonné depuis le 7 avril dans la ville de Curitiba, Etat du Parana.

Après le coup d’Etat institutionnel contre Dilma Rousseff en 2016, l’emprisonnement sans preuves de Lula ne peut laisser aucun démocrate indifférent. Qu’en est-il du respect de l’état de droit au Brésil ?

Alors que les élections présidentielles doivent se tenir en octobre, Lula représente une alternative pour de nombreuses Brésiliennes et de nombreux Brésiliens face à la crise que traverse actuellement le pays, il est gênant pour ceux qui se sont emparés du pouvoir et qui ne comptent pas s’en départir.

Le simulacre de procès qui lui a été fait a également révélé la partialité d’une partie du ministère Public et du pouvoir judiciaire brésilien. Celui-ci s’est déroulé avec l’appui des grands médias et d’une partie de l’armée, qui en a profité pour s’immiscer dans les affaires politiques et judiciaires en cours. Ceci est très préoccupant dans un pays encore marqué par les stigmates de la dictature militaire de 1964-1985.

Cet emprisonnement a lieu dans un contexte politique et social particulièrement tendu au Brésil, avec pour point d’orgue l’assassinat de la conseillère municipale de Rio de Janeiro Marielle Franco le 14 mars et alors que le Brésil connaît une escalade de violence, des favelas au monde politique. Le 27 mars, la caravane de l’ex-président Lula a ainsi été visée par des tirs lors de son passage dans le sud du pays.

Nulle opposition politique ne saurait justifier le déni démocratique qui règne aujourd’hui au Brésil. Nul processus judiciaire ne doit être utilisé à des fins politiques, afin de réduire au silence un leader charismatique et embarrassant. Si la lutte contre la corruption est légitime et essentielle, elle ne doit pas être menée au détriment de la présomption d’innocence et du respect de la Constitution. C’est pourquoi, nous appelons les démocrates du monde entier à réagir et nous nous associons à toutes les forces politiques, syndicales et sociales, ainsi qu’à toutes les Brésiliennes et tous les Brésiliens qui s’opposent à l’incarcération arbitraire de l’ancien président Lula.

  • Laurence Cohen, Sénatrice (CRCE) du Val-de-Marne
  • Martina Anderson, Députée européenne, Sinn Féin, Irlande
  • Eliane Assassi, Sénatrice (CRCE) de Seine Saint-Denis, Présidente du groupe CRCE
  • Clémentine Autain, Députée (FI) de Seine Saint-Denis
  • Esther Benbassa, Sénatrice EELV de Paris
  • Ugo Bernalicis, Député (FI) du Nord
  • Eric Bocquet, Sénateur (CRCE) du Nord
  • Lynn Boylan, Députée européenne, Sinn Féin, Irlande
  • Alain Bruneel, Député (GDR) du Nord
  • Matt Carthy, Député Européen, Sinn Féin, Irlande
  • Luc Carvounas, Député (PS) du Val-de-Marne
  • André Chassaigne, Député (GDR) du Puy-de-Dôme, Président du Groupe GDR
  • Pierre-Yves Collombat, Sénateur (CRCE) du Var
  • Eric Coquerel, Député (FI) de Seine Saint-Denis
  • Nikos Chountis, Député Européen, Unité Populaire, Grèce
  • Javier Couso Permuy, Député européen, Izquierda Unida, Espagne
  • Cécile Cukierman, Sénatrice (CRCE) de la Loire
  • Pierre Dharréville, Député (GDR) des Bouches-du-Rhône
  • Caroline Fiat, Députée (FI) de Meurthe-et-Moselle
  • Elsa Faucillon, Députée (GDR) des Hauts-de-Seine
  • Eleonora Forenza, Députée européenne, Altra Europa con Tsipras, Italie
  • Fabien Gay, Sénateur (CRCE) de Seine Saint-Denis
  • Guillaume Gontard, Sénateur (CRCE) de l’Isère
  • Tania Gonzalez Peñas, Députée européenne, Podemos, Espagne
  • Michelle Gréaume, Sénatrice (CRCE) du Nord
  • Patrice Joly, Sénateur (PS) de la Nièvre
  • Michel Larive, Député (FI) de l’Ariège
  • Joël Labbé, Sénateur (RDSE) du Morbihan
  • Pierre Laurent, Sénateur (CRCE) de Paris, Secrétaire Nationale du PCF
  • Jean-Paul Lecoq, Député (GDR) de Seine-Maritime
  • Patrick Le Hyaric, Député européen PCF-Front de Gauche
  • Serge Letchimy, Député (PPM) de Martinique
  • Marie-Noëlle Lienneman, Sénatrice (PS) de Paris
  • Paloma Lopez Bermejo, Députée européenne Izquierda Unida, Espagne
  • Edouard Martin, Député Européen PS
  • Emmanuel Maurel, Députée Européen PS
  • Luke Ming Flanagan, Député européen, Indépendant, Irlande
  • Liadh Ní Riada, Députée européenne, Sinn Féin, Irlande
  • Danièle Obono, Députée (FI) de Paris
  • Pierre Ouzoulias, Sénateur (CRCE) des Hauts-de-Seine
  • Stéphane Peu, Député (GDR) de Seine Saint-Denis
  • Joao Pimenta Lopes, Député européen, PCP, Portugal
  • Loïc Prud’Homme, Député (FI) de Gironde
  • Christine Prunaud, Sénatrice (CRCE) des Côtes d’Armor
  • Adrien Quatennens, Député (FI) du Nord
  • François Ruffin, Député (FI) de la Somme
  • Pascal Savoldelli, Sénateur (CRCE) du Val-de-Marne
  • Neoklis Sylikiotis, Député Européen, AKEL, Chypre
  • Estefanía Torres Martinez, Députée européenne, Podemos, Espagne
  • Marie-Christine Vergiat, Députée européenne, Front de Gauche
  • Marie-Pierre Vieu, Députée européenne PCF-Front de Gauche
  • Dominique Watrin, Sénateur (CRCE) du Pas-de-Calais

liste complète des signataires : https://liberezlula.org/2018/05/lula-une-situation-alarmante-au-bresil/

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9 novembre 2016 3 09 /11 /novembre /2016 14:00
Donald Trump, président élu le 8 novembre 2016

Donald Trump, président élu le 8 novembre 2016

A chaud, donc forcément partiel et partial.

1) Le résultat est effarant, mais pas étonnant. Il faudrait être aveugle pour ne pas constater que nous sommes face à un mouvement de fond, qui touche, peu ou prou, toutes les démocraties occidentales. Un mouvement qui prospère sur l'incapacité avérée des dirigeants à protéger le plus grand nombre (économiquement, socialement, etc...)

2) Le point commun, c'est le rejet de la mondialisation, dans toutes ses dimensions. Trump, candidat "attrape-tout" par excellence, se contredit souvent, ou plutôt change de discours en fonction de chaque Etat, sauf sur deux points, toujours ressassés : l'immigration illégale et le libre-échange. Les effets désastreux de l'ALENA (l'accord de libre échange entre le Canada, les États Unis et le Mexique) ont sûrement joué un rôle bien plus important qu'on ne l'imagine.

3) il faut attendre la carte précise des résultats, mais il est facile d'imaginer qu'elle va confirmer une réalité géographique que des essais récents (et moins récents) démontrent : des fractures territoriales béantes, qui se superposent à des fractures sociales rendues possibles par un système économique (pour simplifier, le capitalisme financier transnational) par essence profondément inégalitaire. Ce n'est pas un hasard si Trump remporte les Etats de la "rust belt" (ceinture de rouille).

4) De grands intellectuels américains comme Christopher Lasch avaient analysé, il y a plusieurs décennies, ce qu'il appelait "la révolte des élites" (c'est à dire le comportement indécent des gagnants de la mondialisation libérale qu'ils soient, d'un point de vue "sociétal", "progressistes" ou conservateurs). Le ressentiment envers cette classe off shore, indifférente au sort de la majorité, a été grandissant. A partir du moment où rien ne change, il est inévitable qu’il s'exprime politiquement. En ce sens, Emmanuel Todd a raison quand il dit que "la fureur de l'électorat de Trump est rationnelle". Le fait que les électeurs aient plébiscité un milliardaire abject, vulgaire et inconsistant n'a rien de paradoxal : c'est un pied de nez supplémentaire à l'arrogance de l'establishment, à qui est tendu un miroir déformant, offrant un reflet dégénéré.

5) On le savait, mais ça se confirme scrutin après scrutin : il ne suffit pas de s'autoproclamer "progressiste" pour être perçu comme tel. Ceux qui s'estiment appartenir au "camp du Bien" devraient surtout s'abstenir d'utiliser le qualificatif "populiste": il a son intérêt en sciences politiques mais, utilisé systématiquement et à tort et à travers par des responsables qui cherchent seulement à discréditer un adversaire qui ne pense pas comme eux, il devient incompréhensible. Les gens sont bien plus sensibles aux mots qu'on ne le croit : dans "populisme", il y a "peuple". Pour beaucoup de gens , c'est positif!

6) il y a tellement de choses à faire qu'on ne sait pas forcément, aujourd'hui, par où commencer. Ce qui est sûr, pour ce qui concerne l'Europe et la France, c'est que les partisans du "business as usual" comme les tenants du TINA (there is no alternative), qui sont bien souvent les mêmes, nous mènent droit dans le mur. Il faudra en tirer toutes les conséquences politiques.

Emmanuel Maurel

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28 avril 2016 4 28 /04 /avril /2016 10:41

Mardi 26 avril 2016 - COMMUNIQUÉ - Emmanuel MAUREL, député européen, Membre de la commission du Commerce international

Emmanuel_Maurel_commission_PE_TiSA_22-09-2015L’offensive de Barack Obama et Angela Merkel place, à juste titre, les négociations du Traité transatlantique (TTIP) sur le devant de la scène. Beaucoup a été dit à ce sujet, et il est de plus en plus clair que ces négociations ne s’inscrivent pas dans l’intérêt de la France. Mais la mobilisation grandissante contre le TTIP ne doit pas occulter d’autres négociations moins connues – comme les accords CETA et TiSA – dont les risques démocratiques et sociaux sont largement équivalents.

Depuis 2013, l’Union européenne négocie le TiSA – un méga-accord de libéralisation du commerce des services – avec 23 autres États industrialisés.

Comme pour la plupart des accords commerciaux, les négociations ont commencé dans l’opacité la plus totale, à tel point qu’il a fallu attendre des fuites de Wikileaks pour en savoir plus sur le contenu des propositions des parties. Elles ont eu le mérite de nous apprendre une chose : alors que les promoteurs du TiSA disent vouloir définir de nouvelles règles pour encadrer la mondialisation et l’économie numérique, l’accord tel qu’il est effectivement négocié semble plutôt s’inscrire dans une vaste entreprise de dérégulation.

Face à cette situation très insatisfaisante, le Parlement européen – qui bénéficiera d’un droit de veto sur l’accord final – s’est saisi de la question. Dans un rapport voté au début de l’année 2016 (que la gauche européenne a significativement renforcé), nous avons listé cinq exigences qui, si elles n’étaient pas toutes respectées par la Commission, justifieraient un rejet du texte :
1) Renforcer considérablement la transparence des négociations ;
2) Garantir la protection des données personnelles des citoyens européens dans l’économie numérique ;
3) Préserver le droit des États souverains à légiférer dans l’intérêt général, en rejetant explicitement les clauses « standstill » et « ratchet », ces dispositions qui rendent toute décision de libéralisation irréversible ;
4) Protéger les services publics européens, en les excluant purement et simplement du champ de l’accord ;
5) Éliminer les risques de dumping social et œuvrer à l’harmonisation par le haut du droit des travailleurs, en poussant toutes les parties à ratifier les 8 conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail (sur le droit de grève, l’interdiction du travail forcé, etc.).

À toutes ces demandes pressantes, qui constituent autant d’encouragements vigoureux à changer de cap, la Direction générale du Commerce de la Commission vient de réagir via un document de suivi préoccupant. D’une suffisance insupportable, elle multiplie les fins de non-recevoir aux parlementaires, sur les clauses « standstill » et « ratchet », sur les droits des travailleurs et même sur la protection des services publics !
Les négociateurs doivent cesser de jouer avec le feu. Si la Commission ne se conforme pas à toutes les directives du Parlement européen, je me mobiliserai pour que le TiSA soit très largement rejeté.

Emmanuel Maurel, député socialiste européen, en commission au Parlement européen

Emmanuel Maurel, député socialiste européen, en commission au Parlement européen

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28 avril 2016 4 28 /04 /avril /2016 10:38

Emmanuel Maurel était le jeudi 28 avril 2016 l'invité de la Matinale de RFI pour aborder la question du TAFTA et du TISA : Pendant que les négociations TTIP/TAFTA occupent le devant de la scène, la Commission européenne continue de négocier à l'abri de la vigilance citoyenne le TiSA, un méga-accord commercial destiné à lever les dernières barrières à la libéralisation des services. Sur ce sujet, la Commission semble prête à franchir toutes les lignes rouges fixées par les parlementaires. 

Emmanuel Maurel : "Je pense qu’il y a plus de risques que d’opportunités dans ce traité de libre-échange..." - RFI, 28 avril 2016
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28 avril 2016 4 28 /04 /avril /2016 09:36

687238-000_dv1546447jpgLibération - propos recueillis par Lilian Alemagna — 27 avril 2016 à 17:56

Emmanuel Maurel, député européen PS, alerte sur cet autre traité commercial en cours de négociation dont l’objectif est de libéraliser les services.

Après le projet de Tafta (Trans-Atlantic Free Trade Agreement), traité de libre-échange transatlantique, vous vous opposez au «Tisa», de quoi s’agit-il ?

D’un nouveau projet de traité commercial international («Trade In Services Agreement») qui concerne 50 pays, dont les 28 de l’Union européenne, les Etats-Unis, l’Australie… Le but de cet accord est de libéraliser l’ensemble des services pour cadrer avec le contexte actuel de la révolution numérique. C’est une directive Bolkestein puissance 10 !

Quels services seraient libéralisés ?

Tous ! Y compris les services publics – transports, hôpitaux, écoles… Par ailleurs, comme pour le Tafta, les négociations ont été lancées dans une opacité totale, en Suisse en mars 2010. Il a fallu des fuites sur WikiLeaks en 2014 pour que la Commission européenne soit obligée de rendre publics quelques éléments. Mais nous en sommes au 17e cycle de négociation et personne n’en parle.

Pourquoi la France réagit-elle sur le Tafta et pas sur le Tisa ?

C’est une négociation qui se tient hors cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et ce n’est pas la France en tant que telle qui négocie mais l’UE.

Comme pour le Tafta. Comment expliquer que le gouvernement français ne s’alarme-t-il pas dès aujourd’hui ?

Parce que la négociation sur le Tisa est plus opaque, il y a moins d’intérêt immédiat. Le Tafta est plus compréhensible, plus visible. En face, ce sont les Etats-Unis et le modèle américain. Les Français comprennent les enjeux qui concernent notamment l’alimentation (poulet javellisé, bœuf aux hormones…). Pour le Tisa, il y a un travail pédagogique à faire, comme à l’époque de la directive Bolkestein, en 2005.

Que demandez-vous ?

D’abord, une révolution méthodologique : une transparence absolue. Ces sujets concernent la vie quotidienne des citoyens. On ne peut pas négocier comme ça dans leur dos. Ensuite, il faut garantir la protection des données personnelles, or nous n’avons aucune garantie sur le sujet. Il s’agit également de préserver les droits des Etats à légiférer. Par exemple, il existe dans cet accord des clauses qui rendraient irréversibles ces décisions de libéralisation : si un gouvernement libéralise le secteur de l’eau, un autre gouvernement élu ne pourrait pas revenir dessus. Je demande aussi à ce que les services publics soient exclus du champ de la négociation. Enfin, certains pays qui participent à ces négociations n’ont pas ratifié les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT). Tout le monde doit être à armes égales. Le Tisa est une bombe à retardement.

Lilian Alemagna

Après le Tafta, Tisa : «Une directive Bolkestein puissance 10 !» - Emmanuel Maurel, entretien dans Libération
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6 avril 2016 3 06 /04 /avril /2016 10:07

Tribune d'Emmanuel Maurel - Ouest France - 5 avril 2016
Emmanuel Maurel, Député européen,
Membre de la commission spéciale TAXE du Parlement européen,
Rapporteur fictif des sociaux-démocrates pour l’échange automatique des déclarations pays par pays des multinationales.

99% des contribuables français s’acquittent de leurs impôts, au taux légal, en respectant les dispositifs en vigueur. 99% des ménages, presque 99% des entreprises. Mais parmi le 1% restant, qui représente pourtant une part croissante des richesses mondiales, comme l’ont montré ces dernières années Thomas Piketty ou Anthony Atkinson, une ultra-minorité est responsable de la majorité de la délinquance fiscale.
Les “Panama Papers” révélés par le Consortium international de journalistes d’investigations sont davantage qu’une illustration, ils sont une preuve; une preuve d’une ampleur unique, de l’inégalité criante devant l’impôt. Ce gouffre entre les contribuables mine le contrat social, mais aussi les finances publiques. Car la crise des finances publiques, on ne le dit pas assez, est une crise des recettes publiques.
Aussi, montage légal ou pas, l’effet est le même : les États demandent aux acteurs les moins mobiles, les PME, les ménages à bas revenus et revenus moyens, de fournir un effort fiscal plus important, qui finance les recettes perdues des revenus qui se cachent dans un paradis fiscal et dans un montage opaque. Mais le constat est d’autant plus cinglant que les États, principaux perdants, sont aussi responsables. Les États ont trop tardé, trop fermé les yeux; alors qu’en pleine crise on renflouait les banques avec de l’argent public, on promettait aussi la fin des paradis fiscaux qui n’est jamais advenue. Si l’on était aussi menaçant avec les petites îles et les micro-Etats jusqu’en Europe, qui alimentent le dumping fiscal – aussi intraitable qu’on l’a été avec la Grèce, sans doute en serait-on plus proche.
Et ce n’est pas faute de mobilisation de certains acteurs en pointe dans cette lutte, la société civile bien sûr avec les lanceurs d’alerte et les ONG, dont les campagnes sont indispensables; mais aussi le Parlement européen qui s’est prononcé à plusieurs reprises pour des dispositifs contraignants interdisant les montages d’évitement de l’impôt, et en faveur d’une transparence fiscale plus étendue.
1000 milliards d’euros échappent chaque année aux fiscs des États européens ! Cela équivaut à plus de 2,5 fois le budget de la France. Et les milliers d’individus des Panama Papers ne doivent pas nous faire oublier qu’ils ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Les multinationales, qui défilent pour s’en défendre devant la commission spéciale TAXE du Parlement européen, les McDonalds, IKEA, Apple, Amazon, Google, sont les rois de cette jungle de l’optimisation fiscale.
La transparence, si elle n’est pas suffisante en soi, constitue le premier niveau, élémentaire, de toute politique de rétablissement de l’équité fiscale.
La Commission européenne, selon un calendrier qui tombe à pic, proposera la semaine prochaine une nouvelle norme : la déclaration pays par pays, publique, des informations fiscales des multinationales. Il est capital que ces informations permettent d’identifier les “canaux” qui mènent à Panama et aux paradis fiscaux. L’institution de Jean-Claude Juncker souhaitait jusqu’à présent que les multinationales puissent garder secrète la distribution de leurs bénéfices et impôts hors d’Europe. Espérons que le scandale d’aujourd’hui leur inspire une vision plus à la hauteur des enjeux. C’est le devoir de tout élu de porter cette ambition.

Emmanuel Maurel dans Ouest France - Nouveau “scandale de Panama” : le coût exorbitant de l’impunité fiscale
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18 janvier 2016 1 18 /01 /janvier /2016 14:19
Emmanuel Maurel, député européen, groupe S&D

Emmanuel Maurel, député européen, groupe S&D

La Tribune | Emmanuel Maurel  | 

General Electric supprime des emplois chez Alstom non pas pour des problèmes de compétitivité, mais en raison d'une pure logique financière. Par Emmanuel Maurel, Député européen, Membre de la commission affaires économiques et de la commission du commerce international

On peut légitimement parler de massacre social lorsque l'on considère les 6 500 destructions d'emplois prévues par General Electric chez Alstom en Europe (10 000 d'ici 2017). Un poste sur six va être supprimé, un employé sur six mis sur le carreau.

Il est utile de se souvenir que le rachat de cette branche « énergie » d'Alstom avait été le fruit d'une grande négociation entre l'État français, Alstom et deux candidats, Siemens et General Electric, il y a dix-huit mois seulement. Au printemps 2014, alors que les deux acheteurs potentiels s'affrontaient, Patrick Kron, PDG d'Alstom, vendait sa préférence pour le groupe Américain. Il parlait de « bain de sang social » en cas de rachat par Siemens. Avec 20% des emplois de l'entreprise achetée supprimés en Europe, le bain de sang social n'est pourtant pas très loin.

 L'absurdité totale d'un pacte avec le patronat

Cette annonce dramatique prouve l'absurdité totale de la logique de « Pacte » avec le patronat. Que peut-on obtenir d'une firme dont les décisions, pour des implantations industrielles en Europe, seront toutes soumises à la condition d'une rentabilité à deux chiffres. Ce rachat était guidé tout entier par les intérêts des détenteurs de capitaux. Ils ont d'ailleurs remercié Patrick Kron à l'époque en lui offrant un bonus, en actions, de quatre millions d'euros pour ce rachat. Les dirigeants des entreprises sont aujourd'hui eux-mêmes des actionnaires puissants : ils servent donc la rentabilité financière de l'entreprise en priorité. Je rappelle que l'objectif de ce grand nettoyage est de préserver un taux de rentabilité de 16% ! Pourquoi les industriels se contentaient il y a 30 ans de taux de 8 ou 9%, et pourquoi ces taux à deux chiffres étaient l'exception ? Parce que la financiarisation et l'accélération de l'information financière a conforté l'emprise d'un actionnariat complètement déconnecté des enjeux de long-terme, de l'innovation, de la stabilité sociale, etc.

 Cette évolution n'était pas inéluctable

 Comme bien souvent, la doxa médiatique et économique présentera le fait comme un déficit de compétitivité européen. L'analyse est aussi fausse que paresseuse. Si l'on observe la carte des licenciements, le pays le plus touché est l'Allemagne, avec 1 700 suppressions de postes dans le Bade-Wurtemberg, où l'on trouve parmi les meilleurs indicateurs de compétitivité d'Europe.

Non, en réalité, les actionnaires de General Electric, et donc les dirigeants qui en sont dépendants, ont jugé qu'il n'y avait pas un déficit de compétitivité, mais un déficit de rentabilité financière. C'est le résultat de l'importation d'une logique financière anglo-saxonne (américaine dans le cas présent). On nous avait promis que cette situation serait évitée car il n'y avait presque pas de doublons entre General Electric et la branche d'Alstom rachetée. Or le porte-parole de General Electric déclare aujourd'hui qu'il s'agit de « supprimer les doublons de portefeuille » ! Car sur ces doublons, la rentabilité financière de General Electric était encore plus élevée que celle d'Alstom. En somme, le groupe a seulement conforté sa position sur le marché mondial de l'énergie en achetant la part d'Alstom, mais cela n'obéissait pas à un quelconque projet industriel.

 Sans aller chercher plus loin, l'histoire de l'entreprise Alstom elle-même nous enseigne que tout cela n'avait rien d'inéluctable. Alstom n'était plus rentable en 2004, et l'était à nouveau en 2012. Ce que l'on oublie, c'est la nationalisation ! Les libéraux vont pousser des cris d'orfraies, mais je rappelle que, précisément, il fut un temps où Alstom avait été sauvée, et rendue rentable à nouveau, par une nationalisation temporaire en 2004. L'histoire pourrait nous servir de leçon à cet égard.

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15 janvier 2016 5 15 /01 /janvier /2016 10:59

Emmanuel Maurel était l'invité hier soir de LCP-AN dans l'émission "ça vous regarde" pour parler du statut d'économie de marché proposé par l'UE à la Chine et la situation économique en France.

« Je me souviens que pendant la campagne présidentielle, Sarkozy disait à peu près la même chose, que le principal problème était la formation des demandeurs d’emploi. Mais ce n’est pas le principal problème : beaucoup de demandeurs d’emploi sont déjà formé mais n’ont pas de débouchés car certaines branches ont des problèmes. La principale question c’est la relance de l’activité. Le problème c’est le remplissage des carnets de commande. »

Emmanuel Maurel, le mercredi 13 janvier 2016 sur LCP-AN

Emmanuel Maurel, le mercredi 13 janvier 2016 sur LCP-AN

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15 janvier 2016 5 15 /01 /janvier /2016 10:48

Marianne.fr - Mercredi 13 Janvier 2016

La Chine, membre depuis 2001 de l'OMC, pourrait accéder d'ici fin 2016 au statut d'économie de marché. Un sceau qui empêcherait à tout pays membre de l'OMC de lui opposer des mesures anti-dumping. La commission européenne ouvre cet épineux dossier ce mercredi. L'eurodéputé socialiste Emmanuel Maurel, qui s'inquiète des possibles retombées sur l'industrie et l'emploi européen, regrette que l'Europe se comporte en "idiot du village planétaire". Et regarde de l'autre côté de l'Atlantique, les Américains ayant déjà fait savoir le refus.
IBO/SIPA

Marianne : La Commission européenne et les Etats-Unis se penchent à partir d'aujourd'hui sur la possibilité d'attribuer dans le cadre de l'OMC le statut d'économie de marché à la Chine. Qu'elles seraient les conséquences de cette décision pour l'économie européenne ?

Emmanuel Maurel : A partir du moment où la Chine acquiert ce statut, tous les Etats appartenant à l'OMC ne pourront plus utiliser un certain nombre d'outils de défense commerciale. Notamment des mesures anti-dumping, social et commercial. Depuis son entrée à l'OMC en 2001, la Chine était considérée comme une "économie non marchande", avec un délai de quinze ans qui lui était donné pour faire évoluer ses règles intérieures et obtenir ce nouveau statut. 

Aujourd'hui, un certain nombre de fonctionnaires et d'idéologues de la Commission européenne considèrent que, de fait, il y a une automaticité de l'obtention de ce statut. Tout l'enjeu est justement de leur faire comprendre que cette automaticité n'existe pas sur le plan juridique. Pour une raison simple : pour être considérée comme une "économie de marché", il faudrait que la Chine remplisse les cinq critères qui la définissent. Objectivement, elle n'en remplit qu'un seul. Que ce soit à cause des subventions d'Etat aux entreprises chinoises, à l'absence de concurrence ou aux obligations des entreprises étrangères de s'associer avec des entreprises chinoises pour s'implanter en Chine. Donc, l'argument juridique ne tient absolument pas. 

Cette question est d'abord une question politique. Est-ce que l'on veut que l'Europe soit l'idiot du village planétaire en étant la seule à respecter les règles ? Et puis quelle naïveté des tenants de ce changement de statut qui n'hésitent pas à dire que "ça encouragerait la Chine à se réformer". Qui peut y croire ?

Marianne : Quelles seraient les retombées pour l'emploi en Europe ?

Il y a très peu d'études et certaines sont contestées. Mais d'après les plus fiables, l'impact dans certains secteurs industriels, comme celui de l'acier ou la céramique, pourrait être considérable. On estime qu'au niveau européen, c'est entre 1,5 à 3 millions d'emplois qui sont menacés. Le coup serait particulièrement rude.

Marianne : Qui sont les pays qui poussent à cette évolution de statut ?

Aucun pays européen ne pousse vraiment dans ce sens. Certains sont persuadés qu'il n'y a pas d'autres choix. L'Allemagne, elle, pense que sur certains secteurs, où elle a une forme de monopole, elle aurait un coup à jouer. Et puis il y a la Commission européenne qui donne l'impression de n'avoir jamais réfléchi à la question et qui se retranche derrière des arguments qui se veulent juridiques.

Marianne : Vous dénonciez dans une tribune cosignée avec Edouard Martin le pari dangereux de la Commission. La levée des mesures anti-dumping contre la Chine contre des possibles investissements en Europe de cette dernière...

C'est le grand non-dit de ce débat. Certaines personnes à la Commission pensent que la Chine va déverser sur l'Europe des millions et des millions. Jean-Claude Juncker, qui veut lancer un grand plan d'investissements pour les années à venir, ce qui est en soit une bonne chose, a besoin de financement. De son côté, la Chine, qui a vu une carte à jouer, laisse clairement entendre que l'obtention de ce statut d'économie de marché avec tous les avantages que ça comporte, débloquerait une vague d'investissements. Il faut bien se rendre compte que cette hypothèse serait terrible pour les industriels européens. De nombreux chefs d'entreprise que j'ai pu rencontrer avec mon collègue Edouard Martin, ont tous clairement partagé leur inquiétude. Même le Medef semble être inquiet... Il faut vraiment que l'Europe se dote d'une véritable stratégie commerciale pour protéger ses salariés. D'ailleurs, Les Etats-Unis, le Japon, le Canada ou l'Inde, sont tous opposés à cette idée.

Marianne : Il est amusant de noter que les Etats-Unis, souvent décrits comme le chantre de l'ultra-libéralisme, n'hésitent pas à se poser en véritables keynésiens...

Pas que, protectionnistes même. Quand on regarde en terme de marché, alors que l'Union européenne a environ 80% des siens ouvert au "libre-échange", les Etats-Unis n'en ont que 40%. Ils ont par exemple le Buy American Act qui oblige pour le secteur public, et même pour certains Américains, d'acheter des produits made in USA . Contrairement à ce qu'on dit, les gouvernements américains sont d'un pragmatisme absolu. Libéraux ou protectionnistes quand cela va dans leurs intérêts. 

Marianne : La Commission européenne a-t-elle produit des études d'impact ou part-elle les yeux fermés ?

C'est ce que l'on réclame, il faut absolument en faire pour connaître les conséquences économiques et sociales de cette hypothèse. Et que l'Europe se mette enfin à avoir une réflexion sur ses instruments de défense commerciale. Ce débat va bien au-delà du clivage traditionnel gauche/droite. Au niveau du Parlement européen, la majorité des parlementaires y sont opposés. Par contre, je suis bien plus inquiet en ce qui concerne la Commission européenne.

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