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Lundi, le bureau national du PS s’est réuni pour harmoniser l’expression sur le "Pacte de responsabilité" et la "politique de l’offre". Ce même jour, les gauches du PS, unies, sont sorties du silence pour dire « Il n’y a pas qu’une seule politique possible ». Et qu’il y en a aussi une à gauche.
Faut-il que la situation soit grave pour que les gauches du Parti socialiste aient décidé de sortir de leur réserve ? La période des élections municipales est, d’ordinaire, l’occasion d’observer un silence prudent. Les militants socialistes, quelle que soit leur sensibilité, se détournent du national pour camper sur le local. L’officialisation de la "politique de l’offre" comme nouveau credo de la politique économique du gouvernement a fait sauter les digues. Comme si le "Pacte de responsabilité" cher à François Hollande rappelait les gauches du Parti socialiste à leurs propres responsabilités. Et c’est unis que Maintenant la gauche (Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann), Un monde d’avance (les proches de Benoît Hamon) et des membres de la motion 4 (majoritairement d’anciens proches de Ségolène Royal, animés par Stéphane Hessel) ont publié l’appel « Il n’y a pas qu’une seule politique possible ». Ils ont choisi ce lundi 10 février et le séminaire organisé par le bureau national du PS pour le rendre public.
Revenir au discours du Bourget
Le débat a eu lieu, à huis clos. «Dans la forme, il s’est bien passé», résume Pouria Amirshahi, député de la 9e circonscription des Français de l’étranger et signataire de l’appel. Sur le fond, Jean-Marc Ayrault a délivré l’explication de texte officielle. Et les ténors des gauches du PS ont riposté, argument contre argument. «Personne ne s’est convaincu, glisse Pouria Amirshahi. Mais nous avons formalisés nos désaccords. Rien que pour cela, c’était utile.» Du côté de Maintenant la gauche, on avait pourtant tâché de mettre sous le boisseau les désaccords. La solidarité de parti en période électorale n’est pas un vain mot au PS. Seul Gérard Filoche n’a pas mis ses positions en sourdine au cours du dernier trimestre 2013. Ainsi, alors que les députés de la gauche du PS se singularisaient par des votes divergents sur la réforme des retraites, Gérard Filoche titrait sur son blog « Pour la première fois c’est la gauche qui casse nos retraites ».
L’appel à une autre politique, qui reprend en fait les axes essentiels du discours de François Hollande au Bourget, rompt avec le silence prudent des quatre derniers mois de 2013. Un premier tir à blanc a eu lieu à l’occasion des vœux présidentiels, par la voix du Pascal Cherki, membre de Maintenant la gauche [en fait membre d'Un Monde d'Avance : note de l'administration du blog]. Assurant «comprendre les interrogations qu’on peut avoir» sur la politique du gouvernement, le député PS de Paris avait admis reconnaître «les intentions du président de la République», mais «doute(r) que les moyens employés permettent d’y arriver».
Le texte publié ce lundi va plus loin encore, qui explicite : «Si le président a été très clair sur les avantages accordés aux entreprises, les contreparties demandées restent floues. Il faudra plus qu’un "observatoire" pour imposer amélioration des conditions de travail, discussion sur les salaires, partage du travail ou multiplication des embauches. D’autant que le MEDEF, par la voix de son président, refuse de rentrer dans une logique de "donnant-donnant" qui serait pourtant la moindre des choses. En lien avec les déclarations présidentielles, nous insistons sur la double nécessité de ne pas alimenter la rente pour servir l’investissement productif et de faire bénéficier les salariés, par le biais de la rémunération notamment, d’une part de cette aide.» Pouria Amirshahi résume l’enjeu : «François Hollande a ouvert un seul espace, celui des contreparties. Maintenant, il faut remplir la corbeille».
Le virage de François Hollande en faveur de la très reaganienne "politique de l’offre" a donc fait sortir les socialistes contestataires de leur réserve. «C’est qu’il y a le feu», estime Sophie Zana, présidente de Maintenant la gauche Seine-Saint-Denis. La militante, élue aux Lilas, explique : «Depuis décembre, les coups de fil des militants se multiplient. On sent bien que parier sur la déconnection entre le local et le national, c’est illusoire.» Il semblerait même que la grogne gagne des ministres qui se verraient contraints de garder le silence par "solidarité gouvernementale" ou parce qu’ils seraient surveillés de près, selon des sources proches.
L’appel pour un PS autonome
L’enchaînement entre vœux présidentiels, annonce du "Pacte de responsabilité" et les propos de Stéphane Le Foll, proche historique de François Hollande, estimant que «la politique de l’offre n’est ni de droite ni de gauche», a fini de mettre le feu aux poudres socialistes. Même si «la rapidité du revirement vis-à-vis d’engagements structurants de la campagne présidentielle, formalisés dans le discours du Bourget (…) nous a tous sidérés», estime Pouria Armishahi. Pour ce dernier : «Il nous a fallu le temps de nous relever, d’assumer pleinement, et dans un débat public, nos désaccords».
Chacun se retrouve à dénoncer un changement rapide et dont François Hollande seul porte la responsabilité. «Il n’y a eu aucun débat, avant aujourd’hui», tranche Pouria Armishahi. Sophie Zana, de son côté, a la dent dure contre le gouvernement, l’accusant à mots couverts de manipulation : «Le timing est parfait. En effectuant ce virage en pleines municipales, il musèle l’UMP, en lui prenant ses arguments de campagne, et il musèle la gauche du PS qui est liée par la solidarité de parti». Sauf que les gauches du PS ont décidé de s’unir et de jeter à bas la muselière. Elles en appellent à «un PS autonome» qui soit le «relais des aspirations mais aussi des mécontentements».
Les signataires – députés, secrétaires nationaux et membres du Bureau national – appellent également à un «rassemblement de la gauche», avec le Parti communiste (PCF) [Pierre Laurent, son secrétaire général, en photo ci-contre] et le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon, un rassemblement qualifié d’«ardente obligation». Pouria Amirshahi conclut, assumant «un appel sans aucune réserve» au Front de gauche : «Ces enjeux dépassent de loin les querelles de chapelle, que ce soit dedans ou dehors le Parti socialiste».