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1 avril 2010 4 01 /04 /avril /2010 11:29
© Coll. FJJ-CAS

 

A l'occasion du soixantième anniversaire de la mort de Léon Blum, la Fondation vous a préparé un dossier avec des documents inédits.

Né le 8 avril 1872 et décédé le 30 mars 1950 dans sa maison de Jouy-en-Josas, Léon Blum reste dans l’histoire politique française, et même au-delà, comme l’un des plus grands hommes d’Etat du XXe siècle, et ce malgré l’échec de son gouvernement de Front populaire. Considéré par la presse américaine en 1936 comme le concepteur d’un « French New Deal », soutenu par Franklin D. Roosevelt après la défaite de 1940, le New York Times publia dans son édition du 9 avril 1942 l’article « Pour Léon Blum », au moment où le régime de Vichy le condamnait au procès de Riom : Article NYT (pdf - 54,38 ko) . La Fondation lui rend hommage à travers ce dossier thématique, qui rappelle que Blum, comme Jaurès, fait partie du « Panthéon» socialiste, notamment par son analyse des enjeux du congrès de Tours en décembre 1920, et par les grandes mesures sociales du Front populaire en 1936.

Entré en politique lors de l’affaire Dreyfus, il rejoint le mouvement socialiste après sa rencontre en 1897 avec Jean Jaurès, avec qui il lancera le journal L’Humanité. Conseiller d’Etat, mais aussi critique littéraire lié aux milieux intellectuels de son époque, il devient en août 1914 chef de cabinet de Marcel Sembat, ministre des Travaux publics dans le gouvernement d’Union sacrée de René Viviani. Ce n’est qu’en 1919 qu’il se consacre entièrement à la politique : élu député de la Seine lors des législatives consécutives à la Première Guerre mondiale, il quitte définitivement ses fonctions au Conseil d’Etat et intègre les instances dirigeantes de la SFIO (il sera ensuite député de l’Aude de 1929 à 1940). Léon Blum sera l’homme-clé du 18e congrès socialiste à Tours en décembre 1920, qui provoque une des premières et plus fondamentales scissions de la gauche française : refusant l’adhésion aux 21 conditions énoncées par Lénine pour rejoindre la IIIe Internationale (Internationale communiste, ou Komintern, fondée à Moscou par le mouvement bolchevique en rupture avec la IIe Internationale socialiste), adhésion qui entraînerait la création d’un parti communiste en France, Blum prononce un célèbre discours dans lequel il dénonce la conception communiste de la dictature du prolétariat et les dangers d’un système militant antidémocratique car soumis à un « régime de centralisation » et de « subordination » à un pouvoir apparenté à un « commandement militaire ». Mais une majorité de délégués part fonder la Section française de l’Internationale communiste (SFIC), qui deviendra plus tard le Parti communiste français ; Léon Blum, minoritaire, choisit de maintenir la « vieille maison » de la SFIO.

Blum reste essentiellement dans les mémoires pour la victoire électorale du Front populaire aux législatives de mai 1936, période marquée par la crise économique consécutive au krach boursier de 1929, et par la montée des fascismes en Europe. Nommé président du Conseil par Albert Lebrun le 4 juin, il a remporté ces élections grâce à une coalition nommée « Rassemblement populaire », formée après les émeutes de février 1934 à Paris, et qui réunit le PCF dirigé par Maurice Thorez, la SFIO, et le Parti radical-socialiste d’Edouard Herriot. Une majorité de Front populaire est élue à la Chambre des députés, dont 147 députés SFIO, ce qui conduit Léon Blum à former un gouvernement à prédominance socialiste. Confronté dès son entrée en fonction à une importante vague de grèves qui accompagnent un large mouvement de revendications sociales, le gouvernement de Léon Blum engage un plan de mesures-phares qui resteront dans la mémoire collective des Français : accords Matignon signés avec la CGT le 7 juin (hausse des salaires, création des conventions collectives), instauration des deux semaines de congés payés (avec le lancement par le ministre Léo Lagrange des billets de train à tarif réduit, qui existent toujours aujourd’hui), réduction du temps de travail à 40 heures, mais aussi plan de nationalisations, qui voit la création de la SNCF en 1938. Les deux millions de grévistes de mai-juin 1936 – qui, pour la première fois, occupent leurs usines et lieux de travail -, ont également laissé le souvenir d’une période festive qui célèbre la victoire électorale de la gauche, ce qui fait dire alors à Marceau Pivert, qui représente l’aile gauche de la SFIO, que « tout est possible, cela dépend de nous ».

Outre ce slogan, repris par les socialistes en 1972 à l’occasion de la signature du Programme commun de gouvernement avec le PCF et le MRG (puis, en partie, lors de l’élection présidentielle de 2007), le Front populaire a également laissé en héritage « la force tranquille », formule utilisée pour la première fois par Léon Blum dans son tout premier discours de président du Conseil, diffusé par la radio le 5 juin 1936 : « Le gouvernement de Front populaire est constitué. […] La victoire des 26 avril et 3 mai reçoit aujourd’hui sa pleine consécration. Un grand avenir s’ouvre devant la démocratie française. Je l’adjure, comme le chef du gouvernement, de s’y engager avec cette force tranquille qui est la garantie de victoires nouvelles ». Mais cette victoire sera de courte durée : le gouvernement Blum ne parvient pas à une baisse significative du chômage, ni à la relance de la production et de la consommation. Le franc est dévalué en octobre 1936, et la droite se déchaîne contre lui, tandis que le PCF ne le soutient plus ; le gouvernement démissionne le 21 juin 1937. Un second cabinet Blum est constitué en mars-avril 1938 à la demande du président Lebrun, mais il démissionne, empêché par le Sénat d’obtenir les pleins pouvoirs financiers pour lancer un grand programme de réformes.

Haïe par les forces conservatrices, la figure de Blum fait l’objet de calomnies et de caricatures violemment antisémites dans la presse d’extrême droite, qui le désignera en 1940 comme l’un des principaux responsables de la défaite du pays face à l’invasion allemande. Il est l’un des 80 parlementaires socialistes qui votent le 10 juillet 1940 contre l’attribution des pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Réfugié en Haute-Garonne, le président Roosevelt lui propose de partir aux Etats-Unis, mais Léon Blum est arrêté en septembre 1940 et interné avec d’autres socialistes au château de Bourassol, pour être traduit devant la Cour suprême de justice créée par le régime de Vichy. Son procès, et celui d’autres responsables politiques dont le radical Edouard Daladier, se déroule à Riom dans le Puy-de-Dôme entre février et avril 1942, avec comme seul objectif par Vichy de condamner les responsables politiques et les institutions de la IIIe République. Mais devant les plaidoiries de Blum et de Daladier, qui démontent point par point les charges, les autorités allemandes demandent l’ajournement du procès. En mars 1943, Léon Blum est déporté près de Buchenwald ; il est enfermé dans une maison qui n’est qu’à quelques centaines de mètres du camp.

Libéré en mai 1945 par l’armée américaine, il regagne la France, où il reprend la publication de ses articles dans Le Populaire, le journal de la SFIO dont il sera le directeur politique jusqu’à sa mort. Même s’il refuse d’être ministre dans le gouvernement provisoire du général de Gaulle, c’est lui qui négocie les accords Blum-Byrnes en 1946 pour l’effacement des dettes de guerre de la France envers les Etats-Unis. Il dirigera entre décembre 1946 et janvier 1947 le tout dernier gouvernement provisoire avant l’instauration de la IVe République, cabinet uniquement formé de ministres socialistes.

Retiré dans sa propriété de Jouy-en-Josas, dans les Yvelines, Léon Blum meurt le 30 mars 1950.

Les socialistes lui ont rendu hommage à de nombreuses reprises depuis sa disparition, notamment lors des commémorations en 1986 et 2006 du Front populaire, mais aussi en 1981, après la victoire de la gauche à la présidentielle et aux législatives.

Le 4 juin 1981, Pierre Mauroy, nommé Premier ministre par François Mitterrand, vient déposer une gerbe sur la tombe de Léon Blum au cimetière de Jouy-en-Josas. Les journaux de l’époque rapportent ses déclarations : « Il s’agit de poursuivre aujourd’hui au nom de la justice et de la raison, pour assurer réellement la dignité de l’homme, l’œuvre dont Léon Blum en 1936 a écrit les premières pages. Ce rendez-vous est donc tout à la fois

celui de notre fidélité, celui de notre détermination, celui de notre espoir ». Les législatives des 14 et 21 juin 1981 voient la gauche remporter la majorité absolue des 450 sièges à l’Assemblée nationale, dont 285 pour le seul Parti socialiste.

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