Marianne.net - 24 avril 2013 - David Cayla est docteur en économie et maître de conférence à l’Université d’Angers.
Il a participé à l’élaboration du « plan de relance écologique et social pour la France et pour l’Europe »
La France est riche. L’INSEE rappelle régulièrement qu’elle est, avec l’Allemagne, championne du monde de l’épargne. Avec un taux d’épargne des ménages estimé à près de 16%, elle se situe nettement au-dessus de la moyenne européenne (11%) et des États-Unis (environ 9%). La crise a encore accentué le taux d’épargne des français, les insécurités dans l’emploi et sur les retraites ayant poussé à la hausse l’épargne de précaution des plus modestes. Or, dans un monde financiarisé où les capitaux circulent librement, cette épargne n’a aucune raison de rester en France. Les entreprises réduisent leurs investissements, faute de commandes, et la crise économique réduit les opportunités et la rentabilité des projets. Nos banques, qui sont parmi les plus puissantes au monde, se sont ainsi spécialisées dans le recyclage de cette épargne. Hier, elles achetaient des titres subprimes, aujourd’hui elles spéculent sur les matières premières. L’épargne française, quand elle ne va pas gonfler les paradis fiscaux, se perd dans les méandres de la finance internationale au lieu de répondre aux besoins de l’économie française.
Ces besoins justement, ils sont immenses. C’est le constat que nous avons fait en rédigeant notre « projet de relance écologique et social ». Besoin de sécurité économique pour les classes modestes, besoin de réveiller la consommation populaire, besoin de justice et de redistribution, besoin d’investissements publics dans les transports et les énergies renouvelables, besoin de construire de nouveaux logements et de créer l’infrastructure nécessaire au développement de la voiture électrique… Tous ces besoins ne peuvent attendre que nous parvenions à un hypothétique équilibre budgétaire. Nous faisons même le pari contraire : satisfaire les besoins économiques de la France est la condition de son rétablissement.
Car notre situation est aujourd’hui très difficile. Malgré une démographie toujours dynamique (à la différence d’autres pays européens) la croissance française est au point mort. Le pouvoir d’achat des ménages a baissé ; l’investissement et la rentabilité des entreprises françaises se sont effondrés. Dans un tel paysage, il est illusoire de croire que la compétitivité externe et plus généralement les « réformes structurelles » suffiront à faire repartir notre économie. Au mieux, les gains en matière d’amélioration de la balance commerciale compenseront les efforts demandés aux Français. Au pire, ils se heurteront à l’agressivité des politiques néo-mercantilistes menées ailleurs en Europe et ne produiront aucun emploi en France, tout en dégradant les conditions et les revenus du travail.
Pour sortir de cette impasse, nous préconisons un choc de relance de 43 milliards d’euros, dont 28 seront financés par la dépense publique. On nous dit qu’il n’y a plus d’argent, que l’État est en faillite. Nous répondons que jamais dans l’histoire l’argent n’a été aussi bon marché, puisque la France emprunte aujourd’hui à moins de 2 % à dix ans. C’est d’ailleurs tout le paradoxe de la situation présente : l’épargne des ménages cherche vainement à se placer, même à faible prix, et notre « sérieux budgétaire » lui claque la porte au nez.
Notre plan de relance ne constitue rien d’autre qu’une tentative pour concilier les besoins de nos épargnants avec les besoins de notre économie. Nous proposons pour cela de lancer un grand emprunt populaire, rémunéré au taux du marché, soit environ 2 %. Les épargnants trouveront ainsi un placement sécurisé, simple et utile pour notre économie, légèrement mieux rémunéré que le livret A (1,75%). Afin de garantir la liquidité de cette épargne, l’État s’engagera à racheter ses créances aux souscripteurs qui en feront la demande. Cet emprunt aura ainsi un double avantage. D’un côté il donnera une vraie perspective citoyenne aux épargnants dont beaucoup sont réticents à placer leur argent dans des fonds dont la gestion est parfois opaque ; d’un autre côté il permettra à l’État de financer ses dépenses d’avenir sans avoir de comptes à rendre aux marchés financiers. Nos concitoyens auront ainsi l’assurance que l’argent récolté sera utilement dépensé, tandis que l’État pourra s’assurer d’une source de financement pérenne pour développer des projets ciblés et porteurs de croissance.