Le Monde.fr | 13.11.2014 à 18h16 • Mis à jour le 13.11.2014 à 18h40 | Par Nicolas Chapuis et Bastien Bonnefous
Le prochain congrès du Parti socialiste sera organisé les 5, 6 et 7 juin 2015. La commission chargée de délibérer sur la date du prochain congrès du PS doit se prononcer jeudi 13 novembre en début de soirée en faveur de ce calendrier, proposé par le premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis.
[il est tout bonnement fascinant que la presse soit tenue au courant d'une décision avant même que l'instance chargée de la prendre ne s'est pas réunie]
Cette date correspond à la préconisation faite lundi 10 novembre par la Haute autorité du PS. Elle doit être encore validée par le conseil national du PS qui se réunit samedi à l’Assemblée nationale. Quant au nom de la ville qui accueillera le congrès, il sera décidé ultérieurement, à la mi-décembre. Plusieurs circulent déjà : Avignon, Nantes, Metz…
Ainsi, c’est dans sept mois que les militants vont être appelés aux urnes pour renouveler l’ensemble de leurs instances fédérales et nationales, et choisir qui sera le futur premier secrétaire du PS.
Alors que la politique économique du gouvernement est contestée par une partie des cadres et des militants socialistes, ce congrès sera un moment de test pour le président de la République qui pourrait voir ses positions dans le parti fragilisées.
L’exécutif plaidait pour 2016
Redoutant son issue, les proches de M. Hollande comme ceux de M. Valls ont milité ces dernières semaines pour organiser ce congrès le plus tard possible, au cours de l’année 2016. Pour les «hollandais», c’était une façon d’en limiter les débats, en plaidant que les socialistes ne devraient pas se diviser lors d’un congrès si près de la présidentielle de 2017. Pour les amis du premier ministre, un tel agenda permettait de garder toutes les portes ouvertes pour leur champion, en cas d’échec du président de la République.
Le collectif «Vive la gauche», qui réunit les députés frondeurs et l’aile gauche du PS, plaidait au contraire pour l’organiser le plus vite possible en 2015. S’appuyant sur les statuts du parti, qui exigent l’organisation d’un congrès à mi mandat – c’est-à-dire fin 2014 – ils soulignaient la nécessité d’en presser la préparation. Ils étaient soutenus dans cette démarche par le dernier né des mouvements du parti, «Cohérence socialiste», animé par les députés Karine Berger, Valérie Rabault, Yann Galut et Alexis Bachelay.
Le pari de Cambadélis
Au milieu de ces débats, Jean-Christophe Cambadélis avait bien pris soin de garder le silence. «Si ça ne tenait qu’à moi je l’organiserais en février 2015», confiait récemment le premier secrétaire du PS d’un air amusé, pariant sur la désorganisation de ses camarades pour préserver son poste.
L’enjeu est grand pour M. Cambadélis, nommé à la tête du PS sans l’aval des militants en avril suite à la formation du premier gouvernement Valls et à la nomination de Harlem Désir au poste de secrétaire d’Etat aux affaires européennes. Il faudra à ce spécialiste des montages partisans un grand sens de la synthèse pour réussir à réunir sous la même motion les proches du président, du premier ministre et de Martine Aubry, laquelle incarne une sensibilité plus à gauche dans le PS.
M. Cambadélis espère que ce sont les autres qui devront faire corps autour de lui. «Il s’en fiche de la date, parce qu’il est persuadé qu’à la fin, il arrivera à neutraliser les autres quoiqu’il arrive», explique l’un des dirigeants du PS. «Il n’a pas les moyens de jouer son jeu comme il l’entend, il a un rapport de loyauté avec le président qu’il le veuille ou non», tempère un proche de M. Hollande.
Pour réussir «son» congrès, M. Cambadélis veut en faire un moment de discussion – en plus de ce que proposeront les différentes motions – autour de deux thèmes imposés : la réforme des institutions et la fin du quinquennat. Il compte également présenter dès le conseil national de samedi une «charte» définissant la «nouvelle identité» du PS, fruit de la synthèse issue des états généraux du parti organisés ces derniers mois.
Les socialistes critiques unis ?
L’un des enjeux politiques du congrès à venir est la capacité à s’unir de toutes les sensibilités critiques du PS. S’ils veulent peser contre les partisans de la politique gouvernementale et de l’axe Hollande-Valls, l’aile gauche du parti, les proches des anciens ministres Benoît Hamon et Arnaud Montebourg, comme les amis de Martine Aubry, doivent s’entendre pour faire bloc.
Les statuts du PS prévoient que les candidats des deux «motions» arrivées en tête s’affrontent pour le poste de premier secrétaire. La synthèse qui définit la ligne du parti doit en revanche se faire autour de la motion plébiscitée par les militants. «Le nouveau mode de scrutin nous oblige à nous unir dès le premier tour», explique ainsi Emmanuel Maurel, l’actuel leader de Maintenant la Gauche l’aile gauche du PS, qui avait recueilli 13 % des votes militants lors du congrès de Toulouse fin 2012. Le député européen rêve de faire du futur congrès un moment de «confrontation idéologique qui prenne à bras le corps la question de la politique économique menée par le gouvernement».
Mais le retour de Benoît Hamon, allié de circonstance avec Arnaud Montebourg, complique la donne. Une partie de l’aile gauche ne lui a pas pardonné d’avoir œuvré à l’installation de Manuel Valls à Matignon en avril. Si des discussions ont commencé entre les différentes tendances de l’aile gauche, un participant concède qu’il n’y a pour l’heure qu’«une ébauche de rassemblement».
Dans ce paysage, reste surtout à savoir ce que vont faire les «aubrystes». Les troupes de la maire de Lille, qui représente une sensibilité importante au centre et à la gauche du PS, sont pour l’instant divisées entre ceux qui participent au mouvement «Vive la gauche», et les autres qui restent plus proches de l’actuelle direction. «Le but n’est pas de dézinguer l’actuel premier secrétaire, mais de peser politiquement sur la ligne du parti», confie un proche de Mme Aubry.