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21 janvier 2013 1 21 /01 /janvier /2013 11:29

paul quiles1Lorsqu’un pays, même démocratique, se trouve engagé dans une opération militaire d’une certaine importance et très médiatisée, les responsables politiques et militaires bâtissent une stratégie de communication qui évite l’utilisation de certains termes, au profit de phrases et d’expressions bien choisies.

Ce recours à ce que l’on appelle « la communication de guerre » est inévitable, mais si elle ne s’accompagne pas d’une réflexion sérieuse, notamment sur l’origine du conflit et sur la nature et les objectifs des adversaires, on peut commettre des erreurs de diagnostic, conduisant à des erreurs dans la façon de les combattre.

Hier, lors d’une réunion-débat sur le Mali que j’ai tenue à Albi, j’ai, pu m’apercevoir combien la répétition de formules du genre « les terroristes criminels » ou « les trafiquants criminels » risquait de masquer les vrais enjeux de ce qui se passe au Sahel. Entendons-nous bien, les quatre groupes qui agissent violemment dans cette région utilisent le terrorisme, le crime et les trafics comme méthodes d’action, totalement condamnables, pour atteindre leurs objectifs. Mais c’est précisément les objectifs d’AQMI, d’Ansar Eddine, du Mujao et du MNLA qu’il faut essayer de connaître pour mieux les combattre.

C’est ce que je me suis efforcé de faire hier. Je me suis également référé aurapport d’information que j’ai présenté à l’Assemblée Nationale après les attentats du 11 septembre 2001 (lire le rapport http://www.assemblee-nationale.fr/11/rap-info/i3460.asp).

Il contient 33 propositions pour améliorer la lutte contre le terrorisme, qu’il n’est pas inintéressant de relire, dans le climat actuel. Il analyse aussi l’origine de l’islamisme violent, à partir de l’échec de l’islam politique dans sa stratégie de renversement de gouvernements nationalistes issus de la décolonisation et d’installation au pouvoir de régimes fondamentalistes.

Voici quelques extraits de ce rapport concernant ce dernier point.

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Une dérive de l’islamisme politique

Le terrorisme d’origine islamique n’est pas né le 11 septembre 2001, mais s’inscrit dans une histoire dont les origines remontent aux années 1970.

Il ne s’agit nullement de questions théoriques : seule une compréhension précise du phénomène permettra de lutter efficacement contre les réseaux d’Al Qaida.

Pour comprendre la genèse de la crise qui a éclaté au grand jour le 11 septembre 2001, il faut en revenir à deux dates charnières : 1979 et 1990.

* L’année 1979 est déterminante dans la mesure où elle est marquée par la conjonction de trois événements capitaux :

– en février, elle voit l’arrivée au pouvoir de Khomeyni à Téhéran, donc la prise du pouvoir en Iran par les radicaux chiites. Le succès de la révolution islamique en Iran en 1979 marque la première victoire "militaire" d’un mouvement de cette nature sur le monde occidental : les images des otages de l’ambassade américaine influencent profondément les mouvements islamiques existants, y compris ceux qui appartiennent à la mouvance sunnite ;

– l’autre événement majeur, au mois de novembre de la même année, a lieu avec la prise de la Grande Mosquée de La Mecque – lieu saint sunnite –, par Jouhaïmane Al-Outaïli. La Grande Mosquée reste entre les mains des rebelles pendant près de trois semaines. Les armées saoudiennes et jordaniennes restant impuissantes, c’est le groupe d’intervention de la gendarmerie nationale française (GIGN) qui fera sortir le groupe de Jouhaïmane des caves et des sous-sols du bâtiment ;

– l’année 1979 se termine enfin, en décembre, par l’invasion de l’Afghanistan par les troupes soviétiques. Afin d’affaiblir l’empire soviétique, les Etats-Unis conçoivent alors une stratégie destinée à faire de l’Afghanistan le Vietnam de l’Union soviétique, sans perdre une seule goutte de sang américain. A cette fin, les islamistes de tout bord, pro-américains, recrutés et financés par le Pakistan et l’Arabie Saoudite, soutenus par les Etats-Unis, sont envoyés en Afghanistan pour se battre contre l’Armée rouge. On retrouve une alliance ancienne entre l’Amérique et les islamistes que Washington avait considérée comme la meilleure parade contre le marxisme athée et l’avancée du communisme dans le monde musulman.

En résumé, l’année 1979 représente une date charnière, dans la mesure où c’est à ce moment que l’islamisme radical ne se contente plus de prospérer dans l’ombre des écoles coraniques, mais se transforme en un mouvement politique, victorieux en Iran, mis en échec par les Saoudiens. L’invasion de l’Afghanistan lui permet de devenir également une force de combat. Celle-ci sera bientôt alimentée par tous les agitateurs politiques du monde arabo-musulmans, frustrés voire réprimés par des Etats autoritaires, qui n’auront de cesse de s’en débarrasser en les envoyant en Afghanistan. Telle est notamment l’option choisie par l’Arabie Saoudite, qui voit, de toute façon, d’un mauvais œil le prosélytisme d’Etat de son grand rival chiite, lui préférant la diffusion de sa propre conception rigoriste de l’islam (wahhabisme), via les réseaux d’écoles coraniques qu’elle s’emploie à financer à travers le monde entier.

Avec l’expulsion des forces américaines et françaises du Liban en 1983, par le Hezbollah soutenu par l’Iran et la Syrie, et notamment la mise en scène d’attaques suicides massives, les islamistes enregistrent une deuxième victoire militaire et idéologique. Les prises d’otages consécutives dopent les mouvements radicaux et les confortent dans leur stratégie de terreur. Mais c’est avec la victoire des Afghans et des volontaires arabes et musulmans du monde entier sur l’Armée rouge que l’islamisme politique enregistre son succès militaire le plus éclatant, qu’il interprète immédiatement en termes idéologiques. Les moudjahidines, que l’on appelait alors en Occident les symboles de la liberté, les combattants de la liberté, se disent en effet que, s’ils ont été capables de défaire l’Armée rouge, a fortiori, ils seraient capables de défaire les gouvernements qui ne respectent pas la Charia, la loi islamique. Forts de leur expérience afghane et de cette conviction, ces hommes retournent alors dans leur pays d’origine – en Algérie, en Egypte et ailleurs – pour tenter de renverser leurs gouvernements.

* L’année 1990 représente l’autre date charnière dans l’histoire de l’islamisme politique. Saddam Hussein décide brutalement d’envahir le Koweït. Les Etats-Unis, ne pouvant laisser le dirigeant irakien contrôler, en plus du pétrole irakien, le pétrole du Koweït, et menacer par là-même l’Arabie Saoudite, leur vieil allié, militairement aussi bien qu’économiquement, mettent en place une coalition comprenant des Arabes et des Musulmans, afin que la riposte n’apparaisse pas comme une agression chrétienne contre un pays musulman.

Pour rallier les Arabes, Washington promet alors de créer un Etat palestinien aussitôt la guerre terminée. Les Arabes prennent très au sérieux cet engagement fermement mis en avant. Par ailleurs, pour rallier la coalition, la Syrie exige le droit d’intervenir au Liban contre les forces du Général Aoun. Le feu vert lui est donné. Quant à l’Egypte, la remise de la moitié de sa dette extérieure – 20 milliards de dollars – qu’elle réclamait, lui est accordée. Une fois mise en place, la coalition va défaire Saddam Hussein et le chasser du Koweït. Dès lors, l’armée américaine ne quittera plus l’Arabie Saoudite, où elle a été appelée par le roi Fahd le 8 août 1990. Or, selon les intégristes musulmans, la présence de Juifs et de Chrétiens est inacceptable sur la terre sainte d’Arabie. Les oulémas wahhabites, qui constituent le pilier religieux du régime saoudien, sont allés même plus loin en affirmant qu’un Musulman ne pouvait devenir l’ami d’un Juif ou d’un Chrétien, au risque d’être maudit. Fort de cette exégèse des textes, Ben Laden déclare qu’on ne peut pas mettre en contradiction les enseignements du Prophète, dans le pays même du Prophète.

La guerre du Golfe ajoute par conséquent un nouveau paramètre dans l’équation de l’islamisme politique : à la dimension fondamentaliste vient s’ajouter un sentiment anti-américain, qui va s’accroître tout au long des années 1990. Né de ce que les islamistes radicaux considèrent comme une trahison de la part du commandeur des croyants que le roi Fahd prétend être, à savoir l’acceptation de l’installation des Etats-Unis dans les lieux saints, il se nourrit en outre de l’échec des Etats-Unis à trouver une solution au problème israélo-palestinien et des conséquences dramatiques de la politique américaine en Irak, l’embargo conduisant à la mort de dizaines de milliers de civils, et notamment des plus faibles.

* Au cours des années 1990, la montée en puissance de l’antiaméricanisme ira de pair avec une exacerbation de la violence des groupes islamistes, qui les coupe de leur base sociale et les marginaliser petit à petit. Les classes moyennes pieuses, qui formaient, avec la jeunesse urbaine pauvre, le terreau de l’islamisme politique, refusent la radicalisation. C’est en ce sens que les plus éminents islamologues comme M. Gilles Kepel ou M. Olivier Roy, ont pu parler d’un échec de l’islam politique dans sa stratégie de renversement de gouvernements nationalistes issus de la décolonisation et d’installation au pouvoir de régimes fondamentalistes.

Pour certains pays européens, et notamment la France, et pour les Etats-Unis, les conséquences de l’émergence de l’islamisme politique n’en sont pas moins réelles : si l’islam radical a échoué dans ses projets politiques, il se développe en tant que mouvement terroriste, à telle enseigne que, dans un pays comme la France, le terrorisme est considéré comme la menace non militaire prioritaire.

Au sein de cette mouvance ultra-violente de l’islamisme terroriste, l’organisation créée par Ben Laden va se révéler la plus dangereuse, bénéficiant de l’expérience et de la fortune de son meneur. Fort de son passé de combattant contre l’Armée rouge, fort de la doctrine wahhabite qui interdit la présence des Chrétiens et des Juifs sur tout le territoire de l’Arabie Saoudite, Ben Laden renforce son organisation. Si Al Qaida est créée dès 1988, c’est dans le contexte de radicalisation des années 1990 que cette structure forge sa doctrine, à partir de 1996. Le nom d’Al Qaida se réfère au mot arabe signifiant « la base » : il s’agissait en l’occurrence de la base de données sur laquelle étaient enregistrés tous les moudjahidines venus de tout le monde arabo-musulman combattre en Afghanistan. Al Qaida désigne en fait deux réalités : la base logistique principale existant en Afghanistan, aujourd’hui largement détruite par l’opération américaine et les bases secondaires ; les réseaux, autonomes par rapport à ce noyau central et originel, dispersés à travers le monde.

En 1998, Ben Laden et ses adjoints ordonnent l’assassinat des Chrétiens américains et des Juifs où qu’ils se trouvent. Ben Laden ordonne ainsi de chasser d’Arabie l’armée américaine, de chasser les Juifs de Jérusalem – le troisième lieu saint de l’Islam – et de supprimer les vexations et l’embargo contre l’Irak. Ainsi, au-delà même de la problématique de l’échec de l’islam politique, la machine de guerre islamique est, elle, bel et bien lancée contre les Etats-Unis avant tout, et leurs alliés incidemment.

L’attentat contre le World Trade Center, en février 1993, qui fait six morts et un millier de blessés, a été la première opération terroriste menée sur le territoire américain. Cet attentat devait provoquer l’effondrement d’une tour sur l’autre, mais le camion piégé, mal placé, n’a pas fait céder la base des tours. A Ryad, un deuxième attentat contre une petite garnison d’entraîneurs de la garde nationale saoudienne, fait six victimes américaines. En juin 1996, un attentat contre la base militaire de Darran fait dix-neuf victimes parmi les militaires américains et un millier de blessés. L’année 1998 verra la double explosion des ambassades américaines à Nairobi et Dar Es-Salam. En 2000, c’est un bâtiment militaire américain de passage à Aden qui fait l’objet d’un attentat. Enfin, au moment de la fête du millénaire, la police américaine intercepte au Canada un Algérien à bord d’un véhicule chargé de 50 kilos d’explosifs destinés à provoquer une explosion sur l’aéroport de Los Angeles.

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commentaires

P
Sans doute intéressant mais incompréhensible en l'état actuel de la rédaction de cet article.<br /> Bien cordialement<br /> Pierre barat
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