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2 août 2012 4 02 /08 /août /2012 08:00

Libération – mercredi 1er août 2012
Enquête Le «pacte budgétaire» européen doit être examiné au Parlement à la rentrée. Au sein de la majorité comme au Front de gauche, l’opposition se prépare.
Par LILIAN ALEMAGNA

Hamon_Place_Melenchon.jpgBenoît Hamon (Photo Lea Crespi),
Jean-Vincent Placé
(Photo Laurent Troude)
et Jean-Luc Mélenchon (Photo Laurent Troude).

Comme un air de 2005. Le traité européen «sur la stabilité, la coordination et la gouvernance» (TSCG) doit débarquer au Parlement en septembre. A gauche, comme il y a 7 ans, certains refusent ce «pacte budgétaire» qui impose aux Etats membres de l’UE de garantir l’équilibre de leurs comptes publics, à travers la fameuse «règle d’or», interdisant les Etats à livrer un déficit supérieur à 0,5% du PIB. Approuver ou pas ? Demander un référendum ou se contenter de la voie parlementaire prévue ? En 2005, opposé au «traité établissant une Constitution pour l’Europe» (TCE), une partie de la gauche avait fait une campagne victorieuse : 54,7% pour le non au référendum convoqué le 29 mai par le président de l’époque, Jacques Chirac.

L’extrême gauche, les communistes, des associations comme Attac, des personnalités tels José Bové et une partie du PS emmenée par Jean-Luc Mélenchon avaient fait tréteaux communs contre le texte. Ils lui reprochaient notamment d’«inscrire dans le marbre» constitutionnel les «politiques libérales» de l’UE et de ne pas aller assez loin dans les garanties démocratiques. Ecologistes et socialistes, après référendum interne, avaient fait campagne en faveur du TCE. Mais, dans leurs camps, plusieurs voix s’étaient élevées pour le "non", et nombre de militants avaient rejoint les troupes de la gauche anti-TCE. 7 ans après, la question européenne s’invite de nouveau dans les débats de la gauche.

Si le Conseil constitutionnel décide, probablement le 9 août, qu’il faut une révision de la Constitution pour ratifier le traité, François Hollande devrait choisir la voie du Congrès du Parlement à Versailles. Car pas question pour le chef de l’Etat d’opter pour un référendum. François Hollande garde un trop mauvais souvenir de 2005. La défaite du "oui", qu’il portait comme premier secrétaire du PS, lui avait coupé l’élan vers une candidature présidentielle en 2007. Pas question non plus de prendre le risque d’un rejet du texte et d’une nouvelle pagaille européenne.

Durant la campagne présidentielle, il avait juré qu’il allait «renégocier» un traité déjà ratifié par plusieurs pays. Le chef de l’Etat est rentré du sommet de Bruxelles fin juin avec un «pacte de croissance». Trop peu, répondent les opposants au TSCG, qui contient la «règle d’or» sur l’équilibre des comptes publics. Un traité qui menace, à la rentrée, de fracturer de nouveau la gauche sur les questions européennes. Même si la droite votera un texte signé sous l’ère Sarkozy, permettant ainsi d’abréger le temps des divisions socialistes et écologistes. Hier, le patron des députés socialistes, Bruno Le Roux, a souhaité que la majorité présidentielle soit «clairement rassemblée» autour du chef de l’Etat. Vœu pieu ?

La position instable de la gauche du PS

Un «verrou libéral». Un «enfermement à double tour des politiques économiques de chaque Etat membre de la zone euro». Les socialistes de l’aile gauche du PS ont un «sérieux problème» avec ce traité, euphémise le député de Paris Pascal Cherki. Autant la droite serait au pouvoir, la gauche du PS n’aurait eu aucune hésitation. Comme en 2005, ces socialistes auraient déjà annoncé un vote contre le texte. Comme fin février, où ils figuraient parmi la quinzaine de députés socialistes qui ont voté contre le mécanisme européen de stabilité (MES) alors que le PS - encore dans l’opposition - appelait à s’abstenir. Et maintenant que la gauche est au pouvoir ? Sortiront-ils du rang ? «On va voir les textes qu’ils nous proposent, élude Henri Emmanuelli, leader du courant avec Benoît Hamon. Et on verra où en est l’Europe en septembre…» «Ce serait un aveu d’échec qu’au sein du PS ceux qui ont voté "non" en 2005 ne se fassent pas entendre», tance Alexis Corbière, soutien de Mélenchon au Parti de gauche (PG) et ex-socialiste.

Mais, à entendre les responsables du courant Hamon, on sent que la pente du «vote contre» est prise. «C’est la pire manière d’organiser l’Europe, explique Cherki. On prive les Etats de leur souveraineté économique et budgétaire, on ne fait pas un seul pas démocratique, et on se tourne vers la protection de la rente.» La vingtaine de députés étiquetés aile gauche du PS a commencé à attaquer en réunion de groupe. «Je suis très surpris de la virulence qui confine souvent à la maladresse des mecs d’Hamon», grince un député. «Il est probable que je vote contre», assure déjà Jérôme Guedj, nouvel élu de l’Essonne. «Ce n’est pas de la défiance, assure cet ex-protégé de Mélenchon. Il y a besoin de faire de la pédagogie et de pouvoir enfoncer le clou dans les prochaines négociations européennes.» Sa contribution, déposée la semaine dernière avec la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann en prévision du congrès PS de Toulouse en octobre, est plus claire : «Nous ne pouvons voter le TSCG en l’état, et nous plaidons pour une véritable renégociation.» Ces socialistes réclament «le contrôle des capitaux», «l’harmonisation fiscale garantissant une juste redistribution des richesses», la transformation des «missions de la banque centrale qui doit prêter directement aux Etats, racheter les dettes souveraines, recapitaliser des banques». «J’entends les mots. J’attends les actes», lance Alexis Corbière, du PG. On n’entend pas les proches de Fabius et Peillon, tous deux porteurs du "non" en 2005. Un fidèle de Montebourg, lui aussi ancien noniste, adresse un satisfecit à Hollande : «Il est rentré de Bruxelles avec des outils de croissance. Je ne pensais pas qu’on aurait des leviers comme ça au niveau européen.» Bien loin des tirades anti-austérité du défenseur de «la démondialisation».

Le Front de gauche réclame la voix du peuple

Ils sont les héritiers du "non" de gauche en 2005. Et ils auraient bien rêvé revivre l’histoire. Au Front de gauche, on revendique depuis déjà plusieurs mois un référendum sur un texte qu’on renomme «traité de l’austérité» : «Ce texte a été négocié par Nicolas Sarkozy et engage la France. Pour avoir plus de force dans la renégociation, il aurait fallu demander son avis au peuple», avance Eric Coquerel au Parti de gauche. Communistes et mélenchonistes ne lâchent pas l’affaire, ils réclament une consultation populaire. L’Humanité a lancé, le 20 juillet, une pétition pour la tenue d’un référendum sur le TSCG. Le Front de gauche va faire des questions européennes le «combat» de ses «estivales» fin août à Grenoble et de la Fête de l’Humanité mi-septembre. Ses responsables estiment que ce texte vise la mise en œuvre de «politiques d’hyperaustérité» qui «conduisent à la récession», analyse Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF. «Si François Hollande emprunte ce chemin-là, automatiquement, il ne pourra pas tenir ses engagements», poursuit-il.

En tête des critiques, la règle d’or. «Il y a une idéologie du refus de la dépense publique, s’insurge Martine Billard, coprésidente du PG. Le seul objectif est d’inscrire à perpétuité des baisses de dépenses publiques. Or il faut partir des besoins : à quoi servent les dépenses ? Quelles sont nos recettes ?» «La règle d’or contraint la France à une politique qu’elle ne pourra pas choisir, ajoute André Chassaigne, chef des députés Front de gauche. C’est un coup très grave porté à la souveraineté populaire.» Pour Dartigolles, une telle règle «priverait un gouvernement de la possibilité de faire face à l’urgence sociale en faisant de la dépense utile». «Il n’y a qu’à regarder la Grèce pour comprendre ce que ça donne», renchérit l’antilibérale Clémentine Autain, soutien de Mélenchon dans la campagne présidentielle. Le pacte de croissance ramené de Bruxelles par Hollande ne suffit pas à compenser ? «C’est un habillage qui n’a pas la puissance de feu du traité budgétaire», rétorque Dartigolles. Non, c’est non. Comme en 2005. Députés et sénateurs Front de gauche voteront contre. Question d’identité, martèle Autain : «Cette bataille est structurante entre la gauche sociale-démocrate et la gauche radicale

Les écologistes en ordre dispersé

Leur vote au Parlement européen début juillet annonce la couleur. Sur 16 eurodéputés, 7 ont voté en faveur d’une résolution approuvant les conclusions du sommet de Bruxelles - donc le traité budgétaire et celui sur la croissance -, 6 se sont abstenus et 3 ont voté contre. Preuve de la difficulté des prises de position à venir, José Bové, farouche partisan du "non" au TCE en 2005, a voté pour le nouveau texte. En revanche, Eva Joly a voté contre. «José a énormément évolué. Il est entré dans une vraie logique de compromis depuis qu’il est eurodéputé, observe Pascal Durand, n° 1 d’EE-LV. Eva, elle, se met dans la peau du citoyen grec qui souffre. Donc elle ne peut pas accepter ce traité

Les écologistes vont se coltiner la question européenne dès leurs journées d’été à Poitiers mi-août. Daniel Cohn-Bendit a prévu d’animer une plénière sur ce thème-là. «Je vais cogner ! Le débat sera très dur !» prévient le chef des eurodéputés écologistes. Partisan d’un vote des parlementaires, Cohn-Bendit critique la «posture» des présidents de groupes Jean-Vincent Placé et François de Rugy, prêts à voter contre le TSCG à la rentrée. «Ils sont incohérents… Ils accordent leur confiance, et ensuite ils rejettent ce texte ! tacle Cohn-Bendit. Ils ne veulent pas rater l’occasion de prouver qu’ils sont à gauche.» Réponse du sénateur Placé : «J’approuve la politique d’efforts qui nous est demandée par le gouvernement. C’est pour cela que je voterai le budget. Mais si cela réussit, sommes-nous obligés de continuer ? Je ne veux pas graver dans le marbre l’austérité voulue par les conservateurs allemands.» Avec ses homologues députés, François de Rugy et Barbara Pompili, Placé a fait part de sa position au Premier ministre. «Hollande a obtenu des petits bougés, mais est-ce que ça change vraiment la donne ?» s’interroge Rugy. «A titre personnel», il «penche» pour un vote contre. «On est proeuropéens, mais ça ne veut pas dire que tout ce qui est estampillé UE est bien !» se justifie-t-il. «J’ai peur qu’une partie de leurs prises de position soit assez politicienne et non pas sur des convictions profondes», critique Martine Billard (PG), ex-responsable des Verts. «Chaque avancée européenne est bonne à prendre, mais les contreparties ne sont pas claires», défend Pascal Durand, qui veut que son parti «parle d’Europe» avant de prendre une position. «Il faut regarder ce qui va être mis au vote», patiente celui qui a succédé à Cécile Duflot à la tête d’EE-LV. Il est sûr d’une chose : «Avec Dany à Poitiers, ça va être chaud. Il est en capacité de retourner une salle

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