Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, a donné un nouveau coup de canif cet après-midi qui met à la fois en cause les protections nécessaires dont bénéficient les salariés. En effet, il a invité jeudi les partenaires sociaux à « améliorer » l'accord national interprofessionnel (ANI) de 2013 et s'est prononcé pour que le temps de travail puisse être modulé par des accords majoritaires dans l'entreprise ou la branche.
Au prétexte que l'obligation pour une entreprise de passer devant un juge pour suspendre un accord de maintien de l'emploi et procéder à des licenciements rebuterait une partie du patronat, il s'est prononcé pour l'extension de la durée de tels accords au-delà de deux ans.
Il a dans le même mouvement introduit une nouvelle brèche dans la législations du temps de travail ; faisant mine de vouloir préserver la durée légale, il a affirmé que « le cadre légal des 35 heures n'est pas suffisant car les salariés comme les entreprises ont besoin de plus de souplesse […] Le vrai progrès, c'est de donner à chacun la possibilité de choisir, dans un cadre organisé et sécurisé par l’État et par les partenaires sociaux. […] Ces accords, qu'ils soient de branche ou d'entreprise, peuvent fournir des cadres plus adaptés à la négociation du temps de travail et ils ne sont pas pour autant synonymes de remise en cause des 35 heures. »
Ces déclarations, dans la droite ligne des précédentes, sont mal venues car elles mettent à nouveau à mal l'application concrètes des 35 heures, alors même que les salariés français travaillent déjà en moyenne 38 heures par semaine.
Elles mettent gravement en cause la hiérarchie des normes, en donnant la prééminence aux accords d'entreprise et de branche face à la loi, qui est pourtant la garantie qu'offre la puissance publique aux salariés de notre pays. Elles aggravent l'affaiblissement du principe de faveur (déjà contenu dans les amendements Warsmann, dans l'ANI et sa transcription dans la loi) qui implique que c'est la mesure la plus favorable – entre la loi, la convention collective, l'accord de branche ou d'entreprise – qui s'applique au salarié.
Enfin, elles mettent à nouveau les syndicats de salariés en position défensive, alors que le rôle d'un gouvernement de gauche devrait être de prendre mieux en compte les attentes des salariés qu'ils représentent. Les confédérations syndicales elles aussi ont des propositions pour faire face à la crise économique et sociale, mais nous déplorons que systématiquement ce soit les revendications du MEDEF qui soient relayées au plus haut niveau de l’État (comme on l'a entendu encore récemment lorsque le Président de la République a annoncé que l'application du compte pénibilité serait soumise à « l'expertise » d'un parlementaire et d'un patron, sans associer de syndicaliste).
Maintenant la Gauche réaffirme son attachement à la durée légale des 35 heures et à leur application concrètes, qui ont déjà été excessivement assouplies sans que cela n'ait apporté aucun résultat économique. Au contraire, nous sommes favorables à de nouvelles avancées dans la réduction du temps de travail.
Nous appelons également au retour du respect de la hiérarchie des normes et du principe de faveur, mis à mal par l'ANI et les amendements Warsmann.
Nous incitons au contraire le ministre de l'économie à s'occuper prioritairement de la compétitivité hors coûts de l'appareil productif français pour que notre économie retrouve la dynamique nécessaire au retour de la croissance et des créations d'emplois.