
Un nouveau réalisme économique de gauche.
Lors de la rédaction de notre motion nous ne pensions pas que les faits viendraient si rapidement confirmer nos thèses. Ainsi la crise que nous vivons joue un vrai rôle de révélateur des résultats des politiques suivies par notre parti depuis plus d’une décennie. Outre le fait qu’aujourd’hui l’orientation sociale libérale est un échec électoral, non seulement en France mais partout en Europe ou 15 suffrages sur 16 ont été perdus par la sociale démocratie européenne, elle apparaît à ce jour pour ce qu’elle est : un échec économique et social. Il n’est pas faux de nuancer nos échecs nationaux par les victoires aux élections locales. C’est vrai. Car les français pensent que localement les socialistes sont aptes à changer les choses. En revanche nous avons nous même accrédité le fait qu’au niveau national, nous devons accepter les contraintes économiques et donc qu’il n’y a pas d’alternative possible à un simple accompagnement social des politiques macroéconomiques de droite. Cette orientation prend corps de la manière la plus crue lorsqu’on trouve, à la suite de chaque annonce faite par Nicolas Sarkozy, un socialiste pour être d’accord avec lui. C’est pour cela que nous revendiquons la construction d’un nouvel axe majoritaire qui change l’orientation du Parti socialiste. En effet malgré les effets de Congrès, souvent à gauche toutes, comment croire que ceux qui dans les 20 dernières années, sont associés intellectuellement et idéologiquement à la marchandisation croissante de la société, au recul de la puissance publique et à la mise en retrait des mécanismes collectifs de solidarité seraient les plus crédibles pour proposer une sortie de crise. Sans parler de modernité, c’est la crédibilité économique et politique qui a objectivement changé de camp. Nous proposons donc dans cette période de crise de définir les principes d’un nouveau réalisme économique de gauche.
L’unité européenne a été obtenue de façon poussive sur le plan de sauvetage. Il faut se souvenir des réactions invraisemblables de la Commission européenne appelant aux premiers jours de la crise au respect strict des critères du pacte de stabilité ou s’inquiétant de la comptabilité de la recapitalisation de Dexia avec le droit européen en matière d’aides d’Etat. Cette crise a aussi souligné quelques tares de la gouvernance économique de l’Europe qui faute de fédéralisme budgétaire, ne peut par exemple lancer un emprunt européen ni lever un impôt pour financer une caisse de recapitalisation européenne ; Alors faute de mieux, ceci a conduit les Etats membres à suspendre discrètement l’application du pacte de stabilité pour se libérer des contraintes budgétaires, ce que nous sommes un certain nombre à demander au demeurant depuis longtemps pour pallier les insuffisances du budget communautaire.
Il faudra également un meilleur contrôle des activités bancaires et de crédit
La lutte contre les paradis fiscaux doit venir au premier plan de notre action internationale ; leur existence facilite les transactions les plus occultes et les plus risquées, notamment grâce au secret bancaire et aux règles fiscales appliquées. J’identifie quelques décisions prioritaires : le renforcement de la directive Epargne, la création d’une nouvelle taxe financière vers les territoires qui refusent de mettre en oeuvre une véritable coopération fiscale et judiciaire ou la mise en oeuvre d’un traité international qui impose la levée du secret bancaire à la demande des autorités compétentes. Par ailleurs, les conditions du crédit doivent être plus nettement encadrées pour ne pas engendrer de risques inconsidérés, ou au contraire pour en garantir l’accès.
Il faudra ensuite agir pour modifier la répartition des richesses
La crise financière n’est pas seulement due à la prolifération de produits dérivés toxiques. Elle trahit l’épuisement du modèle américain qui a creusé les inégalités. Alors que les hauts revenus augmentent régulièrement, les revenus des classes moyennes et modestes stagnent. La croissance de la période 2002-2006 ne pouvait être tirée que par leur endettement, alimenté par le crédit hypothécaire nourri par la machinerie financière aboutissant à titriser les créances toxiques achetées par les acteurs financiers du monde entier.
Certes, le taux d’endettement des ménages français est encore relativement faible, mais la crise du pouvoir d’achat et la crise du logement conduisent déjà au surendettement de nombreuses familles. Il y a une urgence sociale et un impératif économique à mettre un terme à la modération salariale, d’autant que les profits n’alimentent plus l’investissement et sont en majorité consacrés à la rémunération d’actionnaires dont l’épargne a nourri les bulles spéculatives sur les marchés boursiers. C’est pourquoi la politique salariale doit conduire à l’indexation des salaires sur les gains de productivité et l’inflation.
On ne pourra échapper à la fixation des restrictions européennes au libre-échange
Le libre-échange n’est pas étranger à la pression exercée à la baisse sur les salaires. C’est pourquoi le débat sur les restrictions au libre-échange, porté par OBAMA aux Etats-Unis, est plus actuel que jamais si la gauche entend favoriser les conditions d’une harmonisation vers le haut des normes sociales dans le cadre d’une coopération internationale. On le verra dans les prochains mois, lorsque des acteurs importants de l’industrie mondiale, par exemple dans le secteur automobile, connaîtront des difficultés considérables à cause des distorsions de concurrence. La « préférence communautaire » doit être au coeur de la politique industrielle de l’Europe, pas dans un but de protectionnisme étroit, mais pour faire payer aux producteurs « moins disant » le coût de leur « dumping social ».
Il nous faut une vision ambitieuse du développement de l’Etat-Stratège
Le retour de l’intervention de l’Etat ne doit pas se cantonner à socialiser les pertes, en recapitalisant les acteurs financiers qui ont flambé en bourse l’argent des épargnants, pour privatiser ensuite le bien public. Les marchés financiers livrés à eux-mêmes se sont trompés. Il faut que la recapitalisation du système financier soit l’occasion de définir le périmètre d’un pôle public financier stable et solide. Celui-ci doit être mis au service de la politique industrielle, dans le cadre d’un développement durable. Le pacte de stabilité a d’ores et déjà été suspendu par l’Eurogroupe pour permettre aux Etats-membres d’emprunter. Il doit être enterré pour ne pas devenir l’alibi de la réduction du périmètre des services publics.
Une réforme fiscale doit être engagée pour éviter que le financement du plan de sauvetage ne pèse sur les revenus moyens et modestes qui subissent de plein fouet la crise du pouvoir d’achat. Le bouclier fiscal doit être levé. Il faut créer un grand impôt universel et progressif sur le revenu en fusionnant l’IR et la CSG. Il faut aussi rendre progressif l’impôt sur les sociétés et le moduler selon l’usage qui est fait des bénéfices.
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Voila les propositions que nous portons face à cette crise financière majeure. Elles sont à la hauteur des enjeux. Pour juger nous en appelons à la lucidité des militants. Ce Congrès doit être celui du changement d’orientation et de pratique du parti. Il n’y aura pas de vote utile car il n’y aura pas de motion qui dépassera les 50% des suffrages exprimés le 6 novembre au soir. Il n’y a aura pas de motion qui, plus que la nôtre, aura rassemblé ce qui semblait épars sur une même ligne politique. Rassemblement autour d’un candidat de 41 ans, fil d’ouvrier et fier d’être de gauche.
Alors ne vous faites pas voler ce Congrès. Le 6 novembre votez en fonction de vos convictions, le choix des personnes, ne viendra que dans un second temps. Si vous souhaitez réellement réorienter la politique du Parti , reprendre un Monde d’avance et redonner l’espoir à gauche votez pour la motion C.