Première contribution (rédigée par plusieurs membres du groupe de réflexion consacré aux “Inégalités”.)
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Nicolas Sarkozy a annoncé l’ouverture d’un « grand débat sur le financement de la santé », qui pourrait déboucher dès 2009 sur une refonte de la prise en charge des dépenses de soins par l’assurance maladie obligatoire. S’ajoutant à la franchise médicale disposée par le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2008 et au projet de loi sur la modernisation de l’organisation des soins attendu pour l’automne prochain, cette refonte constituera une remise en cause fondamentale de notre système de santé et de protection sociale.
L’objectif annoncé de Nicolas Sarkozy: faire le partage, dans les dépenses de santé, entre ce qui relève de l’assurance maladie obligatoire et ce qui incombe, selon lui, à la « responsabilité individuelle ». Autrement dit : décider de ce qui doit être déremboursé par la « Sécu », financé par les organismes complémentaires (mutuelles, institutions de prévoyance et sociétés d’assurance) ou porté à la charge directe des ménages.
Derrière cet affichage de rationalisation des choix budgétaires en matière de santé, c’est la remise en cause des fondements du pacte républicain issu du Conseil National de la Résistance, qui est engagée. L’égal accès aux soins par la socialisation des dépenses (chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins) est menacé. La marchandisation de la santé est à l’œuvre, qui entame ce principe d’égalité. Le transfert de charges et de responsabilités vers les acteurs du marché, opéré notamment dans de nombreux pays européens, participe de cette évolution. Il a inspiré les derniers travaux de l’Institut Montaigne. Peut-être influencera-t-il aussi le gouvernement ?
Il est vrai que la dégradation des comptes sociaux, notamment dans la branche maladie, est très préoccupante. En 2004, la « réforme Douste-Blazy et Bertrand » prévoyait un retour à l’équilibre des comptes de l’assurance maladie obligatoire à l’horizon de 2007. Or, en 2007, le déficit atteint près de 5 milliards d’euros. Ne serait-ce que d’un point de vue économique, le bilan de la droite est catastrophique.
Toutefois, redéfinir les rôles des différents financeurs des systèmes de santé et de protection sociale, comme le souhaite Nicolas Sarkozy, n’est pas de nature à résorber durablement cette crise financière. D’une part, le transfert de charges de l’assurance maladie obligatoire vers les organismes complémentaires et les ménages risque, sans autre réforme, d’augmenter le coût de la santé pour les particuliers. Cotisations sociales, impôts et CSG, cotisations de mutuelles ou primes d’assurances, franchises, dépassements d’honoraires et dépenses non remboursables : quel que soit le financeur apparent, le coût de la santé, finalement, est supporté par les ménages. Ce qu’envisage Nicolas Sarkozy est bien de nature à accroître leur problème de pouvoir d’achat et, en conséquence, les inégalités de santé et d’accès aux soins.
D’autre part, une politique qui porterait sur la seule répartition de la dépense, sans chercher à peser sur son fait générateur, en particulier sur certains dysfonctionnements du système de santé qui sont inutilement coûteux, n’aurait d’effets que de court terme.
L’approche strictement financière, surtout si elle ne concerne que les dépenses de la protection sociale obligatoire, n’est donc pas pertinente. C’est l’organisation tout entière du système de santé qu’il faut considérer. Ce sont les situations peu efficiences, voire des pans entiers d’économie de la rente, qu’il faut profondément réformer. Pour atteindre trois objectifs : une protection sociale obligatoire vraiment solidaire et universelle, la réduction des inégalités sociales et territoriales devant la santé et dans l’accès à des soins de qualité, ainsi que l’élévation du niveau global de la santé.
1. Constat
Il subsiste en France d’importantes inégalités sociales et territoriales devant la santé. En outre, les inégalités dans l’accès aux services de santé se sont accrues sur la période récente.
Alors que l’Organisation mondiale de la santé classait en 2000 le système de santé français au premier rang, de nombreuses enquêtes pointent des inégalités persistantes. Ces disparités face à la maladie et la mort résultent pour partie des inégalités d’accès aux soins de santé, mais ont également pour cause des inégalités économiques, sociales, culturelles et de comportement, aggravées par une politique de prévention inadaptée.
o Un système de santé classé au premier rang
• En 2006, l’espérance de vie des Français à la naissance est une des plus élevées d’Europe : 84 ans pour les femmes, 77 ans pour les hommes. En 10 ans, celle-ci a progressé de 3 ans pour les hommes et 2 pour les femmes.
• Cependant, si cette progression globale est continue depuis une cinquantaine d’années, on assiste également à un creusement des écarts en fonction des catégories sociales.et des territoires
o Des inégalités sociales de santé persistantes
• Ainsi, l’espérance de vie à 35 ans des hommes est fortement corrélée à la catégorie sociale d’appartenance avec un gradient de situations du statut d’ouvrier à celui de cadre (données 2005). Si l’espérance de vie à 35 ans d’un ouvrier est de 39 ans, elle est de 40 ans pour un employé, de 43 ans pour une profession intermédiaire, et de 46 ans pour un cadre. La probabilité de mourir entre 35 et 65 ans est deux fois plus élevée chez les ouvriers que chez les cadres (26% vs 13%), et trois fois plus élevée chez les chômeurs que chez les actifs avec emploi.
• A ces écarts objectifs s’ajoutent des écarts plus subjectifs, mais tout aussi révélateurs, car liés à l’état de santé perçu. 8% des personnes ayant les plus bas revenus (soit un niveau de vie inférieur à 60% du niveau de vie médian) estiment être en mauvaise ou très mauvaise santé, contre 4% pour l’ensemble de la population (données 2002/2003). Ils sont 16% à considérer que leur état s’est dégradé d’une année sur l’autre contre 12% pour la population générale.
o Des inégalités d’accès aux soins
• Ces disparités sont à mettre en regard avec les inégalités d’accès aux soins.
• Les personnes ayant les plus bas revenus considèrent que leur état de santé se dégrade et, en même temps, leur recours aux soins est moindre que le reste de la population. Parmi les personnes ayant les plus bas revenus, 21% n’ont pas consulté de médecins généralistes l’année passée, contre 17% de la population générale (données 2002/2003). Pour la consultation d’un spécialiste, les chiffres sont respectivement de 53% contre 40%.
• Les personnes ayant les plus bas revenus renoncent aux soins pour des raisons financières. En 2004, ce sont les ménages d’employés et d’ouvriers qui déclarent le plus de renoncements à des soins (traitements dentaires, achat de lunettes) pour des raisons financières.
• Ces inégalités ne peuvent qu’aller en s’aggravant face à la dégradation de la prise en charge financière. Les dépassements d’honoraires ont été multipliés par 2 en 15 ans pour atteindre un niveau moyen de 19 euros (soit presque la valeur d’une consultation de généraliste en tarifs opposables). Or, les deux tiers des dépassements d’honoraires ne sont pas pris en charge par les organismes complémentaires. S’il n’y a que 5% des cadres qui n’ont pas de complémentaire santé, ils sont deux fois plus nombreux chez les ouvriers.
• Les plus démunis, dont la solvabilisation de l’accès aux soins est censée être assurée par la couverture maladie universelle, sont victimes de refus de prises en charge de la part de professionnels de santé libéraux.
o Des comportements face à la santé liés aux inégalités sociales
• Si l’accès aux soins peut expliquer pour partie les inégalités sociales de santé, celles-ci sont avant tout le produit de disparités de conditions d’existence, et par conséquent de comportements et modes de vie.
• Ainsi, lorsqu’on s’intéresse aux consommations de tabac, responsables de 60 000 décès par an et principale cause de mortalité évitable en France, on constate des comportements fortement corrélés aux conditions sociales. 31% des cadres sont fumeurs, 37% des employés et professions intermédiaires, 45% des ouvriers et 52% des chômeurs.
• Ces disparités sont observables également chez les enfants. D’après une enquête réalisée en 2002, auprès des élèves de troisième, 8% des enfants de cadres sont en surpoids et 1,4% obèses. Ces chiffres sont respectivement de 9% et 3,9% chez les enfants de professions intermédiaires, et 15,5% et 7,9% chez les enfants d’ouvriers non qualifiés. 0,5% des enfants de cadres ont des caries non soignées. Ils sont 3,2% chez les enfants de professions intermédiaires et 8,5% chez les enfants d’ouvriers non qualifiés
o Une politique de prévention inadaptée
• Les politiques de prévention mises en place en France ne répondent pas à ces inégalités. D’une part, elles n’ont pas les moyens de leur ambition. Certes, elles poursuivent 101 objectifs de santé publique. Mais aucun ne porte sur les inégalités sociales, ni territoriales.
• D’autre part, elles privilégient une approche individuelle (dépistage) à une dimension collective (éducation et promotion de la santé), et donc les personnes les plus insérées au détriment des autres. 34% des femmes ayant les plus bas revenus n’ont jamais réalisé un examen de dépistage du cancer du sein contre 19% pour l’ensemble de la population. Ces chiffres sont respectivement de 12% et 6% pour le dépistage du cancer de l’utérus.
2. Analyses
L’organisation du système de soins n’est pas de nature à répondre aux inégalités, notamment sociales, devant la santé. Les projets de la droite en vue d’une évolution des systèmes de santé et de protection sociale vont accroître les inégalités dans l’accès aux services de santé.
o Non seulement notre organisation sanitaire n’est pas de nature à réduire les inégalités devant la santé, mais elle accroît aussi les inégalités dans l’accès aux soins.
• En France, le système de santé finance quasi exclusivement les soins et néglige la prévention. Or, le renforcement du volet préventif des politiques sanitaires est nécessaire à lutte contre les inégalités devant la santé, qui sont notamment sociales et socioculturelles. Au sein des politiques de prévention, la santé au travail reste largement ignorée. Les maladies professionnelles et les accidents du travail sont méconnus, peu prévenus et sous déclarés, constituant dès lors une charge indue pour l’assurance maladie obligatoire.
• L’organisation sanitaire est en principe de la compétence ce l’Etat. Mais, au niveau central comme au niveau déconcentré, l’action publique est souvent défaillante. Il n’y a pas de pilote. Les services de l’Etat tentent de réorganiser l’offre de soins hospitaliers, en multipliant des réformes, sans constance, ni objectif clair (si ce n’est l’affichage d’une nécessaire rationalisation budgétaire). L’assurance maladie obligatoire s’efforce pour sa part d’organiser la médecine de ville. Mais son monopole, dans les négociations avec les professionnels de santé libéraux, apparaît fragilisé. Cette dichotomie dans la gouvernance du système de santé et de sa régulation est un obstacle à une meilleure coordination hôpital-ville, source d’amélioration de la qualité de la prise en charge, notamment des patients les plus lourds ou des populations les plus démunies.
• Notre système de santé reste largement « hospitalocentré ». Mais ce modèle est en crise. D’un côté, l’égalité devant le service public hospitalier est devenue un mythe : tous les malades ne bénéficient pas d’un égal traitement dans tous les hôpitaux sur tout le territoire national. L’offre de soins est à la fois souvent redondante et ponctuellement insuffisante, dans certains secteurs géographiques ou pour certains services, par exemple pour la chirurgie en tarifs opposables ou les soins de suite et de réadaptation. La qualité des pratiques professionnelles, des services et des établissements de santé est mal évaluée, peu sanctionnée, manifestement inégale et sans doute en voie de dégradation. Enfin, le secteur privé à l’hôpital public facture les dépassements d’honoraires les plus élevés et incite à l’organisation de plusieurs files d’attente (en tarifs opposables ou en honoraires différents). De l’autre côté, les cliniques privées à but lucratif sont rachetées, une à une, par des fonds spéculatifs étrangers. La « bulle spéculative des cliniques » est préoccupante pour le maintien d’une offre de soins à tarifs opposable (80% des chirurgiens exercent dans le secteur 2 à honoraires différents), pour la maîtrise des dépassements d’honoraires dans ces établissements, voire pour la pérennité même de ces structures.
• Notre organisation sanitaire se réfère toujours à la « charte de la médecine libérale de 1927 ». Les principes de cette charte ne permettent pas, en premier lieu, une prise en charge médicale adaptée aux besoins des populations les plus vulnérables et accentuent, en second lieu, le développement des inégalités dans l’accès aux soins. Le paiement à l’acte, par exemple, ne valorise pas la prévention, le suivi du patient et la coordination des soins. Il est également propice au développement des dépassements d’honoraires médicaux, qui ont doublé en quinze ans. Quant à la liberté d’installation, elle conduit à la création de déserts médicaux dans les banlieues et à la campagne, creusant ainsi les inégalités territoriales.
o Les projets de la droite, de portée sans doute plus limitée qu’annoncée, accroîtront encore ces inégalités.
• La « réforme Douste-Blazy et Bertrand » n’a pas tenu sa promesse économique : le retour à l’équilibre des comptes de l’assurance maladie obligatoire. Elle n’a pas vraiment réformé non plus l’organisation des soins. Le « médecin traitant » n’est que l’institutionnalisation du médecin de famille. Le « dossier médical personnel » reste en souffrance. La coordination des soins est trop souvent un vain mot. Le « parcours de soins coordonnés », lui, est prétexte à des augmentations tarifaires. Les tarifs conventionnels sont devenus trop complexes pour être compris des patients. Ne demeurent finalement que le droit ouvert aux médecins spécialistes du secteur 1 à tarifs opposables de facturer des dépassements d’honoraires aux patients non adressés par leur médecin traitant, de même que la création d’une première franchise de 50 euros annuels sur les actes médicaux et de biologie. Cette franchise, censée « responsabiliser » les assurés sociaux, pénalise en fait les malades et les pauvres. On parle de « TVA sociale » : il s’agit là d’une « TVA sanitaire ».
• La création d’une deuxième franchise annuelle de 50 euros par Nicolas Sarkozy à compter de janvier 2008 montre bien le modèle assurantiel sur lequel se fonde l’UMP en matière d’assurance maladie. L’assurance d’une voiture comprend une franchise. La santé s’assure désormais comme une voiture. Ce choix, qui suppose une marchandisation du vivant, est contraire à notre éthique (la santé n’est pas un commerce). Il risque cependant d’inspirer le « grand débat sur le financement de la santé » au premier semestre 2008.
• Martin Hirsch a proposé la création d’un « bouclier sanitaire », visant à maîtriser les restes à charge des ménages (c’est-à-dire les dépenses non remboursées par l’assurance maladie obligatoire). Au-delà d’un seuil fixé en fonction du revenu de l’assuré social, le ticket modérateur serait supprimé ou pris en charge par l’assurance maladie obligatoire. Avec cette mesure, la « Sécu » changerait fondamentalement : aujourd’hui, les cotisations sont fonction du revenu et les remboursements de l’état de santé ; demain, les cotisations et les remboursements seraient fonction du revenu. Dans les pays qui ont choisi ce modèle, les hauts revenus ont le droit de sortir du système de protection sociale solidaire. En irait-il de même chez nous ?… Autre problème : le dispositif du Haut-commissaire aux solidarités actives n’embrasse pas les principales sources de restes à charge (dépassements d’honoraires, prothèses dentaires, prestations d’optique, actes hors nomenclature et franchises). C’est un bouclier percé ! Toutefois, ses effets dynamiques pourraient être délétères. D’une part, il pourrait entamer le consentement des jeunes actifs (à la fois contribuables et peu malades) à financer un dispositif solidaire de protection sociale dont ils bénéficieraient plus à plein. D’autre part, seuls les patients les plus malades ou les familles modestes auraient intérêt à conserver une couverture maladie complémentaire, les autres pouvant préférer l’épargne et l’autoassurance, ce qui pourrait entraîner des tensions fortes et contradictoires sur les tarifs des mutuelles, institutions de prévoyance et sociétés d’assurance. Aussi, il est probable, à court terme en tout cas, que le projet de Martin Hirsch ne sera pas retenu.
• Que fera donc le gouvernement ?… Faire semblant de réorganiser le système de soins, en créant des Agences régionales de santé, apparemment de bon sens, mais qui peuvent menacer à terme la solidarité nationale sur laquelle se fonde, tant bien que mal, le système de protection sociale. Dérembourser des médicaments, comme régulièrement depuis six ans. Dérembourser les prothèses d’optique, en tout cas pour les adultes, pour faire plaisir aux sociétés d’assurance. Dérembourser peut-être tout ou partie des dépenses en dentaire. Encourager la création d’un « secteur optionnel » pour les chirurgiens, c’est-à-dire engager un processus d’extinction du secteur 1 à tarifs opposables pour l’ensemble des spécialités médicales. Et enfin, réformer le régime des affections de longue durée, aujourd’hui prises en charge à 100% par l’assurance maladie obligatoire, en instaurant un ticket modérateur de 5 à 10%, voire davantage pour certains médicaments… Voilà bien ce qu’il devrait rester, à brève échéance, du projet de Martin Hirsch ! Le coût serait exorbitant pour les 8% d’assurés sociaux qui n’ont pas de couverture maladie complémentaire pour prendre en charge ces dépenses nouvelles. Il serait non négligeable pour les 92% qui ont une couverture complémentaire, dont les tarifs devront augmenter.
3. Propositions
La gauche doit proposer une réforme du système de santé visant à combattre ces inégalités. Compte tenu de la dégradation des comptes sociaux, elle doit préparer également une réforme du financement du système de protection sociale.
o Pour combattre les inégalités devant la santé et dans l’accès aux soins, la gauche doit proposer une réforme profonde du système de santé.
• Les dépenses hospitalières représentent 48% des dépenses de santé. La lutte contre les inégalités devant la santé et dans l’accès aux soins, l’amélioration de la qualité dans le champ sanitaire, mais aussi les économies à réaliser, passeront donc d’abord par l’hôpital. La gauche a souvent été critiquée pour son « hospitalocentrisme », qualifié alors de conservateur. A l’avenir, il lui faudra inventer un discours réconciliant la défense légitime du service public hospitalier et de ses tarifs opposables, la recherche d’une amélioration de la qualité des pratiques, des services et des établissements de santé, et enfin la rationalisation de l’offre de soins hospitaliers et l’amélioration de son adéquation aux besoins. Il ne sera sans doute pas nécessaire de fermer des établissements de santé. Mais il est évident qu’il faudra restructurer des services. De façon déterminante, un équilibre devra être trouvé entre excellence et proximité. Pour les pathologies les plus lourdes, dont le traitement dans des conditions de qualité référencée suppose la constitution de plateaux techniques de haut niveau, la concentration de l’offre de soins hospitalier à l’échelon régional sera vraisemblablement indispensable. Pour des hospitalisations longues ou de moindre technicité, en revanche, le maintien de services de proximité devra être recherché (services de médecine générale, services de soins de suite et de réadaptation, hospitalisation à domicile, etc.). En tout état de cause, la qualité du service médical rendu aux patients est le seul critère pertinent d’une réforme de la carte hospitalière. Il ne s’agit pas, en effet, sans principe ni critère, de faire du « Dati » à l’hôpital public !
• La gauche devra également proposer un changement de logiciel pour la médecine de ville. Il s’agit d’une rupture, souvent appelée de leurs vœux par les jeunes professionnels de santé eux-mêmes. Des éléments forfaitaires de rémunération, se substituant au paiement à l’acte, devront être introduits pour favoriser la prévention, le suivi des patients (souffrant notamment de pathologies chroniques), la coordination des soins, les modes d’exercice plus collectifs, voire interprofessionnels, la participation aux politiques et actions locales de santé publique. Le secteur 2 à honoraires différents devra être fermé, de même que le secteur privé à l’hôpital public, quitte à concevoir d’autres formes de rémunération. A terme, l’exercice des médecins spécialistes, notamment pour les spécialités techniques, devra s’effectuer dans des structures de soins organisées, afin de garantir un niveau de qualité référencée. Le choix du lieu de la première installation devra être contraint, mais aussi valorisé, pour permettre la continuité territoriale des soins de premier recours. Des structures hébergeant des cabinets collectifs, voire pluridisciplinaires, et des réseaux de santé polyvalents devront se développer. A côté des centres de santé, de nouvelles formes d’exercice salarié devront être imaginées… A l’évidence, le chantier est immense. Il est que depuis 1927 peu de choses ont changé dans l’organisation de la médecine de ville. Un retard dramatique est à combler.
• Enfin, l’efficience de l’ensemble du système de santé devra être améliorée. L’information en santé devra être libérée du poids des intérêts commerciaux, en particulier de ceux des laboratoires pharmaceutiques, et pleinement confiée à la Haute autorité de santé, indépendante et se fondant sur les dernières données de la science. A cet égard, sur la problématique des programmes d’observance, il faudra convaincre la Commission européenne que la santé n’est pas un secteur économique comme les autres et que les médicaments ne sont pas des biens de consommation comme les autres. Autre projet : le « dossier médical personnel ». Il évitera bien des actes redondants et des accidents iatrogènes. Enfin, des situations de rente devront être réduites. Autrement dit : des situations dans lesquelles l’inadaptation de la réglementation et l’opacité de l’information permettent aux opérateurs la fixation de prix relativement élevés, dont tirent profit les producteurs de soins et qui pèsent de façon globale sur la compétitivité de l’économie comme sur le pouvoir d’achat des ménages (dépassements d’honoraires, politique du médicament, organisation de la biologie médicale, économie du transport sanitaire, etc.).
o La réforme du système de santé doit s’accompagner d’une réforme du financement du système de protection sociale.
• La crise financière est profonde. La croissance des dépenses de santé est plus forte que celle du produit intérieur brut, affectant lourdement l’équilibre de l’assurance maladie obligatoire. Celle des recettes est pénalisée par la faiblesse de la croissance, la situation du marché du travail, les exonérations de charges sociales et les modalités du partage de la valeur ajoutée. Il en résulte un besoin de financement d’un niveau important sur longue période. Ce besoin de financement a conduit les pouvoirs publics, de droite comme de gauche (c’est un regret), à faire le choix implicite du recours à l’endettement public, c’est-à-dire du report de charges sur les générations futures. Or, ce choix n’est pas soutenable. Demain, la gauche devra donc aborder cette question de front. Et commencer par organiser un débat public sur le niveau acceptable de l’évolution des dépenses de santé par rapport à celle du PIB.
• Sans réforme préalable du système de santé, toute mesure sur le financement du système d’assurance maladie n’aura d’effet que de court terme. Il n’empêche que ce système a besoin de financements nouveaux, moins inégalitaires et moins pénalisant pour l’emploi. Suppression des cotisations sociales, remise en cause des niches fiscales et sociales, création de taxes affectées sur les produits polluants ou dont la consommation est nuisible à la santé, extension de l’assiette de la CSG à d’autres éléments du capital, fiscalisation et amélioration de la progressivité du financement de la protection sociale obligatoire, mise à contribution de l’entreprise, meilleure reconnaissance du risque accident du travail-maladies professionnelles, etc. : La Forge fera des propositions.
• Mais, compte tenu de la profondeur du « trou de la Sécu » (5 milliards d’euros en 2007 pour la seule branche maladie), la réorganisation des soins et la réforme du financement de l’assurance maladie obligatoire ne suffiront sans doute pas. La gauche ne doit pas éluder les questions posées par l’augmentation prévisible de la part des organismes d’assurance maladie complémentaire dans le financement de la santé. Cette évolution, éminemment contestable, ne sera soutenable que si elle s’inscrit dans le respect d’un cahier des charges fixant, pour les organismes complémentaires, les critères de respect d’une mission d’intérêt général et si la demande de soins est solvabilisée pour tous (au-delà de la couverture maladie universelle - complémentaire et du « chèque santé », par exemple par un crédit d’impôts.