La loi travail portée par Myriam El Khomri comporte de nombreux points qui posent question voire sont inacceptables. Par conviction et en adepte permanent du débat loyal et constructif sur tout projet de loi avec le Gouvernement et le rapporteur désigné, Christophe Sirugue (pour lequel j'ai amitié et considération), mon équipe et moi-même nous nous sommes mis au travail.
J'ai assisté à de très nombreuses auditions tous azimuts, aux réunions de la commission des Affaires sociales et du groupe, à l'Assemblée et même au Ministère chaque fois que l'on m'a invité. J'ai proposé et défendu de nombreux amendements devant la commission (voir les vidéos) et en ai déposé plus de 40 pour la séance. Je suis intervenu en discussion générale (voir la vidéo) puis j'ai assisté à toute la séquence de surplace organisée volontairement par le Gouvernement dans l'hémicycle, préalable à la funeste décision du 49-3 qui ne faisait plus de doute.
En l'utilisant dès le début de l'examen du texte, le gouvernement a bafoué le débat démocratique et les droits légitimes du parlement, même si la Constitution l'y autorise évidemment. L'application de cette arme atomique du 49-3 permet au gouvernement de faire adopter le texte de loi avec les amendements que le Gouvernement "choisit", sauf adoption d'une motion de censure. Pour rappel, une motion de censure doit obtenir la majorité ABSOLUE (soit 289 voix) pour faire chuter le Gouvernement. C'est tout simplement inatteignable sous la Vème République (un seul exemple en 1962, la majorité de l'époque fit tomber le Gouvernement de Georges Pompidou).
Face à cette situation, avec ce projet de loi décrit par le 1er Ministre et la Ministre en charge comme fondamental, mais très contesté et très contestable, je n'avais, nous n'avions plus aucun moyen d'agir. Après avoir hésité, j'ai apporté ma signature avec 27 autres députés PS au texte d'une motion de censure de Gauche, à l'opposé des arguments ultra-libéraux développés par la droite et je ne regrette pas ma décision.
Je réprouve définitivement cette méthode autoritaire qui est un aveu de faiblesse, et je peux affirmer sans pouvoir le démonter hélas, que sur beaucoup d'amendements venus de la Gauche qui ne faisaient que conserver le droit actuel, le Gouvernement aurait été battu et pas par les “frondeurs”. Un seul exemple sur les heures supplémentaires (HS) : fallait-il refuser comme le propose le projet de loi que désormais la période de référence pour le calcul des HS passe à 3 ans alors qu'elle est actuellement de 1 an aujourd'hui, et que 14% des HS se perdent, c'est-à-dire ne soient pas payées (Etude DARES 2011) ? Refuser cette funeste évolution faisait partie de mes amendements.
J'ai également beaucoup travaillé entre autres exemples, sur l'article 44 qui à l'occasion de ce texte entend revisiter la médecine du travail et pas au bénéfice des salariés. Tout cela sous des allures évidemment techniques. Non, réformer le droit à l'inaptitude (qui est un droit infiniment complexe) en douce pour dédouaner plus facilement un employeur de ses obligations, ce n'est pas anecdotique et concerne des centaines de milliers de salariés de ce pays.
Utiliser l'arme ultime et symbolique d'une “motion de censure des gauches” n'avait ni la vocation, ni la capacité de “faire tomber le Gouvernement” comme se plaisent à répéter les théoriciens des deux gauches devenues “irréconciliables”. Je n'en crois rien. Mais refuser le débat sur le fond quitte à être mis en minorité sur certains articles, accepter que le Parlement joue pleinement son rôle sur un texte majeur, eut été pour nos gouvernants faire preuve de la maturité et de la sérénité qui sied à l'écoute du corps social. C'est une occasion manquée qui concoure à nourrir les difficultés que traverse et le Parti Socialiste et la Gauche, et nous avons besoin d'une toute autre mécanique que celle de l'autorité théâtralisée, fut-elle constitutionnelle.
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