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5 janvier 2016 2 05 /01 /janvier /2016 11:50
Nous refusons la déchéance de nationalité aux binationaux nés Français

L'exécutif a confirmé mercredi 23 décembre 2015 sa volonté d’inscrire la déchéance de la nationalité pour les binationaux nés Français ayant commis des actes de terrorisme dans la Constitution. Nous refusons l'extension du principe de déchéance et sa constitutionnalisation.


1- Cette mesure n'a strictement aucune efficacité, et c'est admis par ses propres promoteurs
On ne voit pas comment la déchéance de nationalité pourrait faire peur à des terroristes qui ne craignent pas de se faire exploser ou mourir. Certains des candidats au djihadisme brûlent d'ailleurs leurs passeports en arrivant en Syrie, en Irak ou au Yémen. En matière de lutte contre le terrorisme, ça n’a aucun sens et c’est même contre-productif au niveau international, car on va renvoyer des gens vers d’autres pays où ils pourront tout autant poursuivre leurs activités dangereuses.


2- cette mesure n'est en pratique pas ou peu applicable
Le Premier Ministre a précisé que les personnes frappées par cette déchéance seraient jugées et condamnées en France et purgeraient leur peine de prison en France ; ce ne serait donc qu'à l'issue de leur peine qu'ayant été déchues de la nationalité française, elles seraient expulsées. Un tel dispositif n'est pas pertinent et même contre-productif, car il implique de perdre la maîtrise et la surveillance sur des individus qui resteraient potentiellement dangereux. Dans certains cas, notamment pour l'Algérie, les personnes concernées par une telle procédure ne pourraient pas être expulsées car menacées de la peine de mort. C’est le cas d’Algériens condamnés pour faits de terrorismes et toujours en France ; la déchéance de nationalité perd alors tout sens si elle en avait un.
Enfin le projet de loi ne prend pas en compte l’idée de nationalité effective. Certains Etats donnent leur nationalité sans qu’on le demande, comme le Maroc pour les descendants de Marocains ou, d’une autre manière, Israël avec la Loi du retour pour les Juifs. Il faudrait donc introduire la notion de lien effectif, par exemple la demande d’un passeport. Or le projet de loi ne comporte pas cette distinction et l’on peut se demander quel serait le sens de la déchéance d’un individu né français et possédant une autre nationalité d’un pays dont il ne connaît absolument rien. Par ailleurs si l’autre pays décide aussi sa déchéance de nationalité, il deviendra apatride sauf a chercher quel est le pays qui a prononcé sa déchéance le premier. On imagine les imbroglios juridiques…


3- sans efficacité, inapplicable, le gouvernement veut donc agir sur les symboles. C’est à mauvais escient. Les symboles à défendre sont ceux de notre tradition républicaine.
La première préoccupation des autorités devrait être la cohésion nationale, la cohésion entre tous les Français quelles que soient leur origines. Or, Si cette réforme constitutionnelle était adoptée, elle inscrirait la marque dans notre loi fondamentale d’une différence entre deux catégories de Français, la marque de divisions parfaitement artificielles. Cela aura des effets très négatifs sur la cohésion que nous devons rechercher et probablement aucun effet réel contre le terrorisme. Un binational est un Français à part entière aux droits strictement identiques aux autres. Commencer fusse pour des exceptions à rompre avec cette notion laisse entrevoir la possibilité de le faire pour d’autres si l’intérêt national était en jeu. C’est à haut risque 
L’idée que des enfants nés Français ne rentreraient pas tous strictement dans le même cadre constitutionnel est une entorse aux principes du droit du sol, principe datant de la Révolution française et que l’extrême droite a toujours contesté. Si c’est une affaire de symbole, alors tenons bon sur nos principes et ne cédons ni à la poussée du FN, ni à l’idéologie islamiste qui conteste nos valeurs républicaines.
Certes la mesure ne doit viser que les terroristes mais une fois constitutionnalisée, la mesure peut «évoluer» au cours du temps et la notion de terrorisme, de crime contre le pays aussi. Evidemment en temps normal, quand la démocratie fonctionne bien, les risques sont plus que limités. Mais la constitution est aussi là pour nous garantir quand le pays, ses gouvernants sont tentés de dériver, de s’écarter de nos fondamentaux.

Enfin, il nous parait utile de préciser - puisque ceux qui à gauche défendent soudainement une position que nous avons toujours combattue saluent le respect de l'avis du Conseil d'État par l'exécutif - que le Conseil d'État ne s'est absolument pas prononcé sur le fond du débat laissant à l'exécutif l'entière responsabilité de ses choix. Il n'est donc pas possible de se cacher derrière cet avis pour y trouver une quelconque onction juridique et républicaine.


4- L'adoption de cette mesure serait une victoire de l'extrême droite, divisant la gauche, mettant à mal l'unité nationale et ouvrant la porte à des nouvelles extensions. 
Pourquoi reprendre à notre compte une proposition de toujours de Jean-Marie Le Pen et du FN que toute la gauche et le PS ont toujours combattu. Pourquoi reprendre une proposition de Nicolas Sarkozy dans son fameux discours de Grenoble que nous avons fustigé ? 
Pourquoi infliger une défaite culturelle supplémentaire à la gauche, qui plus est en la divisant ? Ce n’est pas pour lutter efficacement contre le terrorisme, c’est donc purement pour faire un coup politique, faire un pas de plus dans la triangulation, c’est-à-dire prendre les propositions du camp adverse pour espérer convaincre une partie de son électorat. Faire croire qu’on fait vivre l’union nationale. Que signifie l’union nationale avec des propositions qui rassemble la droite, le FN et divise une large partie de la gauche. Tout cela parce que le président s’était aventuré sur cette pente glissante au Congrès de Versailles et pour asseoir – parait il – son autorité, il faudrait persister dans l’erreur. On risque de voir refleurir le leitmotiv de ce quinquennat : on ne peut pas se diviser, surtout dans des temps aussi difficiles, donc abjurons-nous. Depuis toujours la gauche et bien des républicains ont été contre cette mesure, rien ne justifie qu’on cède. Ni les difficultés de François Hollande à affirmer son autorité, à convaincre les Français, ni l’urgence de la situation. D’ailleurs l’urgence n’est pas seulement sur le terrain de la sécurité, elle est aussi sociale.

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