Devant une salle plénière peu fréquentée (les précédentes n'ayant pas non plus attiré les foules des années passées), ce qui rappelle la moindre mobilisation des militants pour cet université d'été 2015, les intervenants se sont succédés de manière inégale avant qu'Emmanuel Maurel ne conclut cette dernière plénière de l'université. Vous trouverez ci-dessous le compte-rendu mis en ligne par le PS et la vidéo de la table ronde.
Latifa Ibn Ziaten, la mère du soldat assassiné par Mohammed Merah a ouvert les débats sur la fraternité, lors de la dernière plénière sur la République, samedi. Elle a livré un plaidoyer émouvant en faveur de l’éducation. « Si Mohammed Merah avait été bien élevé, bien éduqué, mon fils serait encore là. » Et aujourd’hui, elle est au chevet de ceux qui n’ont rien avec l’association « Imad Ibn Ziaten pour la jeunesse et la paix » qu’elle a fondée.
La fraternité est la dernière venue dans la devise de la République, a rappelé Sandrine Mazetier. Or, « la société de défiance percute la fraternité, ce ciment qui devrait nous rassembler ». Pour Yann Algan, économiste spécialiste du bien être, c’est une valeur essentielle, qui « ne se décrète pas ». « Nous sommes très loin de la fraternité en France », a-t-il souligné : « les Français se distinguent par leur défiance forte envers les institutions et les autres en général ». C’est un paradoxe, ils se disent heureux dans le privé, mais très méfiants envers ceux qu’ils ne connaissent pas. « Beaucoup considèrent qu’il faut être corrompu pour réussir, mais ne sont pas plus tendres pour les laissés pour compte puisqu’une majorité de Français estime que les chômeurs sont responsables de leur situation », a souligné l’économiste. En outre, « nous sommes encore dans une société très hiérarchique où nous n’apprenons pas la collaboration. » Mais il y a encore de l’espoir car « la fraternité se construit ». Cela commence « dès l’école », en encourageant le travail collectif, comme le fait Najat Vallaud-Belkacem dans sa réforme du collège, ce qui réjouit Yann Algan.
Nacer Kettane président de Beur FM a jugé pour sa part que la fraternité n’était pas un penchant naturel de l’homme. Elle ne doit donc pas être « une posture », ni « une déclaration pieuse », mais se décliner en actes. Le président de SOS Racisme, Dominique Sopo a lui insisté sur la différence entre fraternité et solidarité, car « la fraternité n’attend pas de contreparties, c’est un effort éthique ». Il a constaté « un manque de mobilisation » de la société qui devrait « faire pression sur les politiques », notamment pour agir sur la situation des migrants. Il a estimé que cette « effondrement de l’imaginaire de la fraternité » était lié à la fois à un certain discours politique – Nicolas Sarkozy, entre autres, et ses nombreuses attaques contre des communautés pointées du doigt - et à une série de « nœuds passionnels », que l’on préfère mettre sous le tapis : la colonisation, les débats entre juifs et arabes, la question de l’islam etc.
Nadia Bellaoui, secrétaire nationale de la Ligue de l’enseignement, a cité en exemple les associations comme « lieux où se construisent le mieux la fraternité ». « Pour que reculent les inégalités, il faut construire un rapport de force en faveur de la solidarité, développer un sentiment de responsabilité vis à vis de gens que l’on ne connaît pas », a-t-elle ajouté. Une œuvre forcément collective.
Revenant sur les interventions de ses prédécesseurs, Emmanuel Maurel a contesté la vision de Nacer Kettane sur le penchant naturellement anti-fraternel des hommes. Il a abondé dans le sens de Dominique Sopo, différenciant fraternité, « je peux être heureux si les autres le sont », et solidarité, « l’Etat considère qu’il faut coopérer pour une société viable ». Il a ajouté qu’en France, « une politique fraternelle nécessitait une législation différente sur les étrangers ». Et en conclusion, il s’est interrogé sur la compatibilité entre la fraternité et la société capitaliste. Pour lui, « il n’y a pas de fraternité dans une société de marché dominée par les forces de l’argent, qui chosifie les gens ». La réponse socialiste « doit être fraternelle » et a une implication politique car elle passe par la régulation du marché.
Université d'été 2015 : La République pour la... par PartiSocialiste