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22 septembre 2015 2 22 /09 /septembre /2015 14:58

Mediapart.fr - 21 SEPTEMBRE 2015 |  PAR PAUL ALLIÈS, membre du Conseil National du Parti Socialiste

Samedi 19 septembre se réunissait le Conseil National du Parti socialiste, autrement dit son parlement. Ce fut aussi le jour où le Premier secrétaire annonça la tenue d’un «référendum» pour exiger l’union de la gauche aux élections régionales. Or le parlement n’a pas débattu un seul instant de cette proposition.

Le Conseil national (CN) est ce qui reste de démocratique au sommet du PS : c’est l’assemblée où sont représentées toutes les opinions du parti à la proportionnelle des suffrages que leurs motions ont obtenus au congrès national (204 membres plus les Premiers secrétaires fédéraux). Selon les statuts, «entre deux congrès, la direction du parti est assurée par son conseil national» (art. 2.6.1.1.).  Il y a belle lurette que ce rôle a connu de fortes distorsions au profit du Bureau mais aussi du Secrétariat national. Le rythme des convocations du CN est un signe du plus ou moins respect du principe énoncé. Depuis sa nomination en avril 2014, Jean-Christophe Cambadélis a semblé revenir à la lettre des statuts (art. 2.6.4) qui demandent au Premier secrétaire d’«assurer le fonctionnement régulier des instances politiques et administratives du parti».  Il a réuni le CN plus qu’auparavant (tout en le fermant aux journalistes). C’est dans ce contexte que la séance de ce samedi marque un tournant : le CN est devenu un simple chambre d’écho à des initiatives décidées totalement en dehors de lui. On l’utilise pour donner l’illusion médiatique d’une décision collective. On passe de la démocratie représentative à la communication politique.

Rappel des faits : Le vendredi après-midi, veille de la réunion du CN, Jean-Christophe Cambadélis transmet aux représentants des motions (?) un projet de résolution (où il n'est pas question de référendum) devant être soumis au vote du CN. Le samedi, il n’en est plus question. Le débat sur les élections régionales est l’occasion d’une théâtralisation, inhabituellement agressive, des porte-parole de la majorité. La scène est ouverte par Alain Bergougnoux traquant les Jules Guesde masqués (à la gauche du parti ?)  dans la question des réfugiés (réplique de l’affaire Dreyfus) ; il fut relayé par un Henri Weber à la recherche de corrélations improbables entre réforme de l’Etat social et radicalisations des gauches en Europe (pour mieux relativiser ce phénomène) ; Christophe Borgel expliqua que l’intérêt des micro-appareils empêchaient, comme toujours, l’union des gauches pour les régionales (plutôt que la déception devant la politique gouvernementale) ; enfin Julien Dray, couvrant les décibels de la techno-parade défilant tout près de la Mutualité, appela à la mobilisation de la base contre la rigidité des appareils, comme dans les années 1980.

Puis, Jean-Christophe Cambadélis vint. Il fit d’abord litière de l’analyse de l’opposition (exprimée entre autres par Christian Paul) pour laquelle «le basculement opéré pendant ce quinquennat vers une politique d’inspiration sociale-libérale, tournant le dos aux engagements de la campagne de 2012, aggrave les fractures profondes au sein de la gauche française, et entre la gauche de gouvernement et son électorat.» . Voilà en effet bien posé le problème des obstacles à l’union. Le Premier secrétaire se contente d’opposer à ce diagnostic les propos de Pierre Laurent,secrétaire national du PCF (dans Le Monde du 18 septembre) qu’il cite mot pour mot : «A chaque fois qu’il est possible de prendre place dans un exécutif pour faire progresser les politiques publiques, je suis pour.» Preuve que même les communistes ne font pas de la question de la politique gouvernementale un préalable à des accords avec les socialistes. Du même coup, la demande de l’opposition de voir le texte de Jean-Marc Germain adopté à la quasi-unanimité du Bureau national le 27 juillet dernier demandant la réorientation d’une partie du Pacte de responsabilité vers les ménages et les collectivités locales ne sera pas débattue. Les «frondeurs» ne sont que «des minoritaires». Et Cambadélis de conclure par l’annonce du référendum. Celui-ci ne fait l’objet ni de la moindre explication politique, ni du moindre mode d’emploi (deux tweets et une réponse à la conférence de presse qui suit le CN donneront les premières indications), ni du moindre échange avec l’assemblée, ni du moindre vote. A l’évidence, l’annonce in extremis du référendum (faite au Monde avant de l'être au CN) servait à esquiver une foule de questions restées sans réponses : sur les déclarations de Macron, la ligne de l’Exécutif, la préparation du budget 2016, les problèmes internes dans la préparation des Régionales (dont les problèmes avec le PRG mais pas seulement).

Demeure donc le tournant pris concernant la vie démocratique dans le PS. Son parlement rejoint le statut de celui de la V° République, en pire (il continue à se réunir à huis clos). Son assujettissement à la stratégie de communication de la direction est un pas de plus dans la réduction du pluralisme dans ce parti. C’est peut-être même l’entrée dans le digital storytelling, ce récit formaté qui remplace le raisonnement rationnel. Christian Salmon l’avait analysé, il y a une décennie («Storytelling. La machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits». La Découverte.) comme une arme des gourous du marketing pour mieux conditionner les citoyens. Dans la perspective de la campagne du "candidat par défaut" en 2017, Jean-Christophe Cambadélis vient d’y ajouter  un nouveau chapitre sur l’art et la manière d’anesthésier la démocratie militante et délibérative.

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